Gertrudomètre: Seizième version. Le G.P.S.

 

Le G.P.S.

OU G(ertrude).P.S.

 

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JC, 2011, Le G.P.S., (Collection particulière),
tour Eiffel miniature en métal peint, baleine de parapluie, fil de laiton, poids en plomb, argile, composants électroniques, papier de soie, encre,
hauteur: 20 cm

 

 

Outre ses capacités

électroniques et virtuelles

à maintenir l’ordre chaotique

des circulations poétiques,

cet appareil de mauvais goût

possède une antenne

à champ de baleine à parapluie

d’une portée inouïe de 787 kilomètres.

 

Neuf d’Avril en Onze: L’Exception au Capitaine n°4

 

Le Destin des Perles
est bien d’être enfilées

 

photos-gertrude2 1494JC, 2011, Le collier du Capitaine, argile, fil élastique, dimension variable.

 

Il y a quelques années, je parcourai plus de cinq cents kilomètres pour retrouver Gertrude, avec la faim au ventre de revoir ce crâne faussement oublié dans une caisse au fond d’une cave.

 Gertrude m’attendait, l’os intact, dans toute la splendeur de ses certitudes, sereine, insolente de son obligatoire résurrection.

 Pourquoi ce jour-là plutôt qu’un autre ?

 Toujours est-il que j’allai chercher Gertrude et l’exposai en pleine lumière.

 Je venais de passer plusieurs années à travailler un objet absent, une vacuité que je berçais dans mon inconscient : des peintures et des modelages, Bibelots et Perles, Creux et Néant pointés à l’extrémité de mon pinceau ou de mes doigts.
Je me confrontais à cet informe sans avenir ni passé, m’acharnant à donner chair à ce Rien patatoïde.

 Les Bibelots furent des heures de glacis sur le miroir de la toile, jouant le fragile équilibre d’une illusion d’épaisseur. Le Bibelot était un ventre que je caressais au pinceau, une incarnation huileuse, incrustée dans une matière sans queue ni tête, intérieure et extérieure tout à la fois, dans le fantasme total d’un dedans palpitant et écoeurant.

La vibration pulsatile rencontrait sa lente agonie à la jonction d’un fond et d’une forme qui, de leurs enlacements ambigus, se nourrissaient indéfiniment jusqu’à l’indétermination.

La répétition de mon geste pictural rendait l’exercice organique, le lavant, glacis après glacis, de toute pensée ou interprétation, endormant peu à peu mon œil. La peinture se déroulait comme un flux autonome à mon regard, irriguée et colorée par le sang de mes paupières baissées.

De la même manière les Perles naissaient au creux de mes mains aveugles. Mes doigts façonnaient l’argile, laissant leurs empreintes dans la matière, perpétuant ma chair dans cette mollesse, dans une inconscience bientôt figée.
Les Perles ne prenaient sens que dans le non-sens du trou dont je les transperçais, béance passive et inutile de l’ennui d’une petite fille lovée dans mon oubli.

La seule variable était le fil qui les traversait. Je pouvais arrêter sa dimension et décider de son élasticité. Le fil était maître de la Perle : il la perforait, la violentant de sa pénétration. Il l’entraînait dans ses cheminements, la soumettait à ses méandres, la bloquait entre ses nœuds.

Il lui signifiait ainsi que son seul destin était d’être enfilée dans le vide sidéral du temps égrené.

J’accumulais les Perles comme autant de gestes inutiles ; et à mesure que je multipliais ces objets dérisoires, et que je scellais leur sort autour d’un fil, j’en formais des amas inextricables que j’entreposais dans des boites, comme les entrailles que nous voulons bien ignorer, dont nous ne voulons surtout pas élucider les emmêlements vitaux .

Une variante des Perles consistait en boulettes de tissus que je réalisais d’un geste preste de retournement de boyau, opération savamment et longuement étudiée ; ces structures légères et feuilletées, douces et molletonnées, contenaient dans leurs épaisseurs certaines caractéristiques des perles au point de retrouver dans l’effilochage de leurs trames la continuité d’un fil tissé lien à lien. Leur moelleux transitionnel se situait entre la vibration du Bibelot peint et les effets accumulatifs des Perles. Je les nommais Mignonnettes, terme sans bord tranché, aux vagues résonances sexuelles où le « cul-cul » dispute au cul le terrain du scatologique.

Les Mignonnettes n’avaient d’intérêt que celui de révéler un geste qui était plus de la tripe que de l’entendement : enroulement aponévrotique que soulignaient parfois les motifs du tissu, extraction triturée et tubulaire d’un corps de peinture. Au bord de ma conscience, elles étaient manifestations de mon organisme machinal enfermé dans les cycles de ses rouages.

Gertrude, longtemps enfouie dans le noyau de ce processus, nichée muette au cœur de ma mémoire picturale, œil de mon cyclone, reparut, exhumée, lumineuse, si évidente.
Je pus croire que, par son retour impérieux, elle donnerait physionomie à la surface du vide, tiendrait tête à ce corps paradoxal…

Qu’elle serait finalité à l’absurde de la chair.

 

9__bibelot_huile_papier_30x40cm.jpg18__bibelot_huile_toile_30x40cm.jpg42__sans_titre_acrylique_et_vernis_papier_50x65_cm.jpg

JC, 1992-2002, Bibelots, Huile sur toile, 30 x 40 cm et 45 x 62 cm

toile 10x15cmJC, 1998, Série de Bibelots, Huile sur toile, 10 x 15 cm

perles-argile---fil-elastique.JPGperles-argile---fil-elastique-copie-1.JPGperles-argile---fil-elastique-copie-2.JPG

JC, 1998, Perles, argile, fil élastiques, dimensions variables.

 

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JC, 1998, Bibelot et Mignonnettes, installation , Huile sur toile, toile enroulée, dimensions variables.

 

mignonet1.2_detail.jpg21__mignonettes_tissus_enroules.jpgJC, 1998 et 2002, Mignonnettes (détails) , toile et tissus divers enroulés, dimensions variables.

 

La ROSE
joue les concierges
et la NOIRE
prend corps

 

Prélude à l’auto-Oscopie d’une boîte de nuit

 

Certes,

une boîte crânienne

est un objet creux.

Mais il serait temps

de regarder à l’intérieur.

 

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  JC, 2011, détail de La Boîte de Nuit

 

Bientôt la Boîte de Nuit de Gertrude

ouvrira ses portes

pour quelques séances auto-Oscopiques.

 

Cela fait trois ans et trois mois

que Gertrude est en ligne

 

 

Et le spectacle continue.

 

 

Tout le monde en parle

même

Gertrude Rose et Gertrude Noire.

 

Un Os de mer dans un gant de velours

 

Le Capitaine raccroche les

gants

 

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« Le Capitaine raccroche les gants… »

 

« Quelle blague aquatique, me diriez-vous, quelle baleine péchée en mer des banalités, quelle sardine grillée d’avance ! »

 

Je vois d’ici que vous ne croyez pas un seul instant à cette petite phrase lâchée comme une bulle de printemps en ce premier jour d’avril.


 

Mais réfléchissez …

 

Si justement je choisissais le premier avril deux mille onze pour vous annoncer que je raccroche les gants…

 

Ne serait-ce pas élégant ?

 

Cherchez le poisson…

 

 

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Gertrudomètre: Quinzième version

 

Pour Gertrude, la question est

de savoir en quoi la haute

technologie améliore son image

en augmentant son degré

d’invisibilité.

 

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 JC, Gertrudomètre n°15,
crayon sur calque millimétré, polycarbonate, fil de laiton sur grille acier inoxydable,
3 x 19 x 22 cm.

 

 

– Suivez verticalement les trames dans le droit fil

– Fixez l’horizon sans tomber dans la troisième dimension

– Gardez le contact avec le matériau sans basculer dans un temps parallèle

 

Et Gertrude restera à la limite de votre perception

 

La Rose

cherche à vous emballer

et

la Noire

à vous accrocher

 

Échec: Première partie

 

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JC,
Échec, première partie,
64 dessins de Gertrude d’après nature réalisés au fusain sur papier.
Chaque élément: 8 x 8 cm.
 

 

 

Dessiner Gertrude, c’est chercher le plein dans le vide, la présence dans le néant, la lumière dans le noir, l’apaisement dans le chaos.

Capter son apparence devient un exercice difficile, une ruse de tous les instants: l’affrontement devient trop simple, seule une progression en biais peut encore la surprendre.

Je sais très bien que toucher sa vérité passera nécessairement par une impuissance totale à la représenter.

La seule stratégie sera alors celle de l’échec.

 

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(Dessiner 64 fois

sur 64 cm2

pour occuper un espace

de 64 x 64 cm:

Modeste hommage à Marcel et à John)

 

Je dédie cet article à ma Mère Cière

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car je sais qu’elle avance ses pions sur le même échiquier

 

La partie se poursuit toujours: 

Gertrude Rose

montre son Q

&

Gertrude Noire  

reste Zen

On ne fait pas d’Amer sans casser des Os

 

  Tant va le cochon à l’Os

qu’à la fin, il se casse

 

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        Je dédie cet article à ceux qui rampent silencieusement et quotidiennement dans ma Toile à la recherche des misérables lambeaux de leurs vies défaites.

 

       Ceux-là surveillent Gertrude comme la coupable idéale de leurs impuissances pathétiques ; ils guettent  le moindre commentaire susceptible de nourrir la faim insatiable de leurs paranoïas.

 

Ils impliquent mon crâne, et le rien qu’ils savent de ma personne, dans une violence qu’ils n’infligent qu’à eux-mêmes, tout en caressant le doux pelage de leurs grandes douleurs sacrées. Ils brandissent la morale comme un étendard pour mieux masquer leurs malhonnêtetés ordinaires; trouvant, dans mes jeux, prétextes à leurs perversités, ils lâchent discrètement, çà et là, quelques perfidies enrobées de flatteries; ils croient ainsi combler le vide malodorant de leur désespoir qu’ils tapissent consciencieusement  de rancœurs et de jalousie.

 

Est-il bien nécessaire de leur expliquer en quoi mon entreprise est bien loin des vicissitudes de leur réalité ?

 

Car ceux-là sont aveugles et sourds à force de reluquer le monde par le trou béant de leurs petits nombrils, et leur ignorance à mon égard n’a d’égal que la pitié que j’éprouve à leur sujet.

 

 

       Et c’est bien habitée par ce pénible sentiment, que je leur ferai grâce de ne point les nommer.

Ils se reconnaîtront. 

 

Qu’ils se cassent... 

 

Cela fait exactement trois ans et un mois

que Gertrude est en ligne.

Pour l’occasion,

Gertrude Rose montre sa tête de cochon

et  Gertrude Noire vous offre un verre.

 

Gertrude à la scène comme réponse à la poésie douce à mer

 

Ou comment

une bouteille jetée

sur l’amer à Marseille

se retrouve mise en Seine à

Paris

 

 

 

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Cette Bouteille à jeter sur l’amer a été réalisée par Plaiethore pour le Capitaine de ce blog

« Cette Bouteille à jeter sur l’amer est une Liberté, totale. Car jetée ou non, elle est le Symbole de ce qui ne peut mourir. »

 

Une bouteille… Cette bouteille.

 

Ronde et pas très grande, adaptée au creux de mes mains, juste assez bouteille pour évoquer un bu oublié, juste assez flacon pour laisser flotter une ivresse parfumée.

 

La bouteille est fermée, scellée.

Son ouverture est hermétique au regard, enrobée de cire ; mon œil, butant sur ce goulot sans issu, est pris dans la glu d’une mate opacité.

La coulure prend la bouteille au col, dans un envahissement qui me signale l’éphémère de ma vision ; elle s’arrête à temps , suspendue au-dessus de mes ténèbres à venir, me noyant des effluves de la combustion d’une flamme éteinte.

 

Mais la clarté du verre lui livre une lutte sans merci, offrant sa minéralité transparente à l’informe de la paraffine.

Les lueurs fumées où courent les insaisissables diffractions soufflées par sa naissance se jouent du noir durci dans une solidité dérisoire.

 

La bouteille bien droite, fière de ses épaules et de sa tournure irréprochable,  fait fi du nuage noir de la tempête qui s’annonce .

Elle se vêt en petite écolière d’une étiquette  sage, calligraphiée à l’encre de pupitre; les lignes consciencieuses annoncent en lettres rondes et innocentes l’indicible du contenu, et la docilité des caractères délivrent toute la déraison de l’espace qu’ils semblent délimiter dans l’évidence de leur délié.

 

Le verre est la frontière ; ce millimètre de verre me sépare d’un espace à jamais coupé du mien, espace minuscule d’atmosphère enfermée, ouvert aux infinis possibles, espace scellé si loin, mais là, dans mes mains.

 

La bouteille tourne, sans cesse retournée entre mes doigts ; j’en perçois le poids, la stabilité, la forme parfaite qui contient cet air capturé en un instant dont je n’aurai jamais l’instantané.

 

Ce lieu inaccessible présente ses desseins dans la lumière tout en dérobant à ma frustration l’aboutissement d’un toucher.

Mes sens s’arrêtant au lissé du verre, lâchent mon émotion dans ces quelques centimètres cubes d’infini qui se dilatent autour des deux objets exposés au centre de la bouteille.

 

Si visibles, si offerts et pourtant si peu montrés : deux rouleaux occupent la scène, l’emplissent de leur présence tout en gardant dans leurs replis leur indéfectible secret.

L’un roide et contraint, au papier serré, noué d’une noire faveur, vibre d’une sombre écriture à la plume incisive, signes pressés d’une colère enfouie dans la spirale des maux, douloureux et étouffé comme le mal.

L’autre protégé, lové, niché dans la douceur de la soie, perlé de nacre à chaque extrémité, enrubanné de lumière, s’abandonne dans la mollesse confiante de sa blanche innocence, abolissant d’un souffle d’ailes toute noirceur d’encre.

 

Ces deux-là sont destinés, inexorablement, à une étreinte douce-amère, que jamais personne ne pourra démêler.

 

 

Je sais, Âmi Plaiethore, qu’un peu de vous est là, dans cette bouteille, que, dans cette espace libre à jamais, un petit bout de votre âme palpite pour toucher la mienne ; je devine chaque geste accompagnant la splendeur de ce message, les pensées qui en composent la moindre parcelle.

 

Je sais surtout que dans cet impossible contact, dans cette infinie coïncidence, se constitue notre inévitable rencontre.

 

 

Pour vous, Plaiethore, cette dérive sur l’os séant, la musique du ressac de l’amer…

 

 

Juliette Charpentier

Paris

22 janvier 2011

 

Sainte Gertrude

se manifeste sur

 gertruderose