LOIN DE L’OS
PRÈS DE L’EAU
C’est très bien de copier ce que l’on voit ; c’est beaucoup mieux de dessiner ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire.
Edgar Degas
Le Capitaine rêve en pastel, attention les dégâts!
… ou
voyage au centre
d’un cône géographe
Le Capitaine,
parfois reprend la mer
à la recherche de ses rivages oubliés,
se perd à l’orée
de quelques topographies nacrées,
s’énivre du chant des coquillages,
pour cogner son crâne impuissant
aux splendeurs naturelles.
JC, Études sur un cône géographe, huile, mine de plomb, sanguine, pastel, toiles, papiers, formats divers
Je dédie ce voyage en palette nostalgique
à Marguerite
dont je sais les navigations si proches des miennes.
La Rose?
Elle se moque encore…
La Noire?
Elle annonce la couleur.
Gertrude s’est relevée cette nuit pour
touitter
Éternelle insatisfaite
Gertrude décide de partir à la conquête
des voies mystérieuses des réseaux virtuels
à la recherche de quelques absurdités supplémentaires
à lancer dans l’espace impalpable.
Rejoignez NoireGertrude
et lachez vos brèves autour du comptoir de l’Os:
JC, mine de plomb, 13 x 21 cm
Nacres de chair
Au secret des roches humides
Replis alanguis
En sable fondant
Lèvres irisées glissant
En volutes
Sur le tranchant des commissures
Epouse infidèle des spirales
Bijoux soyeux
Aux courbes liquides
Tendres splendeurs des pierres
À l’inconscience attentive
Offertes sous mes pas voyeurs
Folies calciques
De mes desseins
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Mes propos seront trop courts,
car le temps m’est compté. Je n’en connais pas la somme; c’est cet insu qui m’en fait prévoir l’issue, et cette incertitude qui décompte mes comptes.
Gertrude me fait face. Et cette face d’objet crâne sera plus pérenne que la mienne ; mais le sujet Gertrude, à qui je fais face, se noiera avec moi sur la surface de l’oubli. Je compte mes mots ; je sais qu’ils seront toujours plus courts que mon temps imparti, même un temps parti une seconde plus tard.
Mes propos seront décousus,
car chaque jour voit ma chair se défaire de ses coutures initiales et m’oblige à composer avec la décomposition. Je repousse et surjette la nécessité de voir dans mes plis la déconfiture aveugle qui n’appartient qu’aux choses. Je brode devant la mâchoire cousue de Gertrude.
Mes propos n’auront aucun sens.
Je ne peux que le vouloir ainsi. Je vais dans le sens de la Mort qui n’a aucun sens. Mon sens commun pourtant lui donne sens dans l’inconnaissable et je me force au bon sens de ne jamais la comprendre. Gertrude se moque de la Mort dans l’absence mémorielle que je lui impose, dans le vide sensoriel qui lui donne tout son sens.
Mes propos seront incohérents.
Vous en apercevrez rapidement les effets sous l’apparente logique du texte. Comme la cohérence de ma vie tient à la fausseté de sa logique, la cohésion des cellules maintient ma précarité biologique. Le rythme bien réglé de mes fonctions vitales orchestre les balises des petits départs et pose les bornes identifiables de mes aboutissements. Gertrude est un motif roulant sur le néant, m’entraînant dans la lutte contre les simulacres de sa dislocation.
Mes propos seront absurdes.
Vous chercherez vainement les raisons pour lesquelles je les tiens. Raisonnablement, vous ne pourrez en retenir que les moins raisonnables. Il n’y a aucune raison d’écrire sur la Mort, car la nommer est absurde, aussi absurde que de ne pas en parler. Mais, raisonnablement, que vient faire Gertrude dans un tel raisonnement si ce n’est donner raison à une telle absurdité.
Mes propos seront idiots,
car je ne peux aborder la Mort avec intelligence. La Mort n’a rien à comprendre, n’est rien que je puis savoir. L’inconscience inerte me permet de la toucher, l’innocence me place à sa frontière. Seul le vide peut regarder sous ses yeux clos. Dans le noir je cherche le corps siamois de Gertrude, la jonction que la conscience me refuse.
Mes propos seront superficiels.
Légèrement, ils se poseront à la surface de l’essentiel et n’attaqueront pas le derme de l’ignominie. Ils caresseront l’or de Gertrude avec mon pinceau, effleureront ses contours de mon crayon. Contournant la forme, ils ne feront jamais détours par le fond. Délicatement je pomponne un crâne ; sous ses apparences, je masque ma réalité.
Mes propos seront provocants.
Rassurez-vous, je n’ai pas la prétention de vous provoquer ; cette faible impertinence ne provoquerait que compassion à mon égard. Quant à la Mort, son pas est bien assez provocant pour provoquer ces propos et m’interdire toute provocation à son sujet. Non, c’est moi que je provoque, car ma pauvre insolence ne peut que soulever les vagues de ma terreur, ne peut qu’aligner les mots d’une fiction. Gertrude est la provocation des petites morts.
Mes propos seront arbitraires,
autant que les mots que je viens d’écrire. Rien ne m’obligeait à les écrire, rien ne vous obligeait à les lire. J’affirme cela; qu’importe que cela m’importe, ou que cela vous importe, ou que cela soit n’importe quoi. Comment pourrait-il être autrement que ce point de vue arbitraire, et qu’arbitrairement je prends pour singulier, alors qu’il ne l’est pas, sur une généralité choisie arbitrairement pour nourrir mes gratuités à propos d’un crâne qui n’a pas demandé à être nommé. Je vous garantis, mais cela n’engage que moi, qu’il y a bien plus de neuf raisons de ne pas écrire ces mots ; mais je préfère m’arrêter là. Je n’en mourrai pas, Gertrude.
Juliette Charpentier,
Photographies DV,
JC vue de dos
version en négatif
1978/2008