Auto-Oscopie N°5: Vieillir…

 

 

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Je ne veux pas vieillir, 

L’avenir me désole, 

Comme on doit s’ennuyer 

Lorsque l’on a 15 ans! 

Moi je cours tout le jour, 

Je joue à pigeon vole, 

Et maman prend plaisir, 

À mes jeux innocents…
 
Chanson que me chantait ma grand-mère.

 

      Sans doute suis-je encore à l’âge où l’âge a le luxe de l’attitude, où j’ai une sorte de pouvoir décisionnel sur le temps, où la vieillesse (ou la jeunesse) est un état décrété.

      Mais quelque chose me raconte dans la fatigue de certains réveils, que le jour viendra où l’âge m’imposera sa loi, me fera plier sous le joug rouillé des rhumatismes et de l’apathie, asservira mon corps et mon esprit à quelque maladie sournoise. 

      Ce jour, ce qui me restera de vie n’aura de raison que son état de reliquat. Je ne vivrai que pour survivre et voler quelques instants à la Faucheuse, au moins avoir un semblant d’illusion sur ces derniers matins où il me sera donné d’ouvrir de nouveau les yeux sans interroger le lendemain.

Pour l’instant je conjugue encore mon temps au futur ; ce dernier grouille de toute une foule de choses à accomplir. De la vieillesse qui tente de se glisser insidieusement dans l’interstice entre ces choses, qui coule son plomb doucement dans mon énergie, je ris encore, d’un « encore » que je voudrait « toujours » ; je joue à la séduire dans un dialogue presque amoureux, comme si l’apprivoiser la rendrait belle; je l’aguiche, la provoque, la caresse, tentant de lui trouver quelque valeur intrinsèque.

 

      Mais la Vieille tapie dans le coin du miroir, et qui croit que je ne la vois pas, a du mal à se faire aimer. J’essaie pourtant de la surprendre ; elle est cachée dans l’angle mort, elle joue la timide à la limite de mon champ de vision ; elle ne se montre que le temps d’un éclair, à l’instant fugace où mon regard se détourne, où mon attention se relâche de l’observation de mon visage, en même temps que je relâche mes traits remontés inconsciemment devant mon image reflétée dans un controle presque imperceptible et involontaire de mon expression.

 

     Paradoxalement, je me regarde davantage dans le miroir que dans un temps où j’étais plus jeune, quand, dans cette fleur de l’âge, comme on le dit si joliment, je devais avoir une certaine sérénité sur mon aspect physique. À présent, la confrontation avec ce double, qui joue plus la duplicité que l’honnêteté, me semble impérieuse et d’autant plus fascinante qu’elle en est inquiétante ; car dans le miroir, la Vieille me révèle peu à peu la fracture, la béance qui va s’installer en moi à jamais, cette porte de sortie qu’il me faudra franchir.

Je l’épie à distance, mais je sais qu’au moment précis où je baisserai ma garde, elle prendra mon apparence et apposera son masque affaissé sur mon visage ; mieux, je la soupçonne d’être déjà installée à mon insu, sous ma peau, alourdissant mes paupières, ridant le coin de mes yeux, tirant vers le bas les commissures de mes lèvres, profitant de quelques moments d’absence de ma part pour donner à ma personne cet aspect las qui ne raconte plus rien, ni qui ne se laisse plus rien raconter.

 

     Et un jour viendra, et n’est pas encore venu, où ma vue se confondra avec ma vision, où la Vieille (qui attend son heure) aura l’audace d’emporter mon apparence dans sa réalité, et ce jour-là, ce sera bien plus que mon apparence qui basculera dans la décrépitude : mon être entier descendra la pente.

À présent, elle n’est qu’une hypocrite virtuelle (comme je peux l’être sur la Toile avec toute la séduction que j’y déploie, bien cachée derrière mon clavier ; et sur cela, j’aurai l’occasion de revenir). Hypocrite virtuelle, car elle me laisse toute latitude à la tromperie, tromperie envers moi-même et illusion de la tromperie envers les autres.

Car la conscience de ce jeu de cache-cache avec ce « Moi-la-Vieille » me rend en quelque sorte invincible : je vois clair dans son jeu, je prévois ses coups à l’avance. Surtout qu’elle n’est, pour l’instant, que carcasse, et moi libre arbitre.

 

     Sur mon corps physique, je lui laisse quelques victoires dont elle ne se lasse pas de se repaitre et moi de me moquer.

Ainsi, il était un temps où j’arrachais soigneusement et avec une certaine satisfaction chaque cheveu blanc qui osait briller dans ma tignasse noire ; puis, devant une certaine recrudescence du phénomène, j’arrivai à en accepter quelques uns ; j’en tirais même une certaine coquetterie. Mais la grisaille gagna du terrain et s’essayait vicieusement à repeindre mes états d’âme ; alors je la combattis à la teinture.

Mais depuis peu, j’ai décidé de n’en rien faire, si ce n’est de la regarder évoluer, comme si l’afficher au grand jour lui interdisait toute la perversité et le pathétique de l’artifice, et prenait en faux le stéréotype de la tête grise comme figuration de la vieillesse. Aussi, je prends le parti de chouchouter ce « poivre-et-sel », de le faire briller, de le tailler comme une plante rare et exotique, d’oindre cette cendre, cette couleur qui n’en est plus une, pour en faire ressortir le luisant et les nuances argentées.

 

      Enfin, il me plait de retourner la politesse à la Vieille en lui donnant une leçon de coquetterie, et je suis fière d’arborer les effets de ses coups bas comme les trophées d’une expérience plus que les atteintes à mon intégrité, de les considérer comme des atouts plus que d’en accommoder les restes.

Je la soigne, la Vieille ; non comme une maladie mais comme une invitée ; je ruse à lui faire croire que je l’accueille plus que je ne la subis, à lui faire oublier ses petites grivèleries mesquines sur ma chair.

Je dorlote cette usurpatrice comme un vase précieux, fragilité que j’ai prise à mon compte, qui est celle d’un équilibre de funambule ; fragilité qui est celle de l’exploit et non celle de la faiblesse.

 

     La Vieille m’occupe bien plus que la jeune qui persiste à rester malgré la vétusté du lieu. Cette dernière a toujours vécu de tout et de rien, se moquant du paraître et du lendemain ; pourtant, c’est bien elle que je vois encore dans l’éclat des vitrines, souriant à l’allure de son pas pressé, et qui court, court devant, légère et insouciante, sans que ni le temps ni personne ne puisse la rattraper.

C’est elle qui chaque soir s’endort dans les bras de son compagnon, dans l’assurance totale de retrouver son image intacte, immuable depuis tant d’années, dans les yeux aimés et aimant ; c’est elle qui chasse la Vieille pessimiste de sa couche, repoussant la présence visqueuse de celle qui, à la faveur de l’obscurité, se vautre dans la crainte des pertes irrémédiables et de la froide et sale solitude des antichambres de la mort.

 

     Et pourtant, malgré toute l’énergie que je sens couler dans mes veines, il m’arrive de me laisser gagner par cette pourriture, vieillesse laide et peu appétissante qui, irrémédiablement, construit des murs d’indifférence et fait détourner le regard des gens plus jeunes. Au fond de moi, crient ma propre jeunesse et le sentiment d’injustice d’être emmurée vivante dans ce corps décadent ; corps dont je suis la seule à détenir le secret de la rupture entre un moi réel et celui que je livre aux autres, par défaut ou par lassitude, bien obligée d’être cette femme qui ne peut avoir d’autre âge que celui qu’on lui donne.

Mais le pire des sentiments est bien la certitude que ce ressenti, ce sursaut de jouvence, n’est qu’une illusion, celle laissée en creux par la jeunesse qui s’enfuit, laissant, accrochés à ma nostalgie, quelques lambeaux de ses hardes magnifiques.

 

      Et la Vieille ricane, triomphante. Elle ricane de m’avoir définitivement assise au banc des refusés ; et, piètre consolation, elle ricane aussi au nez de la jeunesse arrogante, jetant son cynisme à la face de ceux, qui forts de leurs trente ans, croient dominer le monde qu’elle a possédé avant eux ; monde qu’elle livre pour avoir le plaisir de le reprendre.

 

     Et moi, je ris, et rirai encore et toujours ; je rirai jusqu’à la fin, jusqu’à en perdre l’entendement,  jusqu’à en mourir; car je pense aux merveilleux vieillards qui m’ont précédée, mes grands-parents maternels et paternels, mon arrière grand-mère, et d’autres ascendants, tous arrivés à de très grands âges, à ces âges qui les ont fait rentrer dans un espace qui tient plus de la légende que du souvenir au sein de ma mémoire. Et je ris de plaisir en revoyant la flamme qui dansait dans leurs yeux, celle qui m’était destinée et que je comprendrais plus tard, c’est-à-dire maintenant.

Car les avoir connus, côtoyés, aimés, admirés a fait de moi exactement ce que je suis et dont je suis fière. Les voir partir, presque sans bruit, fut pour moi naturel, comme si, de cet état vieux où je les avais toujours connus, ils étaient passés doucement dans mon être intérieur. Et je ris encore de leur vieillesse si belle, qui reste pour moi le modèle de l’accomplissement. Une vieillesse désincarnée et parfaite comme un idéal.

     

      Mais cette vieillesse est une qualité pas un devenir ; car, là, « vieillesse » n’est pas « vieillir », la vieillesse des aïeuls semblant oublier et effacer toute la violence du « vieillir » : Si la vieillesse, pour moi, reste l’apanage de mes grands-parents, image à jamais de leur sérénité bienveillante et chaleureuse, le verbe vieillir ouvre, quant à lui, un gouffre noir et froid dans lequel il me faudra basculer ou avancer pas à pas comme un ultime défi du destin.

 

     Au seuil de cette sombre demeure, je ne peux que penser à mon père, éternel jeune homme, courant les bois dès cinq heures du matin, infatigable joueur de tennis. Il détestait l’idée de vieillir et glosait sur la fin rapide qui l’emporterait sans déchéance, défiant la mort de ses plaisanteries.

 

La Faucheuse est venu le cueillir comme une fleur au printemps.

Il n’a jamais vieilli.

   

 

Gertrude

 

Gertrude:

Trois ans et dix mois de web et pas une ride.

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Aujourd’hui, c’est la fête des vieux!

N’oubliez pas

Gertrude Rose

la Vieille coquette

et

Gertrude Noire

la Vieille indigne

 

87 réflexions sur « Auto-Oscopie N°5: Vieillir… »

  1. Je vous lis en me levant .Une fois de plus j’ai rêvé à des morts et depuis tant d’années maintenant c’est toujours cette même répétition de l’étonnement : pourquoi m’a-t-on dits qu’ils étaient puisqu’ils ne le sont pas dans mes songes ???

    Au réveil ,tout meurt ,les rêves et les morts-vivants !…

    Un visage c’est un paysage . Au fil du temps ,il change et toutes ses saisons racontent des voyages …

    Il est tant de passer à l’auto-portrait …C’est à peine de l’humour  !

    Le signe du désastre ,c’est quand ,dans un transport en commun ,une jeunesse cède sa place : fichtre ,là on prend un coup de vieux ,comme le chat un seau d’eau sur l’échine quand il miaule à la lune sous le balcon ,ou la fenêtre de qui dort quand tout incite à fanfaronner sur les pelouses !!!!

    A quinze ans ,je passais des heures devant mon miroir à me composer des coiffures insensées ( des cheveux jusqu’aux bas des reins permettaient tant d’inventivités ). Je regardais cette « inconnue » dans la glace ,étonnée de voir à quoi elle ressemblait ) .

    La prison est cruelle ! En fin de journée ,ou même en début de matinée ,d’un geste rageur et désespéré j’arrachais épingles savantes ,tresses ,torsades ,coques etc …A quoi bon tant d’élaboration ? …Pour rester entre l’évier et la cuisinnière en fonte couleur aubergine qui se foutait bien de ma tête et de ma coiffure !!!!!!!!

    Maintenant…ma vue baisse…Sournoisement ,je guette ce que devient ce visage …La jalousie des « vieilles harpies » confites dans le conformisme qui me jettent parfois des regards assassins me rassurent presque …si je ne trouvais pas cela si navrant ,ce serait réjouissant …

                                                         Beu texte ,belle page mûrie comme un fruit …

                                                                                                     J’admire …

                                                                                                               votre Magicienne

  2. Merci, chère Magicienne de ce magnifique commentaire, de vos sublimes désastres (comme j’aime ce mot!) couleur aubergine sous les piètres fruits secs de mes élucubrations.

    Je ne vous permets aucune admiration. Pas vous!

  3. La vengeance …sera…très…je mijote quelque chose …de …surprenant ( j’espère ,ça devient de plus en plus épineux de vous surprendre ,Chère G …alias Juliette )

  4. … Et vous pensez qu’un homme de plume, surtout plumé et déplumé, va faire servir bénévolement sa plume pour enrichir votre prose de ses ‘Commentaires’. Si seulement c’était publiable ! Vous seriez quelqu’une de quelque notoriété, ça pourrait éventuellement servir un jour ou l’autre… Ceci dit, c’est pas mal torché, Juliette ! N.B. : Je fus, jadis, formateur en ‘lecture rapide’. Ce n’est pas une blague ! Ma dernière intervention discrète, mais efficace, fut, néanmoins, en matière de commentaire, dans le blog français de Lady Gaga, une mise au point, quand il était écrit que ladite Lady Gaga avait, tatoué sur le bras (il me semble), un vers de la poète allemande Maria Rilke…

  5. Vous plaisantez? Vous payer pour avoir droit à vos astuces si fines?

    Allez donc vendre votre corps chez les gagas à pots de chambre tatoués. N’oubliez pas vos lunettes pour la mise au point en lecture rapide et la plume pour peigner la girafe. (j’ai failli dire autre chose, mais j’ai eu pitié)

     

    Ceci dit je préfère les tatouages de Wim Delvoye, c’est plus cochon.

  6. Si l’on devait, cher Vincent, prendre des chemins qui mènent quelque part où créer des liens juste pour enrichir les psy, nous ne ferions plus rien, nous n’écririons plus rien, et vous et moi nous nous parlerions même pas..


  7. Mieux vaut vieillir que voir mourir. Elle déteste les morts car ils ne ressemblent à aucun vivant. Une fois pour toute, elle refuse de les voir. Mais on ne lui a pas laissé le choix : à peine a-t-elle embrassé sa tante que cette dernière l’entraîne à l’étage. « Regarde, dit-elle à son mari décédé, c’est Henriette qui est là ». Situation comique si elle n’était à pleurer ! Inquiète, elle se caresse les joues comme pour vérifier les frémissements et la tiédeur de son propre visage car, pour l’heure, celui du défunt est de marbre, blanc et cadavérique. Elle imagine alors sa propre mort, ceux qui viendront la voir dans cet état avant la mise en bière. Horrifiée par ce spectacle fantasmé, elle prévient alors tous ses proches qu’elle a toujours son rouge à lèvres dans son sac à main : il leur suffira d’en estomper un peu sur les pommettes et de redessiner sa bouche en cœur. Voilà. Elle veut qu’ils gardent d’elle et pour toujours une image vivante. De jolie vieille…

  8. Je crois, ma soeur Anne, que les êtres, dans la mort,  se livrent sans artifices. Dérisoire cosmétique… Dérisoire rouge du vain…

    J’ai envie de vous montrer ce dessin que j’ai réalisé il y a bien longtemps.

    C’est je crois un des dessins les plus réussis que je n’ai jamais fait, du moins un de ceux qui m’ont procuré le plus d’émotion; le regarder ne me laissera jamais indifférente.

    Je voudrais ressembler à cette femme le jour venu.

    Merci de vos mots et de vos superbes paraboles poétiques.

     

  9. Je ressens bien au travers de la finesse de vos traits l’idée de repos, non pas d’un corps qui dormirait, mais des pensée, certains diraient de l’âme. Ah mais c’est vrai, chère Gertrude, que dans une autre vie vous croquiez les morts !

  10. Chair ….mon plan magique a prit du « corps  » ….J’espère que vous êtes prête ?

                                                                           votre magicienne

  11. oui ,assez fou ….:)

    Vous n’êtes pas prête d’oublier le 5 ….!!!

    Vous provoquez le destin avec ce numéro 5 …

    Vous planquer ? …A vous de voir le moment venu !!!!

     votre magicienne …HHH

  12. Logiquement oui… Mais cela fait bien longtemps que Gertrude ne sait plus ce qu’elle dit.

    Et le Capitaine ne maitrise plus rien, ni cet espace incommensurable, ni les inventions de ses interlocuteurs.

  13. Touchée… Coulée!!!

     

    À vrai dire, je viens de m’accrocher un bout laid au pied, et je ne remonterai à la surface que le moment venu.

    Jusqu’alors, je retiens ma respiration.

    Gloup!

     

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  14. ……………………………………………………………………………………………………………………………………

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  15. Tu as raison: le temps quel perfide! Mais que ferions nous sans son voyage au long cours, long et court à la fois;  imagine la vie dans un temps figé…. Serions nous des statues de sel?

  16. …vous en avez …

                           ou vous en aurez sous peu …

                                                           la Magicienne va se cacher incognito ,vite…….

  17. ………………………………………….…………………………………………………………………………..

                ça craint ………………………………………………….pffffffffffftt

  18. Ainsi parlait Sage Krapo.

    Et le vieux crâne fou

    pendu par les pieds

    à l’aiguille de la pendule géante

    écoutait couler les mots

    et se foutait bien

    du Temps

    qui s’écroulait autour de lui

    Qu’il crève

    celui-là!

  19. Ce texte sonne très juste à mes vieilles oreilles et voltige autour de mes cheveux gris…Il dit la mutation à rire et à pleurer quand les années, patinant sur votre corps, le patinent; il dit les rides écrivant sur vos traits votre texte de vie, le regard que désormais tamisé de distance et l’indulgence; et tous ces étirements qui animent d’ultimes soubresauts pour encore passer par dessus les moutons…Et le ciel qui là haut dessine des vagues d’infinis, tandis qu’au sol, vous sortez de la dhrysalide de l’été pour tout à coup vous enneiger.

    Vous êtes bien accompagnée dans cet essor : vos antécédents sont comme une colonne vertébrale qui vous maintient debout et une courte échelle à franchir les passages. Merci pour ces lignes que j’aurais bien aimé partager sur mon site facebook, ouvet, abandonné puis ouvert à nouveau quand il m’a semblé favoriser une interactivité. Plusieurs fois, j’y ai imaginé vos crânes accrochés à mon mur.

  20. Chère Noelle, merci de ce magnifique commentaire qui me touche, et de vous être penchée avec tant d’attention sur mes petites écritures.

    Je vous autorise bien sûr a suspendre les os, la peau et les restes de Gertrude en vos cabinets de curiosités virtuelles; pour ces pauvres oripeaux ce ne peut être qu’un honneur, sûrement non mérité.

  21. VOICI LA MORT DU CIEL

    (Agrippa d’Aubigné)

     

    Voici la mort du ciel en l’effort douloureux
    Qui lui noircit la bouche et fait saigner les yeux.
    Le ciel gémit d’ahan, tous ses nerfs se retirent,
    Ses poumons près à près sans relâche respirent.
    Le soleil vêt de noir le bel or de ses feux,
    Le bel oeil de ce monde est privé de ses yeux ;
    L’âme de tant de fleurs n’est plus épanouie,
    Il n’y a plus de vie au principe de vie :
    Et, comme un corps humain est tout mort terrassé
    Dès que du moindre coup au coeur il est blessé,
    Ainsi faut que le monde et meure et se confonde
    Dès la moindre blessure au soleil, coeur du monde.
    La lune perd l’argent de son teint clair et blanc,
    La lune tourne en haut son visage de sang ;
    Toute étoile se meurt : les prophètes fidèles
    Du destin vont souffrir éclipses éternelles.
    Tout se cache de peur : le feu s’enfuit dans l’air,
    L’air en l’eau, l’eau en terre ; au funèbre mêler
    Tout beau perd sa couleur.

  22. « La mort que nous aimons ,que nous eûmes toujours

     Pour but de ce  chemin où prospère la ronce

    Et l’ortie ,ô la mort sans plus ces émois lourds ,

    Délicieuse et dont la victoire est l’annonce ! « 

                                                                                ( décembre 1895 )

  23. Tout ça, c’est la faute au temps ; le temps, ce vole heure qui, contrairement à la douce tempérance, est un connard psychorigide, inflexible et sans âme. Le temps, cet assassin insaisissable, intangible, impalpable et immatériel. Le temps, ce traitre qui s’écoule en silence dans les chaussettes, les fonds de pantalon… ruinant au fil du temps les étoffes les plus nobles.

  24. Ben oui, j’sais bien qu’il en est ainsi, le temps et le temps, et il passe ce gros naze, parfois trop lentement, parfois trop vite, jamais tout à fait comme on le souhaiterait… mais comme le dit ce vieil Arthur : « Il est aussi absurde de pleurer sur le temps où on ne sera plus, qu’il le serait de déplorer celui où l’on n’était pas encore. »

    Ce qui ne peut finir ne mérite pas d’avoir commencé, m’a dit un jour un sage qui avait mal aux pieds ; le temps n’épargne personne, me suis-je dit, ni les sages, ni les pieds.

    Plus je pense au temps et moins je le comprends. Il faudra bien un jour dénouer les chevaux de Khrónos et battre la croupe tant qu’elle est chaude, ou alors, trancher cette tête de nœud gordien et enfin libérer le char de Godzilla.

    Difficile d’imaginer la vie sans le temps… peut-être en observant une peinture ou une photographie, ou des objets inanimés… Le grand mystère, ce n’est pas la vie, mais le temps ; la vie, on peut l’expliquer, comprendre ses mécanismes, contrairement au temps… mais à quoi bon perdre notre temps à parler du temps.

    Si la pendule donne l’heure, c’est le crapaud cornu qui indique la route à suivre.

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