Huit ans : Le chiffre dans l’appeau

 

 

Cela fait huit ans

que la Crâneuse et Gertrude

tatouent le derme artificiel du virtuel

en circuit fermé

 

J a G dans la peau

et 

G a J dans l’appeau

 

Huit ans : Le chiffre dans l’appeau

JC, novembre-décembre 2015, J/G dans l’appeau,

broderie en fil de satin sur suédine (faux cuir),

23 x 14,5 cm.

 

 

Rose au petit point

 

 

Cela fait sept ans et huit mois

que Gertrude se prend pour une Rose

 

 

Rose au petit point

 

Le plus bouleversant fut sûrement la vue de ces petites choses dérisoires et intimes, brosse à dents debout dans un verre, gant de toilette toujours accroché au lavabo, médicaments… Et son lit.

Un lit fait, bien tiré ; draps à fleurs et chemise de nuit pliée pour un prochain retour qui n’a jamais eu lieu. J’écartai les draps de coton pour y glisser ma main, comme pour prendre contact avec l’absence encore irréelle.

À la tête du lit, un seul objet accroché au mur : une rose encadrée d’ovale que je crus imprimée sur la toile ; mais à la regarder de plus près, puis chez moi à la loupe, je vis que le motif était réalisé au petit point, au minuscule petit point d’un fil.

Les tâches sur la toile, visiblement ancienne, n’enlèvent rien à la délicatesse du travail ; le statut d’objet élu, seul à la tête du lit, indique l’importance que Madeleine donnait à ce petit canevas,  que j’imagine être l’œuvre d’une jeune fille, Jeanne, sa mère, ma grand-mère (j’hérite de sa belle petite encyclopédie d’ouvrages de dames) ou de Mélanie la couturière, mon arrière grand-mère.

 

 

 Juliette Charpentier, Le Cahier de Jeanne, 2015 (extrait)

 

Rose au petit point

 

 

 

Le coeur à l’ouvrage

 

Cela fait sept ans et sept mois

que l’ouvrage de la Crâneuse

est sur le métier

 

Le coeur à l'ouvrage

 

Ce fut une expérience étrange que celle d’ouvrir les tiroirs , les armoires, les boites, de toucher les objets, le linge de la personne en même temps proche et lointaine de ma tante qui sous des apparences lisses préservait si bien son intimité. Comme ma sœur me le fit remarquer, nous étions à la rencontre de cette femme dont nous ne savions presque rien et dont la personnalité se confondait pour nous avec la seule affection qu’elle avait à notre égard. Nous lui découvrîmes là peut-être une complexité et une opacité insoupçonnées à travers des correspondances, des photos qui garderaient à jamais leurs secrets.

 

Madeleine aimait tricoter, coudre, broder ; j’ai récupéré ses aiguilles, son fil, ses ciseaux, ses dés à coudre ; je garde précieusement un petit étui rouge qui, j’imagine, ne quittait pas son sac à main, tel le baluchon d’une petite poule rousse d’un livre de mon enfance, prête à toutes les reprises, prétextes à l’amitié.

 

J’ai accroché sur mon mur parisien un beau tableau patiemment réalisé au point de croix ; je ne passe jamais devant sans y jeter un regard. Car un ouvrage m’attend, celui qui était tout préparé dans un tiroir, le prochain à faire sûrement, comme un défi à mes petites compétences de brodeuse débutante. Je le finirai et l’accrocherai aussi ; peut-être y laisserai-je une discrète marque du crâne…

 

Juliette Charpentier, Le Cahier de Jeanne, 2015 (extrait)

 

Aujourd’hui Gertrude et Gertrude Noire

font exception au Crâne

mais restent exceptionnelles

 

G suis en vain

 

Je/G suis sur Internet

depuis sept ans et quatre mois

Gertrude loin d’être essorée

continue à essuyer

les plâtres de ses facéties

Mais que compte-t-elle éponger ainsi

si ce n’est envoyer sa since

de manière anecdotique ?

 

JC, avril 2015, G suis en vain, collection particulière, broderie et application de toile de jute sur serpillère, dimensions indéterminées.