Gertrudomètre N°19: Cézanne par Mézigue

 

Cézanne par Mézigue:

Le Capitaine risque la croûte

en fromage à Cézanne.

 

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Des vertus de la vision  daltonienne et de l’approche couillarde sur les révélations de

La Vérité en Peinture :

 

Cassez vos bésicles et écartelez-vous l’œil sur la résistance du Maître.

Mesurez l’écart entre le Modèle et ses représentations.

Rouge à babord, vert à tribord,

gardez le cap

de la Sainte Victoire.

 

Article dédié à V. remarquable oculiste, promeneur daltonien sans adhérence.

 

le-blog-a-vincent.blogspot.com

&

sites.google.com/a/excentric-news.info/sous-le-clavier/accueil/cezanne

 

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JC, 2011, Cézanne par Mézigue,
Huile sur toile d’après Nature morte, crâne et chandelier de Paul Cézanne,
ancienne paire de lunettes cassée du Capitaine, chaînettte en métal, photographie numérique,
16 x 22 cm

 

 

Quel que soit le maître que vous préfériez, ce ne doit être pour vous qu’une orientation. Sans cela, vous ne seriez qu’un pasticheur.

 

Paul Cézanne, Lettre à Charles Camoin, décembre 1904

 

Et petit clin d’oeil amical à JK, si elle passe. 

 

Cela fait trois ans et demi

que Gertrude est en ligne.

Commencerait-elle à s’encroûter?

 

Gertrude Rose

casse la croûte

Gertrude Noire

croque la Pomme 

 

Auto-Oscopie N°2: Naître

 

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Je suis née morte ou presque morte.

 

Je me plais à le croire. Je ne m’en souviens plus, ma mémoire tient à celle de ma mère.

Cette dernière raconte que je suis née, étouffée et bleue, le cordon ombilical noué autour du cou, et qu’il a fallu me ranimer avec des claques.

 

Cet événement a pris dans mon esprit la précision des choses non vues. Je peux ainsi revoir en détail le corps bleu et gluant, la chose l’enserrant, fascinante et étrange comme un serpent.

Le champ de ma vision est envahi par le cordon, ce lien mère à fille, corps à corps, ni tout à fait l’une, ni tout à fait l’autre ; il prend allure de chair monstrueuse, mise à jour, mise à mort, prête à tuer avant d’être tranchée.

L’évocation de cette menace, vaincue par mon premier cri, a une dimension quasi mythique dans ma petite histoire ; elle m’a toujours plu : celle, presque rassurante d’avoir touché la mort en préambule à la vie comme garantie de son aboutissement.

Je crois bien connaître cet épisode depuis toujours, comme si sa conscience n’attendait au fond de mon esprit que quelques bribes d’entendement d’enfant pour en crever la surface et pour me lier à ma naissance ; si bien qu’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fière de ce que je voyais comme une particularité qui me distinguait des autres mortels.

 

Est-ce l’événement lui-même ou la légende que j’ai construite autour, qui s’est imprimé dans mon destin ? Toujours est-il que j’ai toujours eu la conviction de ne pas avoir surmonté l’épreuve pour rien. La vie avait donc à découdre avec moi, et moi à découdre avec la mort.

Cette dernière a toujours été le point central de ma conscience ; bien à l’abri derrière la façade de la petite fille drôle (qui faisait rire tout le monde avec ses airs de garçon manqué) elle restait pourtant assise sur mon estomac et m’abîmait dans des océans de terreurs à l’idée de la disparition possible de mes proches, bien plus que la perspective de ma fin.

J’ai ainsi toujours eu le sentiment de vivre en sursis, de ne jamais profiter pleinement de l’instant présent, mais de me trouver toujours dans l’espace intermédiaire de l’attente d’une catastrophe imminente.

J’ai, parfois, pu me laisser envahir par ce sentiment au point de rentrer dans une forme de catatonie, une presque-mort, arrêt face à la chose à l’affût.

 

Depuis, j’ai élaboré quelques solutions à ce décalage, parfois handicapant en société, entre l’instant présent pas tout à fait vécu et l’anticipation du moment redouté, dans une forme de cloisonnement : Une partie de moi est présente à ce que je fait, l’autre, mise au secret, mène sa vie autonome, creuse son trou comme le moine trappiste creuse sa tombe, tout en respectant un certain pacte de silence avec ma raison, prête, cependant à hurler dans ma tête dès que ma vigilance défaille dans l’obscurité du sommeil.

 

Ainsi, je suis née dans un cri étranglé : Intermédiaire vacillant entre inconscience de la vie et perte de l’insouciance de son arrêt imminent.

 

La naissance est un traumatisme, dit-on ; est-ce celui de s’arracher du ventre et de l’horizon clos des perceptions pour se trouver face au vide? Ou simplement celui de tendre vers la conscience ? Autant de questions de ma naissance parvenues à ma co-naissance le jour, où, à mon tour, je fus mère.

Ce jour-là, l’apparition de l’être qui est soi et qui, de seconde en seconde, ne l’est déjà plus, prit le sens du miracle ; mais aussi de la catastrophe.

Je vis, à cet instant, toute l’architecture de mes petits murets protecteurs s’écrouler dans un chaos indescriptible, où mes pires terreurs libérées se mêlèrent aux jouissances les plus intenses.

La logique bien ordonnée de la vie, construction patiente de mes petits égoïsmes, fut balayée d’un coup dans la déchirure du ventre, et de sa dépendance illusoire à l’œuf de ses enveloppements merveilleux.

Ce petit être brutalement mis en dehors, en devenir de soi, me mit hors de moi.

Son corps et ses sensations, d’une imprévisibilité extrême, m’échappèrent d’emblée, tout en m’arrachant les entrailles.

 

Sa chair si présente, si vulnérable, si émouvante envahit l’espace de mon désir, mais ouvrit à nouveau le gouffre sous mes pieds incertains.

 

 

Survivre devint à jamais un vain mot dès lors que l’autre, né de ma chair, mourrait.

 

Gertrude


 

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  Gertrude Rose

voit la Vie en … Rrose

Gertrude Noire

plonge dans les marécages

 

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JC, Le Cordon de Gertrude,
divers tissus tressés, argile,
longueur: environ 9m
 

 

Gertrudomètre: Dix-huitième version

 

 

Gertrudomètre n°18

ou

Le Tête-à-Tête du

 

Néant

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  Objets ready-made trouvés sur un trottoir non loin de Pigalle,
vestiges d’un lieu mythique et disparu du XVIIIéme arrondissement de Paris,
futurs accessoires indispensables des performances gertrudiennes à venir.

 

 

Le Capitaine vous invite en tête-à-tête

à boire un verre de mauvais goût

sur son vaisseau fantôme

et à tenir quelques propos vaseux voire toxiques sur le concept sans contenu

du récipient à moitié vide ou à moitié plein.

 

Toutes les devises sont acceptées

 

Cela fait trois ans et cinq mois

que Gertrude tient son petit cabaret

 

 

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Crazy Rose

ouvre sa boîte privée

et

la Noire

mène la revue

 

Pour participer au  spectacle féerique du Moulin Gertrudien

Inscrivez vous au Casting du Jeu de la Vérité

 gertruderose@lavache.com

 

1er Défi*: Gertrude raconte des salades

 

Gertrude à l’état de légume 

 

Plaiethore l’a rêvé

 

Le Capitaine l’a fait

 

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Modeste hommage betteravier à Dimitri Tsykalov (collection particulière)

 

L’Os n’était pas comestible

et le combat fit rage.

La Belle finit en salade, et seul subsiste le témoignage virtuel de cette lutte acharnée à l’Âme blanche.

Au

Saigneur Plaiethore

 

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*Gertrude se dégage de toute responsabilité quant aux défis improbables lancés avec inconscience par ses interlocuteurs.

 

2ème Défi

sur

gertruderosecelavi.over-blog.com

3ème Défi

sur

https://juliettecharpentier.fr/gertrudes

 

Gertrudomètre: Dix-septième version

 

Histoire

d’un ready-made insolite

au sourire secret

 

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JC, 2011, Gertrudomètre n°17 ou Ready-made insolite,
bouteille en verre bouchon en liège, dé en os, achetés le 30/04/2011 sur le vide grenier de la rue Caulaincourt, Paris 18ème,
épingle d’entomologie, encre sur papier,
H:14 cm, diamètre: 6 cm

 

Fin de journée ; fin d’avril…

 

La tiédeur de ce samedi ne sait pas encore s’il faut céder la place à la fraîcheur du soir. Encore deux ou trois étals de ce premier vide grenier de printemps et je fais demi-tour.

Je n’ai rien trouvé : pas un seul de ces petits objets n’a su me sortir de ma torpeur ; pas même ce petit cadre à verre bombé et sa vierge en plâtre dont le prix, trop élevé, a clos définitivement le destin dans la poussière des vieilleries.

Je m’arrête devant une dernière table surchargée ; sûrement pas pour le fatras qui s’y entasse… Est-ce pour le sourire du vendeur que mon indifférence feint de ne pas avoir remarqué ? J’ai cependant bien vu l’œil qui m’attend.

Je reste là, indécise. Ma main se pose négligemment sur un objet ; je m’en saisis, le secoue. Il est juste cocasse : une bouteille de verre, sûrement un flacon de chimie, fermé par un gros bouchon en liège ; à l’intérieur, un dé usé en os. Je secoue encore : le dé fait un joli bruit dans le verre.

 

Le vendeur prend la parole :

       C’est drôle, dit-il, tout le monde s’intéresse à cet objet. Et à chaque fois, les gens secouent cette bouteille.

Je pose bêtement la question dont j’ai déjà la réponse :

       Pourquoi un dé enfermé dans une bouteille ?

       Pour la question, répond le sourire qui s’élargit, cette bouteille est là pour arrêter les passants.

L’homme commence à me plaire.

       Je vous l’achète, lui dis-je sans prendre aucun temps de réflexion

       Je ne vends que l’ensemble.

       Je le sais déjà. C’est combien ?

       Trois euros : un euro pour la bouteille, un euro pour le dé, un euro pour l’insolite…

Et ce qui est le plus important, c’est l’insolite, rajoute-t-il.

Ça aussi, je le sais.

Et lui, de rajouter encore :

       Vous savez, vous faites une bonne affaire, d’habitude c’est le dé qui fixe le prix, et il a la fâcheuse tendance de tomber sur le chiffre six.

       Nous faisons tous les deux une bonne affaire, lui dis-je en lui tendant ses trois euros.

 

Ce que j’omets de dire, c’est que dans ce flacon, j’emporte quelque chose d’inestimable que Gertrude aura tôt-fait d’épingler.

 

Le sourire, lui, brille par sa gratuité.

Celui que je lui rends n’est pas volé non plus.

 

La Rose et la Noire

sont toujours de la partie

 

Auto-Oscopie N°1: Écrire…

 

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Écrire .

Former les lettres du mot le rend déjà redoutable.

Et pourtant, malgré la guerre que me déclare ma propre appréhension, et la résistance chaque fois renouvelée de la page à entamer, l’envie d’écrire me tenaille.

Sachez bien que je n’emploie pas là écrire dans le sens noble : il n’y a, dans mon intention, aucune envie de briller ni de « réussir » dans cette activité. Écrire est déjà bien assez douloureux…

Mais quelque chose, là, au fond, demande à être craché et se retrouver signes serrés et organisés, pour prendre sens dans l’étrange immédiateté de la lecture.

Il me semble que l’écriture, bien au-delà du simple traçage de lettres en mots, puis en phrases, et du petit miracle de cette mise en signes des formes et des pensées, nécessite la pleine conscience de l’acte. Écrire pourrait être en effet une fonction naturelle de plus, et en rester là ; dans le confort des utilités .

Si ce n’est que l’acte perd toute innocence quand il devient un choix, choix qui proclame « J’écris » et qui implique de ma part une présence absolue.

Écrire devient un médium, au même titre que le dessin, la peinture ou la photographie, dès l’instant où je décide sciemment de l’affronter ou d’éprouver sa résistance, autant que de m’y laisser aller (ou mourir) toute entière à en être possédée.

 

Je n’ai probablement jamais cessé d’écrire depuis le jeune âge où j’appris à tracer les lettres et construire les mots sur du papier, avec le bonheur magique de reproduire ce que mon œil lisait comme une révélation miraculeuse. Je sais qu’enfant du « bout du monde », vivant  dans l’éloignement d’une contrée originelle et fantasmée, j’écrivais beaucoup. J’entretenais en particulier une abondante correspondance avec une nébuleuse d’amitiés d’enfants laissées au bord du chemin des nombreuses pérégrinations outremer de mes parents . Le service postal, comme une machinerie merveilleuse , permettait la mobilité des mots d’un pays à un autre, à travers toutes sortes de péripéties que j’imaginais aussi palpitantes que les romans de Jules Verne. Ce mystère fut à son comble lors d’une chaîne épistolaire à laquelle je participais et par laquelle j’échangeais chaque semaine des cartes postales avec des enfants inconnus de différents points du globe.

 

Mais rares furent pour moi ces moments d’écriture désirée, décidée en tant qu’écriture à part entière, où chaque mot est pesé, façonné pour devenir une expérience inoubliable, un cadeau destiné au Lecteur « rêvé » ; ces instants de grâce et de partage dans l’acceptation totale « d’être » cette écriture et d’être lue comme un livre ouvert.

Ainsi, j’ai le souvenir d’une rédaction écrite à l’âge de huit ans, où je décrivais, avec moult détails et une dévotion certaine, mon grand-père, homme modèle parmi tous les modèles. J’avais, dans ce texte, mis un soin tout particulier à détailler sa ressemblance frappante avec la momie de Ramsès II vue lors d’un récent voyage au Caire ; Ramsès II, impressionnant d’éternel par son sommeil paisible, mais à la fragilité suspendue au geste du bras replié sur l’épaule dans un rêve arrêté. Je plaçai ainsi tout naturellement mon aïeul parmi les légendes, dans une sphère qui n’était plus tout à fait celle des vivants, ni encore celle des morts, peut-être dans ce vestibule merveilleux qui est celui des icônes.

Mon professeur, personnage sans véritable réalité que je n’avais jamais rencontré car j’étudiais par correspondance, en fut très impressionné, mais ne mesura pas, je pense, toute la portée de cette comparaison.

 

J’ai retrouvé également, au fond d’un vieux carton, une nouvelle écrite à l’âge de quatorze ans, écriture appliquée et écolière à l’encre bleue sur un papier quadrillé relié par des fils. La nouvelle s’intitule « Monsieur Dupont a des remords ». Elle relate une histoire vraie, rapportée par un de mes oncles qui la tenait de son tailleur juif, ancien déporté. Le récit absolument atroce, où la mort se présente sous ses plus abominables oripeaux, où la nature humaine se révèle  dans ses aspects les plus sordides, tomba dans mes jeunes oreilles comme l’incitation impérieuse de le coucher sur le papier, de le conjurer, voire en neutraliser l’horreur par un acte d’écriture.

 

Je connais toujours ce texte. Comment aurais-je pu l’oublier ? Mais à ce jour, je n’ai encore pu en relire les lignes écrites il y a si longtemps.

N’étais-je pourtant pas, moi-même, le lecteur auquel je destinais ce texte à travers le temps ? Un lecteur de maintenant dont le temps n’est pas encore venu.

Car, si à cette époque, j’écrivais avec l’inconscience de ma jeunesse, tournée vers ce futur si vaste, en amont d’une vie infinie, il me semble, à présent retourner mes yeux vers l’arrière. Écrire maintenant revient à se projeter vers l’aval d’un présent où je ne suis plus tout à fait, faire trois pas en avant vers là où je ne me trouve pas encore, mais dans un lieu que j’occupe déjà.

 

 

Depuis trois ans et quatre mois, je m’appelle Gertrude au gré des mots, mêlant mes souvenirs  au vide d’une boîte contenant tous les possibles. Je me joue de la fiction et joue la confusion, provocation que j’adresse à moi-même à travers mes lecteurs virtuels :leurs yeux sont autant de miroirs qui me renvoient à l’abyme.

 

 

Gertrude


 

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Gertrudomètre: Seizième version. Le G.P.S.

 

Le G.P.S.

OU G(ertrude).P.S.

 

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JC, 2011, Le G.P.S., (Collection particulière),
tour Eiffel miniature en métal peint, baleine de parapluie, fil de laiton, poids en plomb, argile, composants électroniques, papier de soie, encre,
hauteur: 20 cm

 

 

Outre ses capacités

électroniques et virtuelles

à maintenir l’ordre chaotique

des circulations poétiques,

cet appareil de mauvais goût

possède une antenne

à champ de baleine à parapluie

d’une portée inouïe de 787 kilomètres.

 

Neuf d’Avril en Onze: L’Exception au Capitaine n°4

 

Le Destin des Perles
est bien d’être enfilées

 

photos-gertrude2 1494JC, 2011, Le collier du Capitaine, argile, fil élastique, dimension variable.

 

Il y a quelques années, je parcourai plus de cinq cents kilomètres pour retrouver Gertrude, avec la faim au ventre de revoir ce crâne faussement oublié dans une caisse au fond d’une cave.

 Gertrude m’attendait, l’os intact, dans toute la splendeur de ses certitudes, sereine, insolente de son obligatoire résurrection.

 Pourquoi ce jour-là plutôt qu’un autre ?

 Toujours est-il que j’allai chercher Gertrude et l’exposai en pleine lumière.

 Je venais de passer plusieurs années à travailler un objet absent, une vacuité que je berçais dans mon inconscient : des peintures et des modelages, Bibelots et Perles, Creux et Néant pointés à l’extrémité de mon pinceau ou de mes doigts.
Je me confrontais à cet informe sans avenir ni passé, m’acharnant à donner chair à ce Rien patatoïde.

 Les Bibelots furent des heures de glacis sur le miroir de la toile, jouant le fragile équilibre d’une illusion d’épaisseur. Le Bibelot était un ventre que je caressais au pinceau, une incarnation huileuse, incrustée dans une matière sans queue ni tête, intérieure et extérieure tout à la fois, dans le fantasme total d’un dedans palpitant et écoeurant.

La vibration pulsatile rencontrait sa lente agonie à la jonction d’un fond et d’une forme qui, de leurs enlacements ambigus, se nourrissaient indéfiniment jusqu’à l’indétermination.

La répétition de mon geste pictural rendait l’exercice organique, le lavant, glacis après glacis, de toute pensée ou interprétation, endormant peu à peu mon œil. La peinture se déroulait comme un flux autonome à mon regard, irriguée et colorée par le sang de mes paupières baissées.

De la même manière les Perles naissaient au creux de mes mains aveugles. Mes doigts façonnaient l’argile, laissant leurs empreintes dans la matière, perpétuant ma chair dans cette mollesse, dans une inconscience bientôt figée.
Les Perles ne prenaient sens que dans le non-sens du trou dont je les transperçais, béance passive et inutile de l’ennui d’une petite fille lovée dans mon oubli.

La seule variable était le fil qui les traversait. Je pouvais arrêter sa dimension et décider de son élasticité. Le fil était maître de la Perle : il la perforait, la violentant de sa pénétration. Il l’entraînait dans ses cheminements, la soumettait à ses méandres, la bloquait entre ses nœuds.

Il lui signifiait ainsi que son seul destin était d’être enfilée dans le vide sidéral du temps égrené.

J’accumulais les Perles comme autant de gestes inutiles ; et à mesure que je multipliais ces objets dérisoires, et que je scellais leur sort autour d’un fil, j’en formais des amas inextricables que j’entreposais dans des boites, comme les entrailles que nous voulons bien ignorer, dont nous ne voulons surtout pas élucider les emmêlements vitaux .

Une variante des Perles consistait en boulettes de tissus que je réalisais d’un geste preste de retournement de boyau, opération savamment et longuement étudiée ; ces structures légères et feuilletées, douces et molletonnées, contenaient dans leurs épaisseurs certaines caractéristiques des perles au point de retrouver dans l’effilochage de leurs trames la continuité d’un fil tissé lien à lien. Leur moelleux transitionnel se situait entre la vibration du Bibelot peint et les effets accumulatifs des Perles. Je les nommais Mignonnettes, terme sans bord tranché, aux vagues résonances sexuelles où le « cul-cul » dispute au cul le terrain du scatologique.

Les Mignonnettes n’avaient d’intérêt que celui de révéler un geste qui était plus de la tripe que de l’entendement : enroulement aponévrotique que soulignaient parfois les motifs du tissu, extraction triturée et tubulaire d’un corps de peinture. Au bord de ma conscience, elles étaient manifestations de mon organisme machinal enfermé dans les cycles de ses rouages.

Gertrude, longtemps enfouie dans le noyau de ce processus, nichée muette au cœur de ma mémoire picturale, œil de mon cyclone, reparut, exhumée, lumineuse, si évidente.
Je pus croire que, par son retour impérieux, elle donnerait physionomie à la surface du vide, tiendrait tête à ce corps paradoxal…

Qu’elle serait finalité à l’absurde de la chair.

 

9__bibelot_huile_papier_30x40cm.jpg18__bibelot_huile_toile_30x40cm.jpg42__sans_titre_acrylique_et_vernis_papier_50x65_cm.jpg

JC, 1992-2002, Bibelots, Huile sur toile, 30 x 40 cm et 45 x 62 cm

toile 10x15cmJC, 1998, Série de Bibelots, Huile sur toile, 10 x 15 cm

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JC, 1998, Perles, argile, fil élastiques, dimensions variables.

 

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JC, 1998, Bibelot et Mignonnettes, installation , Huile sur toile, toile enroulée, dimensions variables.

 

mignonet1.2_detail.jpg21__mignonettes_tissus_enroules.jpgJC, 1998 et 2002, Mignonnettes (détails) , toile et tissus divers enroulés, dimensions variables.

 

La ROSE
joue les concierges
et la NOIRE
prend corps

 

Prélude à l’auto-Oscopie d’une boîte de nuit

 

Certes,

une boîte crânienne

est un objet creux.

Mais il serait temps

de regarder à l’intérieur.

 

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  JC, 2011, détail de La Boîte de Nuit

 

Bientôt la Boîte de Nuit de Gertrude

ouvrira ses portes

pour quelques séances auto-Oscopiques.

 

Cela fait trois ans et trois mois

que Gertrude est en ligne

 

 

Et le spectacle continue.

 

 

Tout le monde en parle

même

Gertrude Rose et Gertrude Noire.