Échange encre noire contre mine de plomb

 

Écrire à dessein

et mourir sans dessein

pour mourir en dessin

ou comment la Crâneuse

meurt pour rire pour avoir une image


Merci à

LMG

et ses 365

Épitaphes


N’hésitez pas

Aiguisez votre plume à occire

et envoyez lui votre

Fin 

elle en tracera à jamais les contours

comme vous n’avez jamais osé l’imaginer


Écrire c’est mourir un peu

mais c’est vivre plus fort

Graphite et poésie assurées


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Mort en tête à tête

 

 

Il était évident qu’à force de parler à Gertrude, cela finirait par arriver.

 

Tout a débuté par un fourmillement dans la jambe droite.

Ce picotement discret est devenu une sensation désagréable, particulièrement quand il a aussi gagné la jambe gauche.

Au départ, je marchais normalement, puis ma peau est devenue comme du carton. Je ne sentais plus le sol sous mes pieds et mes orteils ne m’obéissaient plus, ce qui était très gênant dans la rue,  les escaliers et les couloirs du métro.

J’ai commencé à m’alarmer de cet état quand un jour j’ai raté une marche et me suis retrouvée comme un tas d’os en bas d’un escalier de la station Saint Lazare : je pris conscience alors que la réalité terrestre, habituellement matérialisée par le contact entre le sol et mes pieds, n’était plus le fait d’une sensation physique mais d’une compensation cérébrale : je faisais semblant et marchais avec la seule présomption d’une solidité sous mes pieds.

Dans le même temps mes membres supérieurs prenaient le même chemin. Je me réveillais le matin les mains recroquevillées sous ma poitrine et les bras ankylosés. Mes mains, si actives autrefois, se refermaient toutes seules et mes doigts dessinateurs, brodeurs et bricoleurs oubliaient lentement leurs capacités fonctionnelles.

Peu à peu mon corps entier se transforma en buche de bois ; un matin, je ne pus plus me lever. Mes sensations se limitaient à ma tête et s’arrêtaient à ma nuque.

 

L’IRM révéla à la base de mon cou une formation osseuse qui comprimait la moelle épinière jusqu’à couper toute communication sensorielle et motrice entre ma tête et mon corps. Je fus alors déclarée inapte à toute fonction utile et pus enfin me consacrer entièrement à la futilité.

 

Mon corps était devenu une chose étrange, voire étrangère, que mon entourage s’appropria entièrement, le bichonnant, le baignant, le talquant, l’épongeant et le soignant amoureusement, surveillant méticuleusement le dessèchement et le recroquevillement  de sa peau.

Ma tête, elle, regardait cette agitation avec détachement (au sens propre et au sens figuré) car littéralement je me désolidarisais de ce corps dont le destin ne suscitait en moi que peu d’intérêt si ce n’est une certaine satisfaction d’être enfin débarrassée de lui et de ses contingences physiologiques et intestines.

J’avais cependant une certaine compassion pour cette chair qui dans le temps m’avait donné tant de fierté et de plaisir ; à présent, en plein marasme, elle se mourait en dehors de moi comme un cordon ombilical qui, après la plénitude de l’enfantement, se retrouve, entité déchue coupée et desséchée, enveloppée d’un linceul de gaze au fond de la boite à ordures.

 

D’un autre côté, il me plaisait de développer de nouvelles capacités telles que la communication oculaire ou la peinture avec la bouche. J’acquis très rapidement une grande maitrise de moyens, du crayon aux nouvelles technologies, avec le seul éventail offert par ma sphère ORL.

Le dialogue avec Gertrude devint alors un véritable tête à tête dans une complicité étroite ; et la performance n’en fut que plus spectaculaire. Elle me fit gagner en notoriété auprès d’un public déjà nombreux.

Je fus une curiosité, une femme sans corps, une tête multitâche universelle qui savait tout faire, dont les tenants et les aboutissements n’étaient que tête pour tête sans prise de tête, dont les réalisations se démultipliaient comme autant de mises en abime dans le jeu de miroir avec Gertrude.

Les gens venaient de loin admirer le phénomène et s’extasier devant les prouesses picturales et virtuelles que j’exécutais en public avec beaucoup de complaisance. Ils s’étonnaient également de la décollation quasi miraculeuse de ma tête, de son autonomie par rapport au reste de mon organisme, au mépris de toute théorie scientifique.

Le corps, lui, (je ne le désignais déjà plus comme « mon corps ») se bonifiait comme une antiquité précieuse, prenait l’aspect et l’odeur d’un vieux cuir de Cordoue, tant il était soigné, ondoyé et parfumé par mes fans qui se relayaient jour et nuit pour éviter sa putréfaction.

 

Mais peu à peu ces derniers se firent rares : comme tout engouement, l’intérêt porté à ma personne passa avec le temps. La chair mollit, la peau craquela, l’odeur devint moins agréable pour ne pas dire pestilentielle. De petits morceaux se décomposaient et se détachaient sournoisement de ma carcasse, laissant çà et là l’os à nu.

Les quelques fidèles qui restaient, essayaient bien de me le cacher, mais je voyais bien à leurs mines consternées qu’un processus irrémédiable était engagé et que le fragile équilibre qui maintenait ce corps dans un semblant de forme était définitivement rompu.

 

De mon côté (côté tête), je ressentais les effets négatifs de cette dégradation ; non pas que cette déconfiture corporelle m’affectât, mais mon cerveau étant de moins en moins irrigué, je sentais la torpeur me gagner.

Je perdais lentement le désir et l’énergie de créer. Je passais de longues heures à contempler Gertrude posée sur ma table de nuit ; j’en connaissais les moindres détails et contours et cheminais en boucle le long de ses méandres osseux. Cela devenait une activité réflexe de mon regard, une sorte de mécanisme de l’indifférence. Je pensais tendrement à Marcel et à la roue de bicyclette qu’il regardait tourner comme on regarde un feu de cheminée. Dans un dernier sursaut d’espièglerie je me complaisais dans cet état contemplatif d’un tête à tête avec Feue Gertrude qui ne tournait même pas.

 

Pour la première fois de ma vie je m’ennuyais et en arrivais à espérer quelques ébats de mouches sur l’occiput de Gertrude pour réveiller je ne sais quel avorton de libido qui me sortirait de cette vacuité. Mais le vide me gagnait inexorablement ; il me remplissait et m’étouffait jusqu’à prendre la place de mon ego. Je n’étais plus rien que cette image dans le miroir sombre des orbites de Gertrude dont je ne parvenais plus à détacher mon regard.

Le corps était devenu un amas informe et gluant baignant dans une sanie infecte aux miasmes irrespirables et où sursautait lamentablement les restes d’une pompe cardiaque.

 

À quel moment ou de quelle manière la nuit tomba malgré l’électricité qui brulait en permanence ? Je ne sais plus si ce furent les ténèbres au fond des cavités oculaires de Gertrude qui envahirent l’espace ou si je me retrouvai brusquement dans le noir de ces ombres que j’avais tant dessinées avec mon crayon 4B.

 

Ma dernière pensée, mais était-ce une pensée ou un souvenir, fut pour cette tête aux yeux clos, conservée dans un bocal de formol, présentant à la base du cou une étrange formation osseuse semblable à une tête de mort. Joliment disposés, trônaient également sur l’étagère un magnifique crâne de femme et quelques peintures.

 

Juliette Charpentier, texte envoyé le 12 aout 2013 à LMG

 


ICI

 


CompOSition Poïétique en Boîte n°1: La Boîte des Transparences

 

 

 

Face au marasme grandissant dans lequel se trouve sa pratique et l’envahissement irréversible de son espace vital, Le Capitaine n’a d’autre issue que celle de se réfugier dans une taxinomie compulsive aporétique et sans cesse renouvelée du contenu de son atelier-étagère et dans une mise en boite  aux signifiants plus ou moins maîtrisés du susdit contenu.

 

C’est ainsi qu’après six ans et deux mois d’occupation virtuelle et domestique, elle vous présente sa nouvelle catégorie gertrudienne : La compOSition poïetique en boîte, qui même si elle n’a pas le pouvoir de rendre ses desseins plus clairs, ni de dépasser la banalité de ses choix, a au moins l’avantage de satisfaire son goût prononcé pour le bricolage et de tirer parti de ses maniaqueries accumulatives compulsives de collections de contenants en tout genre.

 

 

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JC, La Boîte des Transparences,

miroir, papier calque, papier de soie, colle, boite en métal et polycarbonate de récupération,

H : 8cm, l : 10 cm

 

La première CompOSition s’intitule La Boîte des Transparences.

Il s’agit d’une boîte en métal de couleur blanche à section carrée d’environ 10 cm de côté. Cette boîte est, à l’origine, un emballage pour trois paires de socquettes en coton d’une grande marque de prêt à porter, edité en série limitée à l’occasion des fêtes de Noël.

Le couvercle de la  boîte est composé d’un cadre métallique et d’une paroi en polycarbonate transparent. Pour cette compOSition, un petit miroir carré est collé en position centrale au fond de la boîte et un dessin représentant le crâne de Gertrude de face a été réalisé à la colle transparente sur la surface du polycarbonate de telle manière que ce dernier exposé à la lumière, son ombre portée soit visible par projection au fond de la boîte et se superpose à l’image réfléchie dans le miroir qui peut être celle du visage du spectateur. Sur deux côtés de la boîte sont fixés des petits pliages en papier calque cousus de fil blanc et contenant chacun une série de neuf petites photographies du crâne de Gertrude imprimées sur papier de soie ; l’emplacement de ces pliages a été choisi en fonction des inscriptions sérigraphiées (marque de prêt à porter) sur la boite et qu’il était nécessaire de cacher.

 

 

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N’oubliez pas

d’aller zyeuter la deuxième CompOSition chez la Rose

et de fermer vos mirettes

dans la troisième boîte chez la Noire

 

 

CompOSition Poïétique en Boîte n°2: La Boîte à zyeuter

 

 

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JC, La Boîte à zyeuter,

acrylique, photographie numérique, yeux mobiles en plastique, boite en carton de récupération,

23 x 7 x 2 cm

La deuxième CompOSition poïétique en boîte* (* Pour en savoir plus ou encore moins, rendez-vous sur le blog de Gertrude) s’intitule La Boîte à zyeuter.

Il s’agit d’une boîte plate en carton de format allongé ayant contenu à l’origine de succulents chocolats, aux couleurs vives, réalisés par un pâtissier créateur japonais.

Pour cette CompOSition, la boîte a été entièrement recouverte de peinture acrylique avec des teintes roses allant du « rose bonbon » à la « couleur chair ». Un œil ouvert, dont le modèle a été pris directement sur l’œil droit du Capitaine, est représenté à la peinture acrylique sur l’extrémité gauche du couvercle. Ce dernier a été ensuite recouvert d’un vernis brillant. Au fond de la boîte et en position centrale est collée une impression papier d’une image légèrement modifiée à partir d’une photographie numérique du crâne de Gertrude. Les contours ont été découpés et les orbites évidées. De chaque côté, éparpillés de telle façon à occuper entièrement la surface du fond, sont collés des « yeux mobiles » de couleur rose « fushia »  aux pupilles noires achetés au rayon papeterie de l’hypermarché que fréquente Le Capitaine tous les samedis.

Cela fait six ans et deux mois

que je vous zyeute au fond de ma boîte

 

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Tout cela vous sera expliqué

en toute transparence chez Gertrude

même si cela reste un peu obscur chez la Noire

 

CompOSition Poïétique en Boîte n°3: La Boîte Noire si Rose

 

 

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JC, La Boîte Noire si Rose,

Acrylique, blanc correcteur, paillettes, strass, papier, carton, boite cylindrique en carton de récupération,

H : 10 cm, Diamètre : 8 cm

 

La troisième CompOSition poïétique en boîte* (* Pour en savoir plus ou encore moins, rendez-vous sur le blog de Gertrude) s’intitule La Boîte Noire si Rose.

Il s’agit d’une boîte cylindrique en carton, contenant à l’origine des noix de pécan salées et assaisonnées au piment de Cayenne, achetée dans une épicerie fine de la Capitale.

Pour cette CompOSition, la boîte a été entièrement peinte de couleur noire mais de telle manière à laisser transparaître, çà et là, la belle couleur orangée initiale. Sur le dessus du couvercle est collée une photographie découpée du crâne de Gertrude peinte de couleur noire et dont les parties les plus claires ont été recouvertes de paillettes argentées. Sur le côté de la boîte et dans sa partie supérieure ont été pratiquées trois petites ouvertures en forme de meurtrières afin de laisser passer la lumière de façon très parcimonieuse vers l’intérieur de la boîte. À l’intérieur de la boîte, six strass blancs et noirs sont collés de part et d’autre des petites ouvertures de telle manière à difracter la lumière provenant de ces dernières. Au fond de la boîte est collée une image imprimée sur papier à partir d’une photographie numérique du profil du crâne de Gertrude et retouchée avec du « blanc » correcteur afin de donner à cette dernière l’aspect d’une « constellation ». Cette image est encadrée d’une fine lamelle de carton peinte en noir. Autour de l’image sont réparties, en arc de cercle et suivant la courbure de la boîte, des lettres autocollantes roses en strass, achetées au rayon papeterie de l’hypermarché que fréquente Le Capitaine le samedi, afin de former le mot « GERTRUDE ».

 

 

 

Cela fait six ans et deux mois

que j’ai ouvert ma boîte de nuit

 

 

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Chez Gertrude la Boite des Transparences

et ses explications limpides,

chez la Rose vous verrez bien…