Cela fait sept ans et sept mois
que l’ouvrage de la Crâneuse
est sur le métier
Ce fut une expérience étrange que celle d’ouvrir les tiroirs , les armoires, les boites, de toucher les objets, le linge de la personne en même temps proche et lointaine de ma tante qui sous des apparences lisses préservait si bien son intimité. Comme ma sœur me le fit remarquer, nous étions à la rencontre de cette femme dont nous ne savions presque rien et dont la personnalité se confondait pour nous avec la seule affection qu’elle avait à notre égard. Nous lui découvrîmes là peut-être une complexité et une opacité insoupçonnées à travers des correspondances, des photos qui garderaient à jamais leurs secrets.
Madeleine aimait tricoter, coudre, broder ; j’ai récupéré ses aiguilles, son fil, ses ciseaux, ses dés à coudre ; je garde précieusement un petit étui rouge qui, j’imagine, ne quittait pas son sac à main, tel le baluchon d’une petite poule rousse d’un livre de mon enfance, prête à toutes les reprises, prétextes à l’amitié.
J’ai accroché sur mon mur parisien un beau tableau patiemment réalisé au point de croix ; je ne passe jamais devant sans y jeter un regard. Car un ouvrage m’attend, celui qui était tout préparé dans un tiroir, le prochain à faire sûrement, comme un défi à mes petites compétences de brodeuse débutante. Je le finirai et l’accrocherai aussi ; peut-être y laisserai-je une discrète marque du crâne…
Juliette Charpentier, Le Cahier de Jeanne, 2015 (extrait)
Aujourd’hui Gertrude et Gertrude Noire
font exception au Crâne
mais restent exceptionnelles