Histoire
d’un ready-made insolite
au sourire secret
JC, 2011, Gertrudomètre n°17 ou Ready-made insolite,
bouteille en verre bouchon en liège, dé en os, achetés le 30/04/2011 sur le vide grenier de la rue Caulaincourt, Paris 18ème,
épingle d’entomologie, encre sur papier,
H:14 cm, diamètre: 6 cm
Fin de journée ; fin d’avril…
La tiédeur de ce samedi ne sait pas encore s’il faut céder la place à la fraîcheur du soir. Encore deux ou trois étals de ce premier vide grenier de printemps et je fais demi-tour.
Je n’ai rien trouvé : pas un seul de ces petits objets n’a su me sortir de ma torpeur ; pas même ce petit cadre à verre bombé et sa vierge en plâtre dont le prix, trop élevé, a clos définitivement le destin dans la poussière des vieilleries.
Je m’arrête devant une dernière table surchargée ; sûrement pas pour le fatras qui s’y entasse… Est-ce pour le sourire du vendeur que mon indifférence feint de ne pas avoir remarqué ? J’ai cependant bien vu l’œil qui m’attend.
Je reste là, indécise. Ma main se pose négligemment sur un objet ; je m’en saisis, le secoue. Il est juste cocasse : une bouteille de verre, sûrement un flacon de chimie, fermé par un gros bouchon en liège ; à l’intérieur, un dé usé en os. Je secoue encore : le dé fait un joli bruit dans le verre.
Le vendeur prend la parole :
– C’est drôle, dit-il, tout le monde s’intéresse à cet objet. Et à chaque fois, les gens secouent cette bouteille.
Je pose bêtement la question dont j’ai déjà la réponse :
– Pourquoi un dé enfermé dans une bouteille ?
– Pour la question, répond le sourire qui s’élargit, cette bouteille est là pour arrêter les passants.
L’homme commence à me plaire.
– Je vous l’achète, lui dis-je sans prendre aucun temps de réflexion
– Je ne vends que l’ensemble.
– Je le sais déjà. C’est combien ?
– Trois euros : un euro pour la bouteille, un euro pour le dé, un euro pour l’insolite…
Et ce qui est le plus important, c’est l’insolite, rajoute-t-il.
Ça aussi, je le sais.
Et lui, de rajouter encore :
– Vous savez, vous faites une bonne affaire, d’habitude c’est le dé qui fixe le prix, et il a la fâcheuse tendance de tomber sur le chiffre six.
– Nous faisons tous les deux une bonne affaire, lui dis-je en lui tendant ses trois euros.
Ce que j’omets de dire, c’est que dans ce flacon, j’emporte quelque chose d’inestimable que Gertrude aura tôt-fait d’épingler.
Le sourire, lui, brille par sa gratuité.
Celui que je lui rends n’est pas volé non plus.
La Rose et la Noire
sont toujours de la partie