Gertrude la Nébuleuse.


JC, octobre 2024, Gertrude la Nébuleuse, gravure en taille douce sur zinc de toiture, impression en blanc sur papier noir, 30 x 40 cm.

Gertrude n’est pas une histoire.
Ce n’est pas un récit
qui se déroulerait
au fil du temps
dans une chronologie bien ordonnée
avec un début, des paragraphes, une fin.

Gertrude n’a ni passé, ni avenir,
elle est sans histoire,
juste notre histoire
face à son être inconnu.

Gertrude est une constellation,
vains corps célestes
qui brillent dans l’obscurité
de son mystère ,
configuration de signes
venus du vide
dont la lumière déjà morte
forme un dessin
qu’il nous plait de lire à dessein.


Cela fait exactement seize ans et dix mois que Gertrude est le treizième signe des Toiles.

 

Gertrude la distinguée.


Que ce soit en détail
ou
dans sa globalité
qu’est-ce qui distingue Gertrude
d’une tête de mort?
Serait-ce
un léger décalage?

JC, septembre 2024, Les signes distinctifs de Gertrude,
taille douce sur treize plaques de zinc de toiture, impression sur papier aquarelle.
24 x 29 cm.

Cela fait seize ans et neuf mois
que Gertrude se distingue sur la Toile.

La vieille plaque et ses « vain » impressions.

Pour clore cette année Oscolaire
la Crâneuse graveuse
vous offre en vain impressions
l’expression de la patience
d’un zinc quadragénaire.

JC, Manière noire et aquatinte sur plaque de zinc, épreuve N°20 sur papier aquarelle, 24 x 30 cm.

La plaque de zinc date de mes études à l’École des Beaux-Arts. Témoin du peu d’intérêt que je portais alors à la technique de la gravure, elle est restée inutilisée pendant quarante-cinq ans, trainant au fond des cartons de mes multiples changements de lieu. Elle porte les stigmates de ma négligence, sa surface ayant perdu planéité et éclat au contact de matériaux et médiums divers.

En septembre 2023, j’intégrai un peu par hasard un atelier de gravure, technique qui jusque là m’attirait peu tant je la jugeais rigide et étroite. (Un apriori probablement forgé lors de mes études aux Beaux-Arts après une très brève participation au cours de gravure dont je m’empressai de fuir l’enseignant.)

Ce fut une révélation et la mise à bas de mes idées reçues. Et quoi de mieux pour acter cette découverte que d’exhumer cette vieille plaque qui attendait patiemment que je m’y intéresse; de négligée je ne l’avais pourtant jamais oubliée.

Je bichonnai sa face meurtrie, en nettoyait l’oxyde pour en retrouver le poli, « berçait » longuement la plaque d’un geste répétitif du poignet pour y créer une trame éprouvant ainsi par la technique de la « manière noire » la résistance du matériau et l’humilité qu’il m’imposait.
Je décidai de saturer peu à peu la surface de motifs, crânes d’animaux et coquillages, les faisant apparaitre par polissage, passant du rugueux au lisse, du noir de l’encre retenu dans le relief produit par le berceau au blanc du vide créé par le brunissoir.

Je pris le parti d’en accepter toutes les épreuves, l’incertitude des encrages et des impressions, l’imperfection et l’accident.
Cette plaque de zinc quadragénaire, gardée si longtemps à l’abri des regards, révèle maintenant sa part d’ombre et de lumière. 

Ce fut le travail d’une année, je m’arrêtai à vingt.


Cela fait exactement
seize ans et six mois
que Gertrude vous sert
un petit verre de vain
sur le zinc.

L’Os forte ou Gertrude la Mordue.


Douce comme le vernis
forte comme l’acide
avec une pointe de piquant
il n’y a que Gertrude
qui m’aille
Méfiez vous de
ce qu’on dit … ment

JC, février 2024, L’Os forte, plaque de zinc gravée et « trop » mordue à l’acide selon la technique de l’eau forte;
en attente d’impression (à suivre). 10 x 15cm
.

Gertrude, mordue de la Toile depuis seize ans et deux mois, a toujours la côte (de mailles).

Esprit anime Os.


Gertrude est un os un peu bête
non dénué d’esprit
un drôle d’oiseau
caparaçonné d’écailles
dont le profil à poils
se métamorphose
au gré
de la plume fantaisiste
d’une crâneuse

JC, janvier 2024, Esprit anime Os, gravure en taille douce sur rhénalon, impression sur papier aquarelle par Slama Press,
chaque épreuve: 15 x 20 cm.

Cela fait seize ans et un mois
que Gertrude
se la taille douce
sous carapace

 

Seize ans de blog, c’est grave.


JC, décembre 2023, taille douce sur rhenalon, 21 x 29 cm.

Rien de mieux que la gravure pour faire l’expérience de la patience et de l’humilité d’un travail sans cesse perfectionné, de l’attention au détail dans l’aveuglement de la matrice et la révélation de l’image, d’une attente suspendue à la maitrise et au hasard.

Seize ans que Gertrude joue de la distance, entre adhérence extrême à sa physionomie omniprésente et oubli de son essence mortelle.

Voici pourtant le moment où ne se faisant plus face, elle semble regarder ailleurs, au-delà de l’os.
Mais sa Nature Morte rode pourtant sous la carapace brillante de l’animal d’enfance sourd aux angoisses humaines. Le vide de ses méandres intracrâniens se diffracte dans chaque écaille que la pointe grave et l’éclat lisse du crâne ressurgit sous le brunissoir.

Seize ans, tout ce temps passé à réduire le temps dans un petit espace, la vanité en est toujours plus forte.

JC, décembre 2023, manière noire sur cuivre, 10 x 14 cm.

Gertrude la Grave
gravée à jamais
sur la Toile
depuis seize ans.

Devoirs de vacuité.

 

Ce trois septembre
la Crâneuse en grande vacance
se vide la tête
en remplissant des crânes.

Le problème du jour: 
Les bateaux ont-ils des pieds ?

JC, aout 2021,
Devoirs de vacuité,
crayons graphites sur papier, chaque élément 15 x 21 cm.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cela fait exactement treize ans et huit mois que Gertrude se fait un devoir d’être en état de vacuité sur les rives du Web.

Opacité des Os pas cités.

La Crâneuse cherche la lumière
et mesure ainsi
les degrés d’opacité de l’Os
sans véritablement lui donner forme
si ce n’est celle de l’écran
où G se profile en triple je(u) projeté
sans se bruler aux feu(e)s
ni perdre toute lucidité

Cela fait exactement treize ans et six mois
que le Capitaine de ce Blog
vous cache quelque chose
trois fois plutôt qu’une


JC, juin 2021, Écrans de Crâneuse, crayon de couleur et acrylique sur papier calque et calque millimétré, colle, structures en bois doré et métal d’anciens « écrans à main* ». Chaque élément: 18 x 43 cm.

*L’écran à main, loin d’être un éventail pour battre de l’air, est un accessoire datant du XVIIIème siècle qui permettait aux dames de protéger leurs beaux visages fardés de l’ardeur du feu de cheminée.

Âmistice

« C’est peut-être la dernière fois que vous me voyez. » disait-elle chaque fois.
Nous en plaisantions avec une tendre méchanceté et la vie devant nous.

Sauf que la dernière fois elle ne l’a pas dit.
Nous avons parlé voyages, évoqué le passé et les pays lointains. Ceux de ses traversées, ceux de mon enfance.
Je ne savais pas qu’elle était déjà en partance pour des horizons sans limites et un au-delà insondable.
Elle s’en est allée sans crier gare, sans crier « Gare à la mort ! ».


Une enfance de guerre en tête, elle s’était battue à vie, l’esprit lucide jusqu’à la fin.

Le 8 mai elle a rendu l’arme.
Âmistice.

JC, Petit ouvrage réalisé pour ma mère en 2013, resté dans sa chambre jusqu’à la fin de son voyage. Perle noire de Tahiti, perles en verre, fil et acrylique sur toile épinglée dans un cadre à papillon. 6 x 7 cm.

Cela fait exactement treize ans et cinq mois
que la Mère Gertrude vous aime
et Gertrude l’Amère fait très bien la Mort.

Ma mère photographiée par mon père en 1963 à Madagascar.

Les contre-vanités de Gertrude.

Gertrude serait-elle une contre-vanité ?
Avec sa tête en os et ses faux airs de tête de mort, est-elle la mieux placée pour nous alerter sur les futilités de ce bas-monde face au néant ?
Ce reste humain, initialement destiné à la Science, instrumentalisé dans une démarche pseudo artistique, ne serait-il pas un simulacre de « memento mori » un « souviens-toi » de « ça été » plutôt que de « ce qui sera », une esquisse grossière de figuration de la mort dans le refus obstiné de correspondre au stéréotype du crâne?
L’os, quel qu’il soit, est un constat figé, un arrêt sur image dans le processus de décomposition du corps, une étape après la chair, après la peau, après tout ce qui donne physionomie, après tout ce qui dégouline. Contempler son immobilité, sa minéralité, sa face aveugle et sans histoire, revient à se dispenser de toute digression sur le véritable travail de la mort, à s’aveugler sur la défaite en marche de l’être.

La vanité est ailleurs :
Elle est peut-être dans l’acte de peindre…
Elle est peut-être dans ce texte…
Elle est peut-être dans cette photographie…

Photographie numérique montrant l’atelier de JC.

Cela fait exactement douze ans et onze mois que Gertrude se la joue mortelle sur Internet.