Vain sur vain : le journal du journal. Exception au Capitaine N°16.

 

 

 

 

 

 

La première hirondelle, le magnolia en fleur, les courses, la promenade du côté de l’étang, le jardin, les légumes du potager, le repas du dimanche, la lessive, les truites péchées par mon grand-père, les émissions télévisées…
Les oiseaux, les fleurs tiennent une grande place dans le journal de Jeanne, ma grand-mère, et une succession de petits riens d’un quotidien bien rempli à deux (mon grand-père Baptiste y est omniprésent) entrelacés à notre histoire familiale dont le moindre événement grand ou petit, carte, lettre, coup de fil, visite programmée ou impromptue est scrupuleusement consigné entre clafoutis et parties de scrabble ; dates oubliées mais ici remises à leur juste place dans une chronologie implacable qui force la mémoire.
N’oublions pas non plus les gens du village dont les trois quart ont été élèves de mes grands-parents instituteurs toute leur carrière dans la même école. Une succession de noms de personnes inconnues qui font vaguement écho à mes souvenirs pour les avoir entendus prononcés enfant. Pour mes grands-parents, pas un pas dehors sans les rencontrer et porter attention aux joies et maux de chacun, mariages, naissances et morts. Les anciens instituteurs sont respectés, écoutés, Ils se doivent de féliciter les heureux, consoler les endeuillés, se rendre à chaque enterrement (beaucoup d’enterrements), ma grand-mère tricote des petits chaussons et écrit des cartes de condoléances. Comme dans tous les petits bourgs, les histoires vont bons train. Ma grand-mère Jeanne les relate soigneusement comme tout le reste, avec parfois une pointe d’humour (ce qui la caractérise bien) mais sans aucune moquerie ni jugement si ce n’est force détails laissés à l’appréciation du lecteur.

La belle écriture serrée au français et à l’orthographe impeccables de celle qui est sortie très jeune major de sa promotion de l’École Normale, court ainsi sur les 1300 pages du journal qu’elle a tenu pendant trente ans jusqu’à sa mort.
Les premières années, ma grand-mère écrit dans les cahiers d’écoliers non utilisés (rien ne se perd). Les évènements y sont détaillées, certaines journées occupent plusieurs pages. Le récit va ensuite s’organiser de manière plus systématique dans les agendas de l’UNICEF qu’elle achète tous les ans. L’écriture s’adapte à la taille de la case consacrée au jour. S’il le faut elle s’amenuise, se condense, quelques abréviations apparaissent pour ne sacrifier aucune information au manque de place.

Trente ans de compte rendu quasi quotidien ; à quel moment de la journée écrivait-elle et pour quel regard ? Tout est noté (dans quel but ?), tout est dit en apparence pour le lecteur, que je suis à présent, mais rien n’est exprimé de son ressenti, de ses sentiments, de ses joies ou de ses angoisses.
Par exemple, rien ne transparait à travers les mots lors de la grave maladie de mon grand-père entrainant hospitalisation et intervention. Par pudeur (« nous ne sommes qu’une famille de petits instituteurs ») ou parce que les inscrire serait leur donner une réalité insoutenable, les évènements pénibles et la maladie ne sont jamais nommés ; par recoupement des paroles familiales, je les sais plus que je ne les lis. Seule l’écriture joue le sismographe des tremblements intérieurs du cœur bien caché de ma grand-mère, les mots hésitent, la graphie se trouble, pour se raffermir quand ça va mieux, quand la vie reprend son cours.

La dernière ligne écrite dans le journal est une note qui pourrait sembler anodine mais qui en dit peut-être long sur les difficultés de la vieillesse : un rappel du prochain passage de la personne qui vient faire le ménage et aider le couple dans ses tâches quotidiennes ; suit une liasse de pages blanches comme pour annoncer que quelques semaines après le cœur de ma grand-mère s’arrêterait.
Celui de mon grand-père, brisé par le chagrin, ne résistera pas très longtemps au manque de celle qui fut à ses côté pendant près de 70 ans.

Depuis quelques mois, je numérise l’énorme quantité de documents récupérés dans la maison de mes parents, photos, diapositives, correspondances et divers écrits dont le journal fleuve de ma grand-mère, autant d’éléments qui s’imbriquent les uns dans les autres pour reconstruire une temporalité familiale.

Sentiment indéfinissable que le mien quand je pose la dernière page du journal sur la vitre de mon scanner .
Vanité d’une entreprise qui fut la sienne, qui est la mienne.
J’ai entendu sa voix si familière dans ma mémoire sans pour autant percer l ‘énigme de son propos ni de ses motivations. Rester vivant ?
Cela me renvoie à ma propre finitude.

Qu’aurait-elle dit du drôle de journal où j’écris ces lignes aujourd’hui ?

Parallèlement à son journal Jeanne écrivait ses souvenirs et des bribes d’histoire familiales dans un carnet. J’évoquais déjà ce dernier en aout 2015.

Quinze ans ou la crise d’Acmé.


En pleine crise d’Acmé1
Gertrude la Belle2 Boutonneuse3
Os ingrat adulé mais pas adulte
fête ses quinze ans sur la Toile

JC, La Belle Boutonneuse, décembre 2022, boutons* cousus et image transfert sur toile, 47 x 30 cm.
(*Issus de la collection de boutons conservés depuis plus de quinze ans par JC, pour la plupart offerts en surplus de vêtements de prêt-à-porter maintenant donnés ou usés sans avoir perdu leurs boutons d’origine.)

  • 1-Je serais bien tentée en ce trois janvier 2023 de vous souhaiter une bonne acné mais…
  • 2-Sous ses appâts rances de jeune fille polie, bien rangée et organisée, Gertrude cache une personnalité cas os tique.
  • 3-Qui cherche toujours ses marques et sa boue d’ornière.

 

À corps ou en dés à corps. Exception au Capitaine N°15.

 

J’ai toujours été en désaccord avec mon corps .
Carrément pas raccord avec ce corps qui pourtant n’était ni handicapé, ni malade, ni tordu, ni en surcharge mais doté d’une géométrie spatiale incertaine et encombrante, d’une gaucherie évidente.
Combien de pieds de table, de coins de meuble, de chambranles de porte sont-ils entrés en collision avec ma personne ? Combien d’escaliers ont-ils eu raison de mon équilibre ? Combien d’assiettes, de tasses et autre objets fragiles se sont-ils échappés de mes mains ?
Mon corps a bien souvent fait défaut aux calculs de mon esprit comme le jour où j’avais cru lancer mon lourd cartable en bas de l’escalier du collège. Mon corps avait suivi le mouvement à l’insu de mon plein gré et ma tête avait amorti le choc un étage plus bas, démonstration du manque d’entente entre ces deux protagonistes de mon individu. Ce fut un souvenir percutant et, somme toute, assez drôle de mon bref passage à l’école.
À la même époque (j’avais dans les onze-douze ans), mes parents me voyant si gauche, ont cru bon m’inscrire à un cours de danse classique que j’ai fréquenté deux longues années durant.
Le professeur se nommait Courtois (c’est dire…), et les valses de Chopin, dont, au piano, il accompagnait les exercices, m’évoqueront à jamais ces séances pénibles où j’étais surnommée « l’éléphant ».
Pourtant mon corps n’avait sûrement rien d’éléphantesque : j’étais plutôt petite, maigre et noiraude , les cheveux bruns et coupés court. Incapable de coordonner mes mouvements et de maitriser correctement les bases de la danse classique, je ne faisais que retomber lourdement sur le parquet . Je contrastais avec la grâce de mes petites camarades blondes aux chignons serrés impeccables sur le haut du crâne, fières de leurs chaussons à pointe qu’elles cassaient dans les charnières des portes.
Je n’ai, pour ma part, jamais dépassé le stade du chausson mou.
Mes parents comprirent que je ne serais jamais un petit rat de l’Opéra ; je fus donc inscrite dans un centre d’équitation.
La durée de l’expérience fut fonction de la rigidité dénuée d’indulgence de l’ancien militaire qui dirigeait les cours et de l’animal qui vite comprit à qui il avait à faire : au vu du peu de contrôle que j’avais de mon propre corps, je ne risquais pas de lui imposer ma volonté, dessein qui, quand j’y réfléchis à présent, n’a jamais été le mien.
J’abandonnai donc ; et plus j’avançais dans l’adolescence, plus mon corps se repliait sur lui-même, adoptant une voussure permanente qui me valut d’incessants « Tiens-toi droite ! » de la part de mes parents.
Je suppose que cela les inquiétait plus que moi qui, dans cette posture, renonçais simplement à maitriser mon image. Un vrai soulagement.
J’ai accepté, depuis, le décalage, voire même l’incohérence entre ma tête et mon corps. Le regard des autres quand il était bienveillant et surtout le regard amoureux m’ont permise, à défaut d’être complètement en harmonie, de vivre mon corps au mieux.
Avec le temps, j’ai également cultivé l’autodérision par rapport à ma maladresse, à ma géométrie improbable, à ma légendaire incapacité à m’orienter dans l’espace, à mon manque d’équilibre postural.
Ces caractéristiques font partie intégrante de ma personne. Mais j’aurai toujours ce sursaut et un sentiment de perplexité en surprenant mon reflet de profil ou de dos dans un redoublement de miroirs.
J’aurais pu m’épancher davantage sur ce p… de corps qui n’en mérite pas tant ; je ne voudrais surtout pas donner raison à l’arthrose qui me rappelle quotidiennement son existence.

Gertrude n’a-t-elle pas prouvé que la tête pouvait tout à fait se passer des contingences du corps ?
Aurais-je pour autant imaginé que moi Crâneuse, Capitaine de ce blog exclusivement dédié à un crâne sans chair ni corps, je réaliserai une sculpture ? Vous savez le truc en trois dimensions qu’il faut concevoir dans l’espace et autour duquel il faut pouvoir tourner, ou au pire le machin dans lequel on se prend les pieds en regardant la peinture… Et une sculpture en vrai bois, sur le corps en plus ! À partir d’un défi lancé par un psychomotricien, qui plus est !
« Le mouvement révèle le corps. » a-t-il dit.

Pfffffff……. C’était juste un jeu.

Article dédié à B. et à la psychomotricité.


Juliette Charpentier, Capitaine de ce blog.
9 avril 2022

JC,Décembre 2021- Mars 2022,  Le Corps en Jeu ou le Je du Corps. Bois de tilleul sculpté. Dimension variable.
Photographie montrant la « sculpture »  ainsi que son mode d’emploi et les dessins  préparatoires ayant permis sa réalisation.

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14 ans ou les états intermédiaires de l’Os.

 

Suspendue*
entre J et G
entre virtuel et réel
entre os et chair
entre matériel et immatériel
entre artificiel et artifice

entre être vivant et nature morte
entre sommeil et éveil
entre art et science
entre blog et blob
entre idiotie et performance
entre le chrono et le dernier métro
entre encensoir et repoussoir
entre obsession et détestation
entre la dérive et le rivage
entre image et imaginaire
entre la mer et l’amer
entre plume et plomb
entre elle et moi
entre l’âme et la lame
entre la mémoire et l’amnésie
entre histoire et légende

entre appât rance et attirance

entre absurdité et vérité
entre crâne et écran
entre éphémère et éternité
entre protocole et pot de colle
entre tête en os et os en tête
entre dessous et dessus
entre miracle et raclure
entre oeuvre et ouvrage
entre corps et corpus
entre reliques et liquéfaction
entre représentations et présence
entre vacance et vacuité
entre cliché et chez qui
entre référence et irrévérence
entre peur et fascination
entre diction et addiction
entre décompte et comptes à rendre
entre message et passage
entre article et artiste
entre peinture et Gertrude
entre taxinomie et taxidermie
entre temps et tant pis
entre cycle et recyclage
entre rire et larmes
entre objet et sujet
entre question et interrogation
entre texte et prétexte

entre motif et motivation
entre jeu et je
entre animation et inertie
entre cadeau et cas d’os

entre énigme et transparence
entre absorption et opacité
entre vous et moi
entre silence et conversation
entre nature et culture
entre mot et maux
entre sensible et sensationnel
entre lumière et obscurité
entre ricanement et grincement
entre forme et informe
entre crâne et oeuf
entre couleur et grisaille
entre neuf et neuve
entre structure et déliquescence
entre hasard et maitrise
entre écriture et décrépitude
entre plein et vide
entre interstices et sutures
entre unité et duplicité
entre Eros et Thanatos
entre aile et son double
entre rose et noir
entre néant et béant
entre rien et vain

Gertrude a maintenant
quatorze ans
en latence
entre enfance et obsolescence
intermédiaire
ad Os les sens
du Terme


JC, décembre 2021, Blob-Os, sclérotes de physarum polycéphalum sur papier absorbant.
Chaque élément : 8 x 10 cm.

Physarum polycéphalum, myxomycète unicellulaire de l’ordre des physarales 
familièrement appelé « blob » faisant actuellement l’objet d’études par le CNRS (Audrey Dussutour, chargée de recherche),
et particulièrement prisé par les enfants et les adolescents comme « être de compagnie », ici en état de latence déshydratée sorte de mise en sommeil en attente d’un éveil.

*Presque dans l’idée inframince et approximative de l’Inframince, concept duchampien. Hommage au grand MD toujours entre inégalable et inimitable.

 

En mains « ploples » ou le Je des mots : L’exception au Capitaine n°14.

 

« Juliette, comment sont tes mains ? »
À la question que mon entourage ne se lassait pas de me poser, je répondais inlassablement : « Elles sont ploples. »
J’avais environ quatre ans et je savais très bien dire le mot « propre » proprement. Mais remplacer les R par des L tellement plus liquides, plus bizarres, plus informes, plus intéressants à prononcer me procurait une satisfaction certaine ; les réactions d’hilarité que produisait l’effet comique de répétition m’amusaient beaucoup et m’encourageaient à poursuivre.

J’ai toujours aimé les mots, jouer avec eux, leur sens, leur plasticité, leurs possibles polysémies. Créer des associations entre eux, des collisions, des collusions, construire des phrases ou pas, ou carrément produire de la confusion grâce à eux.

Enfant, des jours entiers, je répétais intérieurement des mots ou des termes que j’avais attrapés comme des papillons sans forcément en connaître le sens, tout simplement parce que leurs sons me plaisaient ou que je leur conférais une autre signification.

J’étais une enfant sauvage et solitaire dont l’esprit était peuplé d’histoires, de conversations, de bricolages divers qui m’occupaient. Je ne m’ennuyais jamais et avec du recul, je m’aperçois que les mots jouaient un rôle certain dans cet univers personnel qui me suffisait amplement. À tel point que loin de briller, je devais renvoyer une image quelque peu demeurée en société au grand désespoir de mes parents.

Mon père n’était pas en reste pour jouer l’idiot à répéter à l’envi bons mots et calembours qui par usure ne faisaient plus rire que lui. Il adorait également modifier les noms propres, au point parfois d’oublier la version originale face à des personnes qui s’en trouvaient contrariées.
Chaque semaine il recevait Le Canard Enchainé et se délectait de sa lecture d’un bout à l’autre ; nous avions droit à tous les bons mots de l’hebdomadaire, titres succulents avec dessins ad hoc, contrepèteries croustillantes qu’on nous disait ne pas être pour nos oreilles d’enfants.
Ma mère, elle, faisaient les mots croisés du Canard, réputés des plus difficiles. Passionnée de littérature, elle recevait, au fond de la brousse malgache, la revue « Avant-scène » qui retranscrivait toutes les nouveautés théâtrales. Je les lisais après elle, je ne comprenais pas tout mais m’appropriais quelques tirades à déclamer pour moi seule.

La lecture était une de mes plus grandes occupations, celle bien sûr de livres accessibles à mon âge, j’avais entre huit et dix ans ; je m’intéressais également fortement aux ouvrages que mes parents laissaient sur leurs tables de nuit, à la recherche, quand ils avaient le dos tourné, de je ne sais quels mystères réservés aux adultes. C’est ainsi que vers neuf ans j’ai lu, terrifiée, « La Métamorphose » de Kafka, et été longtemps hantée par un corps de cafard incrusté de pommes pourries.

De la lecture à l’écriture il y a une logique. Je prenais beaucoup de plaisir à écrire, des lettres particulièrement destinées à ma tante ou à mes grands-parents. Je faisais également partie d’une chaine d’enfants de part le monde qui s’envoyaient des cartes postales ; j’écrivais à des inconnus et recevais des réponses en retour ; cela allait du petit mot aux vrais récits, j’aimais l’idée de raconter ce qui me passait par la tête à des personnes que je ne rencontrerais jamais.
J’avais environ huit ans et n’allais pas à l’école. Je suivais des cours à distance par le CNTE, ancêtre du CNED. J’avais par exemple écrit une rédaction fleuve où je faisais le parallèle entre mon grand-père que j’admirais et la momie de Ramsès II vue au Musée du Caire lors de notre dernier retour à Madagascar. Le professeur que je n’ai jamais rencontré avait été visiblement très impressionné.
Plus tard en classe de troisième, cette fois scolarisée durant une année en Gironde, je rédigeai une nouvelle sur une histoire atroce se déroulant dans les camps de la mort, récit qui m’avait été relaté par un de mes oncles et qu’il me semblait important de retranscrire. Cette écriture parmi d’autres que je réalisai en cours de français fut un moment particulièrement fort de ma scolarité. C’était en même temps un acte sérieux et une vraie satisfaction.

Mais ma plus grande révélation d’élève reste le latin. Mes sept années de latin furent une pure jouissance intellectuelle, l’épreuve de Baccalauréat sur le Satyricon de Petrone une apothéose.

Le latin était un jeu en même temps littéraire et scientifique, les traductions relevaient du défi et de l’enquête policière. J’étais captée et fascinée par la polysémie des termes et des expressions, par les tournures et les nuances avec lesquelles les auteurs latins se jouaient de leurs lecteurs. Chaque mot trimballait son petit monde avec multiples chemins pour s’y perdre.
J’ai le grand bonheur et honneur d’avoir encore en ma possession le Gaffiot familial légué de sœur en sœur puis à mes enfants ; ouvrage tant aimé, consulté, annoté, reliquaire de petites fleurs séchées et de trèfles à quatre feuilles.
Le latin, que je maitrisais mieux que les langues vivantes, anglais et espagnol, de mon cursus, m’a fait découvrir l’univers passionnant de l’étymologie ; je ne peux plus aborder un mot sans me questionner sur son histoire. Non seulement les mots portent un héritage suivant des filiations parfois surprenantes voire tortueuses, mais il est possible de les dévier vers des directions absurdes pour leur faire prendre d’autres voies et d’autres sens. On s’aperçoit souvent dans l’expérience du calembour que le mot, sa sonorité, sa forme se plient très volontiers à l’absurdité en retrouvant cohérence et logique.

C’est bien plus tard que je découvris Marcel Duchamp et sa mécanique intellectuelle, merveilleuse Broyeuse à chocolat, bien après l’École des Beaux-Arts qui se situait entre un enseignement technique traditionnel et poussiéreux et le renouveau d’une contemporanéité picturale, à l’heure où, dans ce contexte, le surréalisme était gênant voire ringardisé, avec tout ce qui allait avec.

C’est bien par hasard, et cela doit être idéalement ainsi, que j’en fis la découverte au gré des visites de musées et d’études que je repris pour devenir enseignante. Après cela, je n’eus de cesse, pour moi et pour mes élèves, de creuser et creuser encore mes connaissances sur Duchamp et son œuvre qui symbolise pour moi l’aboutissement de toute recherche artistique au point qu’il serait inutile d’en rajouter. Je ne décrirai pas ici sa démarche ; chacun peut aller à sa recherche et y trouver son propre chemin.

Le jeu avec les mots est réellement rentré dans ma pratique artistique quand j’ai commencé à travailler à partir d’un crâne que j’ai prénommé Gertrude. Gertrude au vocable plein de R comme en contrepoint du « plople » de mon enfance.

Quand j’ai abordé cette pratique autour de Gertrude, il y a plus de treize ans, je ne me doutais pas à quel point ce simple motif (pas si simple), réceptacle vide (pas si vide) et sans histoire (mais à l’histoire de tous les possibles), se prêterait à l’infini au jeu avec les formes et les mots, que les mots comme « os » ou « crâne » joueraient ainsi les trublions dans le langage, aussi bien le mien que celui des interlocuteurs de ce blog ; à quel point également le jeu avec les mots pourraient générer des réalisations plastiques, et ces réalisations autant de spiritualité verbale.

Ainsi le Blog de GertrudeS persiste et signe uniquement grâce au plaisir que je retire de ce jeu. Aucune autre ambition.

 

Je choisis de ne pas associer d’images à ce texte car le blog entier en est l’illustration et la démonstration.

 

Juliette Charpentier
Turenne le 9 avril 2021 .
Le noeuf d’avril, le seul jour de l’année
où La Crâneuse raconte sa vie.

L’âge piv’OS : L’exception au Capitaine n°13.

Ce noeuf  de quatre vains
il me reste exactement
noeuf semaines
avant de :

Sortir du cadre, être à la marge, pivoter, tourner sur soi-même, tourner le dos, tourner la tête, se retourner, et prendre tournure, ne pas voir trop loin, viser l’infini, ne pas en voir la fin, pivoter, finir et recommencer, tourner, retourner, y retourner, se tordre, se tordre de rire, voir loin, l’horizon , examiner le lointain avec une vision de près, se rapprocher, pivoter encore, avancer d’un pas, reculer en avançant, pivoter, changer de point de vue, trouble de la vision ou vision trouble, vision troublée, à droite, puis à gauche, lever les yeux, viser haut, viser os, hisser os, ne pas trop la regarder, passer sans la voir, ne pas trépasser, elle n’est pas trop loin, c’est pas trop vain, pivoter en vain, tourner, danser, retourner, regarder derrière pour ne pas voir devant, regarder vers l’avant sans se retourner, même pas peur, secouer la boussole, perdre le nord, retrouver son chemin, prendre une traverse, tourner, à gauche, à droite faire, demi-tour, virer, virer, virer des cadres, rayer, rayer le parquet, glisser, virevolter, basculer, ne pas tomber, sans volte-face, sans perdre la face, face-à-face, perdre la tête, rouler, rouler, n’amasse pas mousse, rouler et remonter la pente,
en fin,
enfin,
en vain.

Pour l’occasion recyclage d’une vidéo/performance en chambre réalisée en 2009 et intitulée « Manipulation »(extrait).

Nous y voilà en fin, enfin, en vain.
Le temps où finir est recommencer,
où liberté est à inventer,
où tant sera le temps.
Un temps d’autant plus temps
que le cadre temporel fout le camp.

Rien n’était prévu
mais rien ne sera laissé au hasard
dans ces trésors d’incertitudes
marqués au sceau du 13.
13 d’exception.
13 des vendredis sonnant et trébuchant
le glas des décomptes.
Arcane faucheur.
Ce n’est pas effrayant,
juste métamorphosant.
Balayage salvateur.
Renaissance.

Et Gertrude ?
D’ici qu’elle fasse peur .
Pivotons et regardons-la
sous son meilleur profil.

Douze ans : Amor à mort !

Cela fait douze ans
que Gertrude flirte avec le grand Web
et file une parfaite histoire d’Os
sur la Toile
À ce stade
ce n’est plus un mariage de raison
c’est parfaitement
IRRAISONNABLE !
Os les cœurs !

JC, décembre 2019, Amor à mort, acrylique et vernis sur toile en forme de cœur, 28 x 28 cm.
Le couteau crâneur m’a été offert par mes amis S et C.
Comme le veut la tradition d’Os je leur dois bien un Heur’Os en échange.

 

La Crâneuse et ses os
vous souhaitent
une bonne année de mille Vains !

 

Gertrude avant Gertrude: L’exception au Capitaine n°12

 

Et si Gertrude était
une machine à remonter le temps ?

« … Arrivée à mon âge, on se dit finalement qu’on a plus de passé que de futur, bien plus à raconter à rebours qu’en avant… »

En attendant que
la Capitaine Crâneuse
concrétise un tel projet
qu’elle procrastine un peu
bulle de temps en temps
reporte au lendemain
quelques rétropédalages dans l’os
vous pouvez toujours
lire ou relire le texte
« La princesse Gertrude »

Au tournant ou le cahier de J. : L’exception au Capitaine n°11.

D’habitude je n’achète pas ce genre d’objets. Objets « tout fait », non inventés. Mais le mot « journal » m’a appelée malgré moi. Cela fait à peu près deux ans que je l’ai sur mon bureau, remettant toujours au lendemain son utilisation. Aujourd’hui je triche (…)

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L’étagère de Gertrude photographiée le 08 avril 2018, ou « l’atelier impossible ».

Juliette Charpentier, Paris le 09 avril 2018

Dix ans: Le calendrier de l’après.

Gertrude en dix ans, c’est 947 articles et 19518 commentaires.

(Cliquez sur les images pour remonter le temps.)

Et pourtant cela pourrait se résumer en une phrase :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Voici dix ans que Le Capitaine sous son chapeau crâne dans son bocal posé sur l’étagère encombrée pour laisser son empreinte sur la Toile en écoutant le bruit du monde et en brodant ses rêves de médaille en chocolat sous forme de monogramme tatoué dans la peau de l’os pastel, et après ?… »