La gertrudisation floue du Monde

 

Cela fait six ans et cinq mois

que Gertrude

parcourt en Vain

mille kilomètre de globe

sans terre et sans bouger

mais ses origines

géographiques

restent floues

 

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  JC, mai 2014, Globe terrestre gertrudisé,

globe terrestre en matière plastique trouvé dans le local à ordures d’un immeuble du 18ème arrondissement de Paris, recouvert de papier de soie tamponné au motif Gertrude, colle, peinture acrylique.

D’un pôle à l’autre : 30 cm.

 

 

 

 

 

  Gertrude Rose nous fait le coup de l’os bénite

pendant que Gertrude Noire boit le Vain de messe

 

Le péché à la moule ensauvagée ou la face crétine première de Gertrude

 

Masque cru si fixe

au vain gertrudisé

à l’os béni oui-oui

servi show

dans une moule crétine

à la traçabilité incertaine

 


Cela fait six ans et cinq mois

que Gertrude

s’adonne en public

à ses péchés mignons

(et ce n’est pas sans conséquences…)

 


 

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JC, mai 2014, Le péché à la moule,

Crucifix en métal doré , petit bénitier en nacre fixés dans une valve de moule géante offert par un inconnu (ancien « ami » d’un célèbre réseau social), le tout « gertrudisé », recouvert de papier de soie tamponné au motif Gertrude, colle et peinture acrylique,

17 x 11 x 3 cm.

 

Dédié 

à J Croix, aux pécheurs de moules et à tous les inconnus adorateurs du grand Web

 

 


 

 

Vain Appellation d’Os Controlé

 

Bouteille de

Vain

dont le contenu est  certifié

Vain

 

 

Cela fait six ans et cinq mois

que Gertrude se bonifie dans le Vain

 

 

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JC, mai 2014, Bouteille de Vain,

bouteille en verre et bouchon de liège « gertrudisés » recouverts de papier de soie tamponné au motif Gertrude , colle et peinture acrylique,

longueur : 26 cm, diamètre 10 cm.

 

 

Pendant que la Rose vit dans le péché

Gertrude parcourt le Monde

 

 

 

Gertrude de Bruges

 

Il y a quelques années

Le Capitaine a navigué jusqu’à Bruges

Gertrude elle

a le  béguin pour Jan

ici et au-delà

 

Cela fait six ans et quatre mois

qu’elle entretient une modeste peinture

dans son étagère

en rêvant de lui

 

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JC, avril 2014, Gertrude de Bruges,
huiles sur toiles, épingles à nourrice dorée, mouchoir de fil bordée de dentelle de Bruges avec le monogramme G, acheté à Bruges en 2010,
27 x 27 cm, chaque peinture : environ 2 x 2 cm.
 

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Alors que Gertrude dort dans la dentelle

Gertrude Rose se gratte la peau

et Gertrude Noire fait tomber les croûtes

 

Gertrude, croûte en soi

 

 

Cela fait six ans et quatre mois

que Gertrude pète dans la soie

et s’encroûte doucement

 

 Gertrude au grattage

Soi au tirage

 

 

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JC, avril 2014, Gertrude, croûte en soi,

peinture à l’huile sur papier de soie (photographiées en noir et blanc),

20 x 23 cm et 22 x 13 cm.

 

 

Pendant que Gertrude Noire se gratte la croûte

Gertrude tire sur la dentelle

et la Rose se soigne la peau

 

 

Le motif Gertrude: L’exception au Capitaine n°7

 

 

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JC, Pinceau gertrudisé, motifs tamponnés à l’acrylique sur papier de soie, pinceau usagé.

 

 

La répétition du même motif n’est pas quelque chose de nouveau dans ma pratique.


Enfant, je dessinais des « usines à poulets », des enchainements sans fin de machines, d’engrenages, de tapis roulants, de rouages autour desquels s’activaient sans relâche des volatiles  à crêtes hérissés et aux pattes grêles.

Je me souviens très bien du plaisir que j’éprouvais à détailler cette activité et à remplir la surface du papier de toutes les possibilités articulatoires que m’offrait le système jusqu’à celle de continuer sur une autre feuille. Je ne pense pas m’être ennuyée une seule fois à en dessiner les combinaisons répétitives et il me semble avoir poursuivi cette marotte un certain nombre d’années.


À l’âge adulte, alors que je commençais à acquérir une pratique de peintre à l’École des Beaux-arts, j’ai très vite retrouvé cette jubilation de la répétition.


Il est une période antérieure aux épisodes abordés précédemment dans ce blog (cliquez ici, ici et ), où je pris véritablement conscience du pouvoir de renouvellement de la répétition, ainsi que de sa capacité à provoquer le surgissement de phénomènes nouveaux.

Je mélangeais alors autoportraits et motifs décoratifs (parfois « empruntés » à ceux si beaux d’Henri Matisse). Je travaillais avec des pigments mélangés à de la paraffine que je faisais chauffer, et que je devais appliquer immédiatement sur le support avant qu’elle ne fige.


Très vite, je me désintéressai de l’aspect « autoportrait » pour ne plus peindre ainsi que des motifs décoratifs. L’intérêt de cette peinture abstraite, répétitive en all-over, associée au procédé de la cire, était qu’elle révélait brutalement la surface du support avec une grande matérialité en s’affirmant autant en fond qu’en forme ; ces derniers se retrouvant à égalité dans la « lecture » du motif sans aucune hiérarchie.


Ce fut pour moi une vraie révélation de peintre, car entre ce fond et cette forme juxtaposés sur le même plan, surgissait un nouvel espace, un interstice de jonction qui respirait au gré de mon geste répété mais chaque fois renouvelé ; une sorte de fontanelle mouvante en promesse de devenir dont la sensation (que j’attribue, peut-être à tort à tout phénomène de picturalité) ne m’a plus jamais quittée et m’a convaincue à jamais qu’il était inutile « d’inventer » de nouvelles formes pour renouveler la peinture ; que cette dernière s’alimentait d’elle-même des infimes et infinis décalages que la picturalité était susceptible de générer.


Le constat peut paraître évident, voire banal, mais je sais qu’il faut non seulement en faire l’expérience mais aussi avoir ce « déclic » de la vision pour le prendre à son compte.

 

On pourrait penser que l’activité Gertrude échappe à cette voie de peinture dans laquelle je prétends m’être engagée depuis plus de trente ans.

J’ai pu le croire aussi quand, exhumant Gertrude de l’oubli il y a sept-huit ans, j’eus l’ambition de lui « inventer » ou lui « redécouvrir » une histoire, un passé, une mémoire. Mon activité aurait pu ainsi basculer du côté de l’imagerie d’une fiction, peut-être en a-t-elle parfois titillé les limites.


Mais Gertrude au fil des années s’est révélée un motif puissant, bien plus puissant que son « histoire ». Gertrude, malgré mes résolutions, mise en avant comme sujet, est restée objet. Elle a même renforcé sa qualité d’objet en me désignant, moi, comme sujet.


Certes, la pratique concrète de la peinture est particulièrement mise à distance dans cette aventure, mais contre toute attente, je reste plus que jamais le peintre, le peintre de Gertrude, le seul autoproclamé dont Gertrude est la motivation, le motif/modèle, le motif répétitif.


Malgré une assez grande variété de mises en œuvre, le motif Gertrude, de point de vue littéral, se limite à quelques représentations de face et de profil, dessins, peintures, modifications infographiques dont les modèles ne sont, ni plus ni moins, que les quelques photographies de départ que j’ai réalisées du crâne de Gertrude.

L’utilisation de ces représentations dans des réalisations plus ou moins farfelues, au gré des mes envies, des rencontres, des circonstances ont fait de Gertrude une image, qui bien sûr, lui reste propre, étant toujours celle de sa « physionomie » unique, mais qui se vide peu à peu de sens en flirtant avec celle stéréotypée et très à la mode de la tête de mort.


On peut ainsi autant se questionner sur les capacités « décoratives » de Gertrude dans la composition d’objets/bricolages qui, souvent, n’ont plus grand chose à voir avec une « mémoire gertrudienne » que sur celles à « jouer » à l’infini les « vanités » en tant que « reste humain » et à déranger ainsi les petits arrangements d’une plasticienne dilettante qui n’a ni le temps ni le courage de combattre en peinture.


Gertrude, ainsi, se répète sans en avoir l’air, n’abordant de front ni la mort, ni elle-même, ni moi, effleurant la surface des choses en restant chose. Quant à moi, je procrastine une peinture à laquelle je consacrerai tout mon temps quand je l’aurai et quand il sera temps et pas trop tard, et où, enfin, je ferai surgir entre Gertrude et le fond qu’elle trimballe la vérité de sa vraie nature.


Juliette Charpentier, Paris, le 9 avril 2014

 

 

3-copie-1.jpgJC, 1983, autoportrait et motifs décoratifs, pigments et parafine sur contreplaqué