Gertrude, une œuvre ?


Le blog de Gertrude, celui-là même où j’écris aujourd’hui, c’est, à cet instant, 1021 articles, 1022 avec ce dernier. Les 1021 articles ont généré 20243 commentaires.

J’ai créé le blog de Gertrude le 3 janvier 2008 pour une ou des raisons qui maintenant m’échappent : nouvelle expérimentation, vacuité du moment, espace différent et tellement plus vaste que mon appartement parisien… Probablement une convergence de circonstances. Toujours est-il que ce blog est encore là quinze ans et huit mois après ; je ne sais, du blog ou de moi, lequel mène ou « organise » l’autre au fil du temps.
Le blog de Gertrude est passé par plusieurs phases : il a changé deux fois de plateformes, d’unique il est devenu triple (en trois blogs ou trois « personnalités » aux publications simultanées), puis devenu à nouveau unique et, en quelque sorte, fusionné.
À présent il est la part « gertrudienne » du « site » juliettecharpentier.fr qui comprend également, sous forme de deux autres blogs, une compilation neutre de mes réalisations matérielles et le résultat d’une petite pratique photographique d’amateur.

Les différentes périodes du blog de Gertrude sont aussi marquées par mon interaction avec d’autres « blogueurs » ; interaction qui a pu, avant la prédominance des réseaux sociaux, être foisonnante et fertile, provoquer chez moi un bouillonnement d’émotions, d’activité et d’invention pour trouver toute sorte de prétextes à mes publications, mais également pour produire, ce qui paraît paradoxal face à l’espace virtuel d’internet, un grand nombre de réalisations matérielles en tant que supports de ces dernières. Les réalisations et les publications, parfaitement intriquées dans le réseau que forme le blog, tournent toujours de près ou de loin autour du même objet, à savoir celui que j’ai choisi en janvier 2008, le crâne prénommé Gertrude.

Gertrude à la fois matérielle et virtuelle, objet et sujet de mes préoccupations blogueuses, joue également le rôle de concept de l’entreprise tout en trainant sa charge symbolique et vaniteuse de crâne derrière elle. Et c’est bien la persistance de mon idée originelle ainsi que ce choix particulier qui créent une forme de cohérence dans ce qui n’est ni une histoire, ni un récit, ni un journal mais une sorte de chaos, de fourre-tout de n’importe quoi (surtout à ses débuts), sorte de sismographe des instants T de mes états créatifs.

La seule structure qui fait tenir ce « Merzbau » virtuel est le temps, et plus précisément celui scandé par Gertrude chaque trois du mois dans l’unique parution ritualisée depuis plus de quinze ans sans aucune dérogation de ma part. Chaque mois je vise devant moi le prochain « trois » que je perçois comme un « à venir », un « à suivre », mais aussi comme une résistance, celle que la performance exige. Aujourd’hui pour ce nouveau trois, je décide de jeter un regard derrière moi, sur (dans) ce blog, mais parviendrais-je à aller au fond, à en suivre les méandres ? Au final à en faire une œuvre ?

Gertrude est en ligne depuis quinze ans et huit mois.

Tout vain à point à qui sait attendre*.


La Crâneuse, victime volontaire des tortues pédagogiques et des tatous mobiles, a pris un (pas) sérieux retard dans la réalisation de ses projets audacieux et compliqués.

Ainsi, en attendant le rendu de ses intentions finalisées, laissant le tant au temps, elle se tamponne l’os sans complexe à coup de vain :

Rien n’était prévu
mais rien ne sera laissé au hasard
(devise historique de Gertrude)

 

Aujourd’hui
trois février deux mille vingt trois
cela fait exactement quinze ans et un mois
que Gertrude
a toujours le temps
de vous consacrer du temps

 

*Sage conseil donné à C.H. complice pédagogique de la Crâneuse, prompte à pointer son docte index vers les manquements aux dés laids de livraison de l’objet du sujet.

En attendant G…


G peint, Je peins
G crie, J’écris
En attendant que la peinture
Soit jeu pour moi
Que l’écriture soit G
Ou pas
*Contemplez Gertrude…

JC, Contempler Gertrude pendant trois minutes, vidéo réalisée en mars 2010 pour ce blog.

*C’est déjà ce que vous faites depuis ces treize ans et sept mois d’arrêt sur l’image.

 

13 ans ou bilan de « blogounette ».

 

JC, 2020, Remplissage de Gertrude,
fil de coton écru, provenant d’une filature en faillite et trouvé dans une brocante, sur suédine ( fausse peau) écrue, 25 x 34 cm.
Broderie inachevée, work in progress, mise en scène sur une nappe blanche ancienne ajourée à l’aide d’un appareil photographique numérique installé sur un trépied.

Chers interlocuteurs passés, présents et futurs,
voici treize ans exactement, je créai ce blog dont l’objet central est un crâne, Gertrude, que j’ai acquis lors de mes études à l’école des Beaux-Arts, il y a une quarantaine d’année.
Jeudi 3 janvier 2008 était sûrement un jour un peu vide et la mise en ligne de Gertrude un peu fortuite histoire de combler un petit sentiment d’ennui et de rêverie ; pas véritablement un projet, juste une expérience.

L’entreprise « gertrudienne » sur Internet, improbable à ses débuts, s’est très vite avérée pour moi passionnante et indispensable ; se sont imposés rapidement des protocoles, des rites et des obligations comme la scansion du temps, le jeu avec les mots, l’interaction entre les textes et les objets (dérivés de Gertrude), la mise en scène photographique de ces objets (petites réalisations plastiques), un ancrage plus ou moins étroit dans des références artistiques ou dans des évènements autobiographiques.

Le Blog de Gertrude, malgré son apparence décousue et hasardeuse, répond à une véritable construction structurée et pensée; une solidité qui l’a probablement sauvé du naufrage qu’auraient pu provoquer toutes les turbulences qu’il a traversé entre ramifications et fusions diverses, traversées du désert, changements de plate-forme et c…

J’ai, par ailleurs, renoncé à ranger ou remettre en place les quelques 986 articles et 19829 commentaires mis en vrac par ces péripéties, ou télécharger à nouveau les vidéos devenues inopérantes.
J’ai même attribué à ce désordre, générateur d’une perte de lisibilité des premiers temps du blog, une correspondance avec les mécanismes mémoriels de mon propre cerveau : j’ai, ainsi, de ces treize années de blog, des souvenirs précis de parutions ou de conversations au détriment d’autres quasiment oubliées.

Maintenant, le Blog de Gertrude, bien loin d’être fragilisé par ses errances, est d’autant plus policé, rythmé, structuré par des protocoles précis et identifiables.

Mais l’expérience du Blog de Gertrude n’aurait strictement aucun sens sans interlocuteurs: vous, qui me suivez parfois depuis plusieurs années de près ou de loin et qui n’avez jamais interrompu la conversation.

L’aventure qui dure à présent depuis treize ans, un chiffre à la fois vertigineux et dérisoire au même titre que son objet vaniteux, serait très vite tombée dans une impasse sans les discussions passionnées et passionnantes instaurées dès ses débuts autour de Gertrude, et s’est vite révélée un incroyable medium d’échanges, souvent restés virtuels, parfois aboutissant à des rencontres dans la vie réelle.

Via Gertrude, vous avez joué avec moi, avec les mots, les concepts, les références. Ce fut l’occasion de maintes joutes rhétoriques réjouissantes, de plaisanteries, de calembours et surtout d’un nombre impressionnant de « blagounettes » voire de brèves de comptoir jusqu’à parfois mettre en danger le caractère spirituel et intelligent que j’ambitionnais dans ma démarche.

Car démarche il y a, même si peu ont reconnu ici un dessein artistique (risquons le mot) à cette construction virtuelle toujours sur le fil entre ridicule et effrayant, entre idiotie et autobiographie.

En effet la création du blog de Gertrude survient en 2008 dans ma pratique, à un moment où je suis un peu enlisée dans une recherche picturale qui tourne en rond sans aboutir.

Gertrude, plutôt la réactivation de ce crâne sur Internet, est pour moi une expérience inédite, un moteur incroyable pour mes activités plastiques et ma motivation intellectuelle, une performance aux inventions infinies, le réceptacle (vide !) de toutes les possibilités créatives.

L’expérience Gertrude ,vue en perspective, n’est pas pour autant déconnectée de mon parcours artistique (risquons encore le mot) jamais interrompu depuis plus de quarante ans ; elle est l’issue logique et nécessaire des recherches picturales que je menais depuis des années. Maintenant, avec du recul, j’en prends conscience.

Au bout de ces treize années, il est possible que Gertrude ait perdu un peu de son essentialité dans mes activités : le partage « magique » du virtuel s’est un peu étiolé dans votre probable lassitude d’interlocuteurs gertrudiens, dans l’obsolescence du concept de « blog » au profit des réseaux sociaux qui m’intéressent moins.
Et il est possible que mon travail plastique se déploie à présent davantage dans le réel plutôt que dans le virtuel, plaçant ainsi le blog en arrière plan de ma pratique.

Je me suis interrogée bien des fois sur l’opportunité d’arrêter le blog de Gertrude mais j’ai toujours trouvé de bonnes et mauvaises raisons de poursuivre.

Je n’ai encore rien décidé pour la suite, je pense peut-être à de nouvelles modalités ou protocoles, par exemple à une nouvelle catégorie qui s’intitulerait « Une toute autre histoire »…
Et m’en remets toujours à ma chère devise : rien n’était prévu mais rien ne sera laissé au hasard.

 

Le 03/01/2021
Juliette Charpentier,
plasticienne, créatrice et administratrice du Blog de Gertrude.

 

Gertrude ou le complexe du paillasson.

 

Gertrude Os sans corps
mais drôle de coco
se rêve paillasson
à vos pieds

Chers amis et voisins
entrez
dit-elle
mais prenez les patins

Il faut dire que cela fait exactement
douze ans et neuf mois
que Gertrude
vous gratte la plante
afin que vous vous sentiez
encore vivants

JC, septembre 2020, Gertrude Paillasson, fibre de coco sur PVC. Chaque élément: 17 x 12 x 1 cm.

 

Photographie numérique, réalisée au seuil du nouvel atelier de JC, où nous percevons au premier plan, au niveau de la porte ouverte, le paillasson de l’entrée agrémenté de trois éléments en forme de crânes découpés dans la même matière, et une pancarte en chêne (reste du parquet de la bibliothèque du Moulin) pyrogravée, mentionnant la nature de l’atelier et la bonne direction, posée sur une chaise escabeau de bibliothèque. Au deuxième plan nous devinons, plongés dans l’ombre, quelques produits des activités plasticiennes de JC.

VAIN c’est bien, RIEN c’est mieux.

 

Aujourd’hui
trois septembre deux mille vingt
La Crâneuse
décide
de ne
RIEN
faire

Cela fait exactement
douze ans et huit mois
que Gertrude
c’est
du Vain
du BON
du BONNET
(d’âne)

L’âge piv’OS : L’exception au Capitaine n°13.

Ce noeuf  de quatre vains
il me reste exactement
noeuf semaines
avant de :

Sortir du cadre, être à la marge, pivoter, tourner sur soi-même, tourner le dos, tourner la tête, se retourner, et prendre tournure, ne pas voir trop loin, viser l’infini, ne pas en voir la fin, pivoter, finir et recommencer, tourner, retourner, y retourner, se tordre, se tordre de rire, voir loin, l’horizon , examiner le lointain avec une vision de près, se rapprocher, pivoter encore, avancer d’un pas, reculer en avançant, pivoter, changer de point de vue, trouble de la vision ou vision trouble, vision troublée, à droite, puis à gauche, lever les yeux, viser haut, viser os, hisser os, ne pas trop la regarder, passer sans la voir, ne pas trépasser, elle n’est pas trop loin, c’est pas trop vain, pivoter en vain, tourner, danser, retourner, regarder derrière pour ne pas voir devant, regarder vers l’avant sans se retourner, même pas peur, secouer la boussole, perdre le nord, retrouver son chemin, prendre une traverse, tourner, à gauche, à droite faire, demi-tour, virer, virer, virer des cadres, rayer, rayer le parquet, glisser, virevolter, basculer, ne pas tomber, sans volte-face, sans perdre la face, face-à-face, perdre la tête, rouler, rouler, n’amasse pas mousse, rouler et remonter la pente,
en fin,
enfin,
en vain.

Pour l’occasion recyclage d’une vidéo/performance en chambre réalisée en 2009 et intitulée « Manipulation »(extrait).

Nous y voilà en fin, enfin, en vain.
Le temps où finir est recommencer,
où liberté est à inventer,
où tant sera le temps.
Un temps d’autant plus temps
que le cadre temporel fout le camp.

Rien n’était prévu
mais rien ne sera laissé au hasard
dans ces trésors d’incertitudes
marqués au sceau du 13.
13 d’exception.
13 des vendredis sonnant et trébuchant
le glas des décomptes.
Arcane faucheur.
Ce n’est pas effrayant,
juste métamorphosant.
Balayage salvateur.
Renaissance.

Et Gertrude ?
D’ici qu’elle fasse peur .
Pivotons et regardons-la
sous son meilleur profil.

Gertrude enchaîne.

Ou tentative de connecter Gertrude à sa nouvelle réalité:

La Crâneuse peint l’Os sur lame
et tente ainsi d’en saisir
l’image volatile sur une surface tangible
Rien de tel que du chêne
pour prendre pied dans le réel
tout en restant artificielle

JC, avril 2019, L’Os sur lame,
peinture acrylique sur chute de lame de parquet en chêne, peinture diamètre 4 cm sur support 12 x 36 cm .

Cela fait exactement onze ans et quatre mois que Gertrude est en chantier
et que La Crâneuse
fait de la réalité une fiction
et de la fiction une réalité.

 

Gertrude: Neuf ans d’état géré… Ma résolution.

Neuf ans et l’Étagère à l’état géré est état j’erre.

Le Range ment sur l’état que je gère et l’étagère tend à l’ingérable.

D’engranger, l’étagère en est étrangère.

Étrange étagère à l’état engrangé que mon pastel sèche dans le noir.

Cela fait neuf ans que Gertrude engrange sans ranger, mais que devient j’erre Trude ?

Ma Résolution : Ranger à Neuf.

 

 

 

 

 

 

 

 

Neuf étagères au pastel sur carnet noir, 30 x 44 cm. (Cliquez sur les images pour les voir plus grandes)

Mise à distance

 

Gertrude à distance respectueuse

Mise en espace autre que le mien

De cet air coïncident nos paraître

Mais jamais mêleront nos êtres

Dans ce verre lucide s’opposent nos

opacités

Mais jamais n’avoueront nos fragilités

 

Regardons-nous.

 

img 0605 

Oui, il y a encore quelques cendres incandescentes sur mon étagère…

 

N’oubliez jamais

gertruderose

&

gertrudenoire