La Vérité est ailleurs…

 

De la vérité intérieure

ou

  la superposition de deux évènements

sans relations apparentes

mais aux connivences fortuites.

 

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Il y a exactement trois mois, un de mes fidèles interlocuteurs m’offrait cette pomme.

Je l’ai gardée, je ne sais trop pourquoi ; peut-être espérais-je secrètement en faire un jour une tarte à la crème.

Mais plus j’attendais de la croquer ou de la passer au four, plus il me semblait évident que cette pomme n’était pas une pomme. Sûrement devait-elle parvenir à ce point critique où sa chair basculerait dans un autre état que celui, vil et inconscient, de maturité des denrées consommables.

 

Aujourd’hui, j’ai enfin tranché ; j’ai, du fil du couteau, mis à jour ses secrets, et, de la pointe, percé cœur et pépins.

 

Sa pulpe, en effet, n’est pas de celles dont on fait les vulgaires entremets : elle possède, dans un processus de putréfaction entré à l’évidence dans une phase rapide et inexorable, le fragile et éphémère équilibre des grandes venaisons au seuil de la défaite, d’un noble gibier au terme de son faisandage. 

Elle invite le regard à plonger, d’une contemplation prolongée, dans les profondeurs de ses nacres dorées lui offrant l’expérience de sa blettissure comme celle d’un voyage dans l’infini d’une vieille laque de Chine.

 

Cette pomme avait attendu, tout ce temps,  mes yeux, pour l’espace d’un instant.

Telle était sa vérité.

 

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Je ne vous aimais pas, vous  ne m’aimiez pas. Nous n’avions rien en commun, et pourtant vous faisiez partie de ma vie.

 

Vous êtes là, gisant sur votre lit dans un sommeil trop immobile.

Votre corps menu, presque évanescent, dérange à peine le drap tiré à quatre épingles. Le bandeau blanc qui vous enserre le visage et la mâchoire vous donne un air de jeune nonne à la sainteté impressionnante. Une petite médaille pieuse brille dans les plis de votre joli corsage en soie brodée arrangé avec soin par les infirmières.

 

La petite fille que vous avez été transparaît presque dans vos traits étonnamment relâchés qui ont abandonné toute conscience de paraître; votre corps détendu semble avoir oublié la voussure  dont les ans l’affligeaient ; seules vos mains posées l’une sur l’autre, nouées et saillantes comme des ceps, accrochent le regard pour raconter cette longue vie, mais aussi tout le soin que vous avez apporté à votre personne et le contrôle absolu que vous avez exercé sur vous-même.

 

Et je vous regarde, vous contemple même, comme je ne l’ai encore jamais fait ; et toute l’animosité que nous avons eue l’une pour l’autre s’envole comme dans un dernier souffle, dans l’absurdité de cette chambre et de ma présence devant vous.

 

Et je pense au crayon et au carnet que, secrètement, presque sans y penser, j’ai glissés dans mon sac avant de venir vous voir, crayon et carnet que je n’oserai pas sortir.

 

Je vous regarde pour ne pas oublier cette image que je vois pour la première et la dernière fois ; j’aurais pu dessiner votre dernier portrait, ce dernier rendez-vous manqué.

 

 

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Et la Rose et la Noire

continuent à croquer.

 

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22 réflexions sur « La Vérité est ailleurs… »

  1. M…, une nouvelle fois, c’est pour ma pomme ! 

    They call all experience of the senses mystic, when the experience is considered. 

    So an apple becomes mystic when I taste in it 

    the summer and the snows, the wild welter of earth 

    and the insistence of the sun.

    But if I eat an apple, I like to eat it which all my senses awake. 

    Hogging it down like a pig I call the feeding of corpses.

    D.H. Lawrence, Mystic.

  2. En ce matin austral je me suis offert le plaisir de relire vos mots qui chantent comme un requiem. Telle Eve sur son lit de mort je pense à cette pomme qui n’est pas une pomme. Donc. Je pense à la pomme empoisonnée que la sorcière offrit à l’innocente. Pourtant. Cézanne. Je croque l’esquisse d’un vrai-faux Cézanne de 110X270 cm qui doit représenter, pour répondre au goût douteux de mon commanditaire, un groupe de baigneurs noirs sur fond de paysage du Grand Karoo avec, quelque part, un éolienne solitaire. Dans cette composition difficle pour être cézannienne dans un format panoramique, y mettrais-je une pomme ? C’est ma pensée du matin sous le soleil exactement.

  3. …Tendres et savoureuses …:)

    Tout à l’heure ,je vais boire un bouillon claire ,poireux et carottes …Le réveillon est fini !

    Encore en tenue de » lion » ,pantalon noir et chemise blanche avec lavallière volantée ,gilet perlé de noir de dandy , breloques à la ceinture evec croix et crânes et nos croisés ( je pense à vous ,voyez ) vous avez idée de ce que cela donne ( me connaissant un peu …) . J’agite mes mains vers vous ,ongles bleus comme une nuit au clair de lune ) .

    Toutes mes révérences

                                    votre HHH

  4. Je reviens …je relis …je crois que je comprends …mieux .

                                                                                       Bien à vous …

                                                                                                           

  5. Votre texte « à la morte » est très bon, il mériterait au moins d’en faire une nouvelle.

    Vous avez vécu quelques chose d’assez incroyable, je pense que l’on doit ressortir

    de cette chambre en se demandant si ce qu’on vient de vivre est la réalité ou le résultat

    d’une page  de littérature victorienne.

     

  6. « La mort est dans la pomme…. »

    La pomme d’Adam…. grossière erreur…. la chaire est faible….

    Sous un autre angle…. la personne qui t’offre une pomme…. gros symbole tout de même!

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