La chair de Gertrude

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses.
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !


Charles Baudelaire,
Une Charogne,
Les Fleurs du Mal

13 réflexions sur « La chair de Gertrude »

  1. A moitié décomposée moi-même par les charognes du quoditien…dont je m’expliquerai dès que j’aurais réintégré ma carcasse, je parviens  à temps à  manisfester ma hantise avec les lambeaux feulant de ma hargne contre les obstacles qui m’empêchaient d’être fidèle au 9 sacré !
       Enfin de retour …votre Hécate

  2.                      La Putréfaction
    « Au fond de cette fosse moite
    D’un perpétuel suintement,
    Que se passe-t-il dans la boite,
    Six mois après l’enterrement?

    Verrait-on encore ses dentelles?
    L’oeil a-t-il déserté son creux?
    Les chairs mortes ressembleet-elles
    A de grands ulcères chancreux?

    La hanche est-elle violâtre
    Avec des fleurs de vert-de-gris,
    Couleurs que la Mort idolâtre,
    Quand elle peint ses ccorps pourris?

    Pendant qu’un pied se décompose,
    L’autre sèche-t-il, blanc, hideux,
    Ou l’horrible métamorphose
    S’opère-t-elle pour les deux? » etc..
                                     ( Maurice Rollinat)
    Cela continue, mais cela vous suffit peut-être?…A vous de décider,chère chair…

      

  3. c’est à une personne féminine que j’ai donné une page de votre blog…pas à V.S.Vous qui aimez l’aventure ,on navigue en plein flot…Avec vous Capitaine c’était garanti!!!!et si jamais on a fouillé votre blog avec votre annonce sur la sorcière aux corbeaux, je sens que nous allons remuer les esprits!!!!

  4. Comment ça? Une page de mon blog?
    Commet faites vous donc ce tour de magie?

    Mais c’est bien votre pote V qui s’est abonné à la niouze laiteur de Gertrude, chère amie: vous me faites de la pub sans le vouloir!

  5. Je n’ai pas « donné » une page de votre blog .Seulement le lien qui permettait d’y accéder. Rien de plus.
    J’ignorais que V s’était inscris à votre new letter.Il a fait aussi ça pour le mien.J’ai découvert cela hier.
    Je ne savais pas que je vous avais fait de la « réclame »,c’est par ricochet…Peut-être à lire les textes de commentairs….
    Voilà que nous faisons équipe!…pour des « solitaires » des »sauvageonnes »…c’est paradoxal !!!Très drôle en fait.
    La toile…quel univers de rencontre en tous genres:vous le disiez…

  6. RRRRRRRRRRR!!!!!!!
    Attention, on arrive!

    Nous sommes des sauvages planquées derrière nos claviers…
    Nous attendons que quelques imprudents atypiques mordent à nos appats.

    Cela fait bientôt seize mois que je m’amuse sauvagement, Hécate.

    Bienvenue au Club!

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