Topographie n°2

Juliette Charpentier, Détail de Gertrude,
13 x 16 cm, mine de plomb.

           
            J’ai vu des lignes tirées par d’excellents maîtres qui étaient si délicates, que les filets des toiles d’araignées ne le sont pas d’avantage : mais ces autres lignes que je forme dans mon esprit sont toutes différentes de celles-ci, et ne sont nullement des images de celles qui sont sensibles à nos yeux. Et celui-là les connaît et les comprend, qui sans avoir nulle pensée d’aucun corps les connaît intérieurement en se les représentant dans son esprit.

Saint Augustin, Confessions.

Pré en Bulle.

 
Prolonger quelques jours*

les Paradis artificiels

de la

Vacuité.

*Le temps d’une Neuvaine.

    Cela me rappelle l’histoire d’un souverain qui dans son château avait reconstitué une Abyssinie artificielle, avec des palmiers de zinc peints à l’huile. Crois-tu qu’il y détenait une autruche ! Une autruche vivante. Oui, une autruche vivante. À quoi bon. Alors ? Cette autruche était aveugle ; elle ne pouvait pourtant pas se croire au cœur de l’Afrique ? Son flair ne pouvait la tromper. Ce n’était pas pour elle qu’il avait réalisé ce trompe-l’œil, puisqu’elle n’y voyait pas. Ah ah – Eh bien cet animal, je parle de l’autruche, non du roi, se cachait la tête derrière les palmiers dès qu’un danger présumé la menaçait.

Georges Ribemont-Dessaignes, L’autruche aux yeux clos.

Carte postale numéro neuf.

JC, Passerelle des Arts, 1998,
 Photographie noir et blanc,
Appareil à sténopé , périgraphie cylindrique,
temps d’exposition: 8s.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
            Et nos amours
       Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
 
     Vienne la nuit sonne l’heure
     Les jours s’en vont je demeure
 
Les mains dans les mains restons face à face
            Tandis que sous
       Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
 
     Vienne la nuit sonne l’heure
     Les jours s’en vont je demeure
 
L’amour s’en va comme cette eau courante
            L’amour s’en va
       Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
 
     Vienne la nuit sonne l’heure
     Les jours s’en vont je demeure
 
Passent les jours et passent les semaines
            Ni temps passé
       Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
 
     Vienne la nuit sonne l’heure
     Les jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire,
Le pont Mirabeau,
Alcools.

Carte postale n°6.

JC, Passage de péniches sous le Pont Neuf, 1998,
 Photographie noir et blanc,
Appareil à sténopé , panoramique,
temps d’exposition: 18s.

Les pécheurs sont des sentinelles
une ligne indique le ciel
Demain sera moins gris qu’hier
Un morceau de bois qu’entraine le courant
ma pensée
un miroitement
des péniches dociles
le fil

le grouillement du pont
m’appelle

Philippe Soupault,
Quai.