La Mort est toujours mieux dessinée par les Autres
Je remercie mon amie Hécate de m’avoir prêté ce magnifique dessin qu’elle a réalisé étant enfant.
La nuit était tombée, sans qu’il pût savoir si c’était en lui ou dans la chambre : tout était nuit. La nuit aussi bougeait : les ténèbres s’écartaient pour faire place à d’autres, abîme sur abîme, épaisseur sombre sur épaisseur sombre. Mais ce noir différent de celui qu’on voit par les yeux frémissait de couleurs issues pour ainsi dire de ce qui était leur absence : le noir tournait au vert livide, puis au blanc pur ; le blanc pâle se transmutait en or rouge sans que cessât pourtant l’originelle noirceur, tout comme les feux des astres et l’aurore boréale tressaillent dans ce qui est quand même la nuit noire. Un instant qui lui sembla éternel, un globe écarlate palpita en lui ou en dehors de lui, saigna sur la mer. Comme le soleil d’été dans les régions polaires, la sphère éclatante parut hésiter, prête à descendre d’un degré vers le nadir, puis, d’un sursaut imperceptible, remonta vers le zénith, se résorba enfin dans un jour aveuglant qui était en même temps la nuit.
Marguerite Yourcenar, L’Oeuvre au Noir, La Fin de Zénon.
Il était une fois une Princesse qui s’appelait Gertrude.
Elle était très belle, son os était doré, sa structure était délicate, ses sutures crâniennes étaient comme de la dentelle, ses orbites étaient douces comme le velours, ses dents avaient la couleur des émaux anciens. Elle habitait un magnifique Château dans les quartiers périphériques de la Capitale, dont les pièces monumentales étaient décorées des plus fantastiques bricolages, de riches broderies et d’images pieuses. La Princesse Gertrude avait, rien que pour elle, une étagère de bois dormant, dans laquelle, malheureusement, elle était consignée depuis très longtemps par la force d’un sortilège pseudo-artistique qui l’empêchait de vivre une existence de princesse crânique normale. Malgré sa modestie naturelle, la Princesse se voyait obligée de jouer les Vanités poussiéreuses dans de louches mises en scène qu’elle trouvait parfois humiliantes. Aussi, elle caressait le secret espoir de voir arriver un Prince Charmant susceptible de la délivrer de ces maléfices et de l’amener reposer à ses côtés dans une sépulture décente.
Mais elle essayait de ne pas se faire trop d’illusion sur la beauté de ce futur qu’elle ne pouvait prévoir qu’à l’aune du contexte dans lequel elle se trouvait et de l’étagère de son désespoir…
Réponse d’une Petite Souris à la Sagesse d’une quenotte bien rangée sous un oreiller douillet.
Gertrude joue la Fée du Logis et la Déesse Lare des petits Grigris pour fille en poil de rose et en dent d’agneau.
JC, septembre 2009, La Relique de Judith, (collection particulière), peinture à l’huile, petite Judith bitume et feuille d’or, dent de lait, objets divers, épingles, fil, tissu, fausse fourrure, cadre ovale et verre bombé acheté sur Internet, 3 x 15 x 19 cm.