Gertrude ou la Mort


La Mort
est toujours mieux dessinée
par les Autres


Je remercie mon amie Hécate de m’avoir prêté ce magnifique dessin qu’elle a réalisé étant enfant.




La nuit était tombée, sans qu’il pût savoir si c’était en lui ou dans la chambre : tout était nuit. La nuit aussi bougeait : les ténèbres s’écartaient pour faire place à d’autres, abîme sur abîme, épaisseur sombre sur épaisseur sombre. Mais ce noir différent de celui qu’on voit par les yeux frémissait de couleurs issues pour ainsi dire de ce qui était leur absence : le noir tournait au vert livide, puis au blanc pur ; le blanc pâle se transmutait en or rouge sans que cessât pourtant l’originelle noirceur, tout comme les feux des astres et l’aurore boréale tressaillent  dans ce qui est quand même la nuit noire. Un instant qui lui sembla éternel, un globe écarlate palpita en lui ou en dehors de lui, saigna sur la mer. Comme le soleil d’été dans les régions polaires, la sphère éclatante parut hésiter, prête à descendre d’un degré vers le nadir, puis, d’un sursaut imperceptible, remonta vers le zénith, se résorba enfin dans un jour aveuglant qui était en même temps la nuit.

 

 

Marguerite Yourcenar,
L’Oeuvre au Noir,
La Fin de Zénon.

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16 réflexions sur « Gertrude ou la Mort »

  1. J’espère que mes petits arrangements (avec la mort) avec votre beau dessin vous conviennent…
    Je trouve pour ma part qu’il cohabite merveilleusement avec cet extrait de MY que je ne me lasse pas de relire; c’est comme un tableau…

  2. Mon entrée dans la vie s’est conjuguée souvent avec la mort…Ce squelette est vraiment décharné …:)
    Vous me donnez le regret de n’avoir su entrer dans ce texte ,abordé trop tôt .
    MY ,oui…ce passage est très évocateur.
    Durant une période de dix jours,où j’étais entre vie et mort,sans aucune nourriture,un peu d’eau citronnée ,des piqures matin et soir,et dont mon esprit était conscient,même si j’étais inerte ,sans pouvoir trouver la force de bouger ,lorsqu’on s’approche du passage dont les expériences relatées ne manquèrent point des années plus tard ,après cette noirceur ,il vient une sorte de lumière pâle indéfinissable, elle est attirante…Il y a des sons, une sorte de cadence qui emporte dans une courbe ,l’orbe  ,et tout au fond…cette lueur mercurielle qui recule,effet d’optique faussé ,probablement…Rien que des sensations et une visualisation très précise.
    Rien à voir avec le délire lors de fortes fièvres ,non…
                 C’est très curieux pour moi ,de voir ce « dessin » ici…
                       Jamais alors je ne pensais qu’un jour il serait ,là sur un écran…C’était impensable alors ; une science-fiction totale.
                       Je ne sais plus que dire…
                                                                   votre Hécate

  3. Chère, très chère amie, est-ce que cela vous dérange? Car si c’est le cas n’hésitez pas à me le dire et je modifierai mon article; ce n’est pas la première fois… Parfois je crois faire des choses justes et je fais plutôt des gaffes..
    Dites-moi..

  4. Oh! Non…ne changez rien…Je trouve tout cela si merveilleux…si prodigieux !
    Et ,vous avez du tact ,je le sais…
    Vous n’avez point à craindre ici .
    Et ,si par hasard ,cela se produisait ,je vous l’exprimerais par voies plus discrètes.
         Vous êtes une grande évocatrice de beaucoup de souvenirs,et j’ai plaisir et émotion bienfaisante à les « vivre » ici avec vous.
                                                 votre Amie H.

  5. Elégie funèbre

    Couvrez-moi de fleurs s’il le faut.
    Laissez venir l’homme à la faux
    Et si me coudre les paupières
    Au moins ne me riez derrière
    Moi.

    Laissez me parler à l’oreille
    Et faire miel de moi l’abeille
    Et dans mon ombre, laissez vivre,
    Quand bien même le bateau ivre
    Sombre.

    Croyez-moi, dans ce monde-ci,
    Jamais on ne m’a dit merci.
    Où que ce fut, où que ce soit,
    Qui que ce fut, qui que ce soit,
    S’en fut.

    C’est pour ma chair fragile et morte
    Que je prie de vous de la sorte
    Qu’on ne m’ait pas en terre admis
    Sans que l’on y descende aussi…

    Que reste ici de mon passé
    Dans ce caveau frais repassé
    L’habit de noce et le carton
    De ma langue et de mon menton
    L’os.

    L’ongle à peine de désigner
    Faisant main comme l’araignée,
    Les yeux se taisent et la cornée
    Dessous l’arcade cimentée
    Pèse.

    Couronnez-moi de fleurs mauves
    Si voyez que ma vie se sauve
    Et des ténèbres ayez raison,
    Lirez lumières de l’oraison
    Funèbre.

    Prenez soin de moi si pouvez,
    Faites de vos bouches un ave,
    Que Dieu le dépose ou l’apporte
    S’il fut seul au pied de ma porte
    Close.

    Couvrez moi de fleurs s’il le faut.
    Laissez venir l’homme à la faux.
    Couvrez moi de fleurs s’il le faut…

              De Gérard MANSET ( 1969 )

    Ces derniers jours ,croyez cette coïncidence,j’ai de nouveau réecouté cette chanson de Manset que j’ai tant aimé.
                                                 votre Hécate 

  6. Y eut-il jamais jeu d’enfant plus sérieux que celui-là ….
    La mort …la vie…
    Vous aurez au moins rencontré le spécimen que je suis…Vous aurez vécu au moins ça une fois !!!!
    Pas certain qu’il y en ait une autre pareille …Vous feriez collection????

  7. j’aime beaucoup ce livre que j’ai relu il y a queques mois
    plus pour le parcours & l’érudition posée avec délicatesse par Yourcenar que pour le style que je trouve souvent emphatique : comme dirai Hécate : « trop d’adjectifs ! » (elle comprendra !…)

  8. J’aime pour ma part cette emphase et ce luxe d’adverbes et d’adjectifs, et d’additifs et toutes ces phrases luxuriantes qui n’en finissent plus, et qui reprennent alors que l’on les croient terminées.
    J’ai vécu toute mon enfance dans des pays où la palabre, le discours, la rhétorique, et toute l’emphase et les effets de manche qui vont avec, sont un art que l’on pratique à l’ombre des banians.

    Mais il faut aussi replacer MY dans son époque, où il était drôlement courageux de parler d’homosexualité et d’inceste, même avec un petit supplément d’adjectifs!

  9. C’était prémonitoire….

    N’y avait-il pas quelque chose qui prédestinait notre amie Hécate à embarquer sur ce cyber-rafiot trimaté à gratouiller ce fichu crâne sans vertèbre..  🙂
    Merci magicienne, car la plus belle vision de la mort est dans le regard franc des enfants et merci à vous, Plaie, d’avoir regardé ce dessin si justement..
    et d’en avoir décelé la justesse, ce qui m’émeut…

  10. ………..oh!la!la!la!!!
               Avec Marguerite Yourcenar !!!!
                                                            Je suis si confuse,je ne sais plus où me mettre!…
    Vite un cerceuil ( capitonné de préférence…)que je me cache sous le couvercle …

    (J’en ai fait d’autres,pour des filles qui voulaient mettre ça épinglé à la porte de leur chambre ….La tête des parents…Oh! lalala….)
                       

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