Le calendrier de Lard Vain. Deuxième jour: 04/12/2023.

 

Jour 2:
Danser sur la Toile à en perdre la laine!


JC, novembre 2023, Jour 2, laine feutrée à l’aiguille, 6 x 7 cm.

Et si vous hésitez:
Avertissement: Les réalisations de la série « Le calendrier de Lard Vain » sont des interprétations ludiques et approximatives aux procédés improbables et inappropriés des œuvres d’art citées. Elles ne doivent en aucun cas être prises au sérieux.

 

À demain!

 

Le voyage immobile du Tatou mobile.

 

Le Tatou croco de faux cuir revêtu rêve de montagnes acryliques derrière sa vitre rhodoïd. Muni de cannes à pêche, il file comme un rat mort en laine pressée, et roule en boule dans un cylindre d’écailles miroitantes.
Balançant au passage perles et verroteries aux crochets du Capitaine, il ramasse tête à queue et quatre pattes éparpillées en folie plastique. Son corps enfin articulé frôle les yeux doux des broderies reptiliennes, rebondissant sur le corps mou des mots cotonneux .
Au bout du chemin le fil hommage du faire Calder dessine Tatou en l’air face à la sainte tête tatouée paperollée tandis que la silhouette de la bête, or et argent, danse le recto-verso dans la lumière.
Voyage immobile en fragile équilibre dans l’espace, il est temps de se reposer tout ficelé dans son tuyau carapace.
Et tournent les ombres sur la surface du mur blanc …


JC, 2022-2023, Le Tatou mobile (collection particulière). Tiges acier, fil de nylon, matériaux et objets divers. Hauteur: 180cm

Cela fait exactement
quinze ans et quatre mois
que ça bouge chez Gertrude
mais que c’est toujours là.

Je de main, Jeu de Vain ou la mise à l’Index de l’Os et du Tatou.


La Crâneuse, l’œil, l’esprit (c’était tentant) et les dix doigts en alerte, toujours prête à relever les défis et mobiliser son cerveau lent pour les tortues pédagogiques, affiche ici l’Index (voir ci-dessous) de ses jubilations taxinomiques, os-cessionnelles et textuelles.

Elle poursuit ainsi le jeu interactif de torsions didactiques à vain doigts instauré depuis quelques mois avec la Professeure H.*

Après des hauts et des bas, la proposition est de relever le débat pour « Se tenir par l’index ».

Mettre le doigt dans l’indexation d’un tel sujet c’est bien sûr y jeter le Tas de tout avec l’Os du Vain avec le risque de se perdre dans les canalisations carpiennes.

*Les recherches scientifico-artistiques trépas sérieuses sur les terra incognita de la Grande Didactique du bouger des lignes tordues de la Professeure H et de La Crâneuse (complices de longue date de la langue bien pendue, espérant bien candidater pour le Prix du Bernard (l’Hermite) des Champs) seront bientôt révélée au grand jour ici et ailleurs (à suivre).

JC, La mise à l’Index de l’Os et du Tatou (Collection particulière), matériaux divers et technique mixte, dessins, texte, pochettes plastiques, plateau en bois. Environ 1,5 x 25 x 35 cm.

 

INDEX
(Se reporter au schéma ci-dessus)

1- L’authentique index droit de la Crâneuse, celui qui pointe et désigne sans artifice, inversé en photographie sur papier glacé pour se donner un air gauche.

2- Le cas lent du rire des dix doigts de fait (mal faits, bien faits et pas faits sans équivalence) bien rangés en papier de soie et ne tenant qu’à un fil, à feuilleter avec son index et ses ongles laids, pour découvrir parmi maints doigts : le pouvoir de l’index bagué de tatou sans lequel rien ne tiendrait, même pas le petit doigt ; le pouce qui en pince pour l’index ; le majeur pointant le ciel en rivalité avec l’index mais dont les intentions restent floues ; l’auriculaire spécial orifices, toujours en quête de chair humaine, déguisé en index pour parvenir à ses fins ; un annulaire incognito et inutile car privé du pouvoir de l’anneau usurpé par l’index.

3- Le papier de soie sonore en soi, occultant les saints doigts du cas lent du rire des doigts de fait.

4- L’anneau attirant du pouvoir de St Index dans l’amour aimant du Tatou interchangeable qu’il faut glisser à son index chaque trois du mois, jour de jubilation de Ste Gertrude.

5- Les saints Tatous aimants interchangeables pour anneau attirant.

6- Le fil de faire sans lequel la chute de St Tatou dans l’oubli serait inéluctable.

7- Les ongles laids, peints à la peinture à l’os, artistiques et plastiques, essentiels aux maints doigts (à coller à la morve pédagogique et non à la colle aux doigt) pour feuilleter en soi le cas lent du rire des doigts de fait.

8- La colle pour faux ongles laids en plastique, élément indispensable à la cohésion sans cohérence, à l’adhérence sans adhésion mais dont le manque de traçabilité nous incite à la prudence quant à un usage sur son corps beau.

9- Le ruban adhésif anti-punaises qui colle la colle au cadre, à décoller en cas d’urgence chaotique et de danger imminent de décollement de marge.

10- La véritable rognure d’ongle de l’index droit de la Crâneuse et son certificat d’Os tant si cité.

11- Al esived ed al esuenarC li’uq en tauf sap tuotrus repuol ceva as epuol.

12- La loupe crâneuse pivotante au profil gertrudien qu’il ne faut pas louper avec son cerf-volant hypertrophié.

13- La punaise de lie de vain à tête pivotante dont la disparition pourrait ruiner la diversité pédagogique dans sa grande Cohérence mais qui persiste à nuire en langue de bois.

14- Le dispositif de suspension et d’ostension pour la révélation du St Index dans toute sa verticalité.

15- Le système installé par Capitaine Crochet pour tenir l’Index et ses desseins.

16- Les plastiques, protecteurs des arts du même nom, qui mettront 197528 années à se toto dégrader pour le plus grand bonheur des futurs archéologues nostalgiques du lard.

17- Les desseins de l’index indexés, voir Index.

18- Le cadre nécessaire à toute définition de l’objectif du sujet et qui cerne le sujet objectivement sans en marginaliser l’objet.

19- Le fond de ma pensée sans lequel toute forme de langue de bois serait visible.

20- VAIN EST L’INDEX, EN CE TAS, TOUT TIENT PAR L’INDEX.

Le cas lent du rire des dix doigts de fait, l’anneau et ses tatous interchangeables, la véritable rognure d’ongle de l’index de la Crâneuse…

Les ongles laids …

Élément non répertorié…

Cela fait exactement quinze ans et deux mois que Gertrude lève le doigt pour prendre la parole… en vain (et pour cause… un vain vaut mieux que doigt tu l’auras).

 

 

Tout vain à point à qui sait attendre*.


La Crâneuse, victime volontaire des tortues pédagogiques et des tatous mobiles, a pris un (pas) sérieux retard dans la réalisation de ses projets audacieux et compliqués.

Ainsi, en attendant le rendu de ses intentions finalisées, laissant le tant au temps, elle se tamponne l’os sans complexe à coup de vain :

Rien n’était prévu
mais rien ne sera laissé au hasard
(devise historique de Gertrude)

 

Aujourd’hui
trois février deux mille vingt trois
cela fait exactement quinze ans et un mois
que Gertrude
a toujours le temps
de vous consacrer du temps

 

*Sage conseil donné à C.H. complice pédagogique de la Crâneuse, prompte à pointer son docte index vers les manquements aux dés laids de livraison de l’objet du sujet.

Os et Tatou font la paire.


Gertrude a toujours rêvé d’un membre inférieur avec lequel elle partirait en goguette dans ses petites socquettes1

Voici donc Os et Tatou, l’haleine2 dans les chaussettes, dans les voies impénétrables3 du lard pour une partie de jambes4 en l’air où elles pourront collectionner saints5 et queues (cher Tatou n’y voyez là aucun mâle6).

  • 1- En souvenir des petites socquettes blanches que la Crâneuse portait enfant lors de ses séjours en métropole (preuve ici-bas).
  • 2- À pas feutré.
  • 3- Mais cousues de fil blanc.
  • 4- « Ça leur fait une belle jambe » dernier sujet donné par l’éminente Professeure H. Pour prouver ici que la Crâneuse est une bonne élève attentive, sérieuse et appliquée.
  • 5- Je ne vous présente plus Ste G. la tête en os en horreur de saint tété. St J. , quant à lui, est Junien un saint véritable, ermite retiré dans la forêt limousine à ne pas confondre avec Ste Juju la termite crâneuse dans son moulin limousin.
  • 6- Ceci est une œuvre féministe bien que genrée et quelque peu cochonne.

    JC, novembre 2022, Os et Tatou font la paire (collection particulière), paire de socquettes en coton taille 27, laine feutrée, fil. Chaque élément : 13 x 23 cm.

    Cela fait quatorze ans et onze mois
    que Gertrude
    marche sur la Toile
    avec ou sans les pieds


     

     

 

L’os dans le gaz.

 

Depuis que le Tatou gazouille
que ça gaze en carapace
le crâne s’agace
et
il y a de l’os dans le gaz
Gertrude la Sublime
passe de l’état solide à l’état gazeux
en crânant dans la gaze
et ses images compressées



JC, octobre 2022, L’os dans le gaz et Ça gaze pour le Tatou, monotypes à la compresse* de gaze et acrylique sur papier*, 16 x 21 cm.
* Papier et compresses de gaz provenant de la maison des parents défunts de JC

Cela fait exactement
quatorze ans et dix mois
que dans ce blog
ça crâne
avec os et gaz à tous les étages

.

 

 

Les devoirs de vacances de la Crâneuse ou la collection maritime et coquillarde du Tatou fait de tout.

 

La Crâneuse en vacances ne manque jamais à ses devoirs. Cette fois la consigne est donnée par l’éminente Professeure H :

« À partir d’une coquille. »

Évidemment la consigne et la coquille valent pour un temps et un lieu donnés à savoir septembre 2022 au bord de l’amer bassin d’art cochon dont nous connaissons la richesse lit d’oral et l’inspiration lit et râle.

Chers interlocuteurs, vous trouverez ci-dessous les devoirs de vacances accomplis avec enthousiasme par votre Crâneuse collectionneuse ainsi que la grille de compétences élaborée par la Professeure H. en personne.
Vous avez ainsi tous les outils pour évaluer la pertinence du Tatou fait de tout.
(Même si vous ne comprenez pas tout du Tatou et de ce langage d’initiés bande de cancres-là.)

Les devoirs accomplis :

  • Mon premier est le tatou prêt en bulle en amorphe sphère contrôlée tapi dans son bul’eau à la laine chargée.

  • Mon deuxième est un tatou du tout trouvé et son bul’laine sur carapace.

  • Mon troisième est un tatou ready-mer à carapace tricotée et objet dard décoquilleur.

  • Mon quatrième et un tatou peint en coque dans la plus pure tradition du souvenir de l’os séant.

Mon tout est un tatou fait de tout et qui s’en tape le coquillard !

JC, septembre 2022, Le Tatou prêt en bulle, objets et matériaux divers trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon, laine feutrée à l’aiguille. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC, septembre 2022, Le Tatou du tout trouvé, objets et matériaux divers trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon, laine feutrée à l’aiguille. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC, septembre 2022, Le Tatou Ready-mer, Objet et coquillage percé trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC,septembre 2022, Le Tatou peint en coque, aquarelle sur os de seiche trouvé sur le littoral du Bassin d’Arcachon. Dimensions approximatives. Collection particulière.

 

La grille d’évaluation par compétences de Professeure H :
Grille universelle critique
ayant déjà fait ses preuves sur les étudiants en masse terre de la Professeure H.

Évaluations par compétences – Sujet Août 2022

COMPÉTENCES VISÉES, TRAVAILLÉES et ÉVALUÉES

 

DOMAINES DU SOCLE

 

-Choisir, organiser et mobiliser des trucs, des machins et de l’haleine iodée en fonction des effets qu’ils produisent sur le corps mou mais beau.

-S’en taper le coquillage.

 

 

Expérimenter, produire, créer du bon pied marin.

Domaines du socle : 1, 2, 4, 5

 

-Mettre les voiles et mener à bon port une production individuelle dans le cadre d’un projet accompagné par le Tatou Spirit, grand inspirateur maniable et sans fil.

-Mener à bon porc une production collective mijotée sous la conduite du capitaine au long cou.

-Mener à bon pore une production goutteuse sous l’œil humide mais averti de Gertrude, reine de la longue conservation (1).

 

 

Mettre en œuvre un projet de lard salé ou d’eau douce.

Domaines du socle : 2, 3, 4,7, 14

 

-Justifier des choix pour rendre compte du cheminement qui conduit de la coquille à l’ermitage, ou inversement.

 

S’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses paires (de chaussures à son pied) ; établir une relation avec celle des pagures, s’ouvrir à l’altérité crustacée.

Domaines du socle : 1, 3, 5, 26, 43, 25bis

 

 

-Identifier des caractéristiques (plastiques, culturelles, sémantiques, symboliques) inscrivant une œuvre dans une aire géographique de la côte aquitaine à la banlieue parisienne par l’entremise du livreur Chronopost et dans un temps historique du Quaternaire à l’Anthropocène.

 

Se repérer dans les domaines liés aux arts place Tic, être sensible aux questions agitées du beau cal et de la vulgaire croûte.

Domaines du socle : 1, 3, 92, 132ter alinéa 4, 368C (voir nouveaux programmes – réforme du collège 2023-2024), 3652a, 441702a et b.

 

Note (1) : Gertrude est aussi la reine de la longue conversation, voir http://juliettecharpentier.fr/gertrudes/ 2008 – 2022.

Cela fait exactement quatorze ans et neuf mois que Gertrude la bien conservée et grande conservatrice des collections du n’importe quoi, converse de ses droits et de ses devoirs.

La rentrée du vain si vain.

 

Avec toutes
ces doudouteries et ces tatouteries
on oublierait presque à quel point
Gertrude est une entreprise
bête, docte, pédante et absurde.

C’est la rentrée
et on ne résiste pas
à vous en mettre une petite couche
de l’art.
C’est vain si vain
mais c’est tellement bon…

JC, avril 2009, L’histoire du l’art, petite performance à partir de vieilles diapositives gravées publiée pour la première fois  le 3 octobre 2012 sur le blog de Gertrude (vous pouvez toujours chercher).

Cela fait exactement quatorze ans et huit mois que ce crâne vous fait la leçon
bande de cancres !

14 ans ou les états intermédiaires de l’Os.

 

Suspendue*
entre J et G
entre virtuel et réel
entre os et chair
entre matériel et immatériel
entre artificiel et artifice

entre être vivant et nature morte
entre sommeil et éveil
entre art et science
entre blog et blob
entre idiotie et performance
entre le chrono et le dernier métro
entre encensoir et repoussoir
entre obsession et détestation
entre la dérive et le rivage
entre image et imaginaire
entre la mer et l’amer
entre plume et plomb
entre elle et moi
entre l’âme et la lame
entre la mémoire et l’amnésie
entre histoire et légende

entre appât rance et attirance

entre absurdité et vérité
entre crâne et écran
entre éphémère et éternité
entre protocole et pot de colle
entre tête en os et os en tête
entre dessous et dessus
entre miracle et raclure
entre oeuvre et ouvrage
entre corps et corpus
entre reliques et liquéfaction
entre représentations et présence
entre vacance et vacuité
entre cliché et chez qui
entre référence et irrévérence
entre peur et fascination
entre diction et addiction
entre décompte et comptes à rendre
entre message et passage
entre article et artiste
entre peinture et Gertrude
entre taxinomie et taxidermie
entre temps et tant pis
entre cycle et recyclage
entre rire et larmes
entre objet et sujet
entre question et interrogation
entre texte et prétexte

entre motif et motivation
entre jeu et je
entre animation et inertie
entre cadeau et cas d’os

entre énigme et transparence
entre absorption et opacité
entre vous et moi
entre silence et conversation
entre nature et culture
entre mot et maux
entre sensible et sensationnel
entre lumière et obscurité
entre ricanement et grincement
entre forme et informe
entre crâne et oeuf
entre couleur et grisaille
entre neuf et neuve
entre structure et déliquescence
entre hasard et maitrise
entre écriture et décrépitude
entre plein et vide
entre interstices et sutures
entre unité et duplicité
entre Eros et Thanatos
entre aile et son double
entre rose et noir
entre néant et béant
entre rien et vain

Gertrude a maintenant
quatorze ans
en latence
entre enfance et obsolescence
intermédiaire
ad Os les sens
du Terme


JC, décembre 2021, Blob-Os, sclérotes de physarum polycéphalum sur papier absorbant.
Chaque élément : 8 x 10 cm.

Physarum polycéphalum, myxomycète unicellulaire de l’ordre des physarales 
familièrement appelé « blob » faisant actuellement l’objet d’études par le CNRS (Audrey Dussutour, chargée de recherche),
et particulièrement prisé par les enfants et les adolescents comme « être de compagnie », ici en état de latence déshydratée sorte de mise en sommeil en attente d’un éveil.

*Presque dans l’idée inframince et approximative de l’Inframince, concept duchampien. Hommage au grand MD toujours entre inégalable et inimitable.

 

En mains « ploples » ou le Je des mots : L’exception au Capitaine n°14.

 

« Juliette, comment sont tes mains ? »
À la question que mon entourage ne se lassait pas de me poser, je répondais inlassablement : « Elles sont ploples. »
J’avais environ quatre ans et je savais très bien dire le mot « propre » proprement. Mais remplacer les R par des L tellement plus liquides, plus bizarres, plus informes, plus intéressants à prononcer me procurait une satisfaction certaine ; les réactions d’hilarité que produisait l’effet comique de répétition m’amusaient beaucoup et m’encourageaient à poursuivre.

J’ai toujours aimé les mots, jouer avec eux, leur sens, leur plasticité, leurs possibles polysémies. Créer des associations entre eux, des collisions, des collusions, construire des phrases ou pas, ou carrément produire de la confusion grâce à eux.

Enfant, des jours entiers, je répétais intérieurement des mots ou des termes que j’avais attrapés comme des papillons sans forcément en connaître le sens, tout simplement parce que leurs sons me plaisaient ou que je leur conférais une autre signification.

J’étais une enfant sauvage et solitaire dont l’esprit était peuplé d’histoires, de conversations, de bricolages divers qui m’occupaient. Je ne m’ennuyais jamais et avec du recul, je m’aperçois que les mots jouaient un rôle certain dans cet univers personnel qui me suffisait amplement. À tel point que loin de briller, je devais renvoyer une image quelque peu demeurée en société au grand désespoir de mes parents.

Mon père n’était pas en reste pour jouer l’idiot à répéter à l’envi bons mots et calembours qui par usure ne faisaient plus rire que lui. Il adorait également modifier les noms propres, au point parfois d’oublier la version originale face à des personnes qui s’en trouvaient contrariées.
Chaque semaine il recevait Le Canard Enchainé et se délectait de sa lecture d’un bout à l’autre ; nous avions droit à tous les bons mots de l’hebdomadaire, titres succulents avec dessins ad hoc, contrepèteries croustillantes qu’on nous disait ne pas être pour nos oreilles d’enfants.
Ma mère, elle, faisaient les mots croisés du Canard, réputés des plus difficiles. Passionnée de littérature, elle recevait, au fond de la brousse malgache, la revue « Avant-scène » qui retranscrivait toutes les nouveautés théâtrales. Je les lisais après elle, je ne comprenais pas tout mais m’appropriais quelques tirades à déclamer pour moi seule.

La lecture était une de mes plus grandes occupations, celle bien sûr de livres accessibles à mon âge, j’avais entre huit et dix ans ; je m’intéressais également fortement aux ouvrages que mes parents laissaient sur leurs tables de nuit, à la recherche, quand ils avaient le dos tourné, de je ne sais quels mystères réservés aux adultes. C’est ainsi que vers neuf ans j’ai lu, terrifiée, « La Métamorphose » de Kafka, et été longtemps hantée par un corps de cafard incrusté de pommes pourries.

De la lecture à l’écriture il y a une logique. Je prenais beaucoup de plaisir à écrire, des lettres particulièrement destinées à ma tante ou à mes grands-parents. Je faisais également partie d’une chaine d’enfants de part le monde qui s’envoyaient des cartes postales ; j’écrivais à des inconnus et recevais des réponses en retour ; cela allait du petit mot aux vrais récits, j’aimais l’idée de raconter ce qui me passait par la tête à des personnes que je ne rencontrerais jamais.
J’avais environ huit ans et n’allais pas à l’école. Je suivais des cours à distance par le CNTE, ancêtre du CNED. J’avais par exemple écrit une rédaction fleuve où je faisais le parallèle entre mon grand-père que j’admirais et la momie de Ramsès II vue au Musée du Caire lors de notre dernier retour à Madagascar. Le professeur que je n’ai jamais rencontré avait été visiblement très impressionné.
Plus tard en classe de troisième, cette fois scolarisée durant une année en Gironde, je rédigeai une nouvelle sur une histoire atroce se déroulant dans les camps de la mort, récit qui m’avait été relaté par un de mes oncles et qu’il me semblait important de retranscrire. Cette écriture parmi d’autres que je réalisai en cours de français fut un moment particulièrement fort de ma scolarité. C’était en même temps un acte sérieux et une vraie satisfaction.

Mais ma plus grande révélation d’élève reste le latin. Mes sept années de latin furent une pure jouissance intellectuelle, l’épreuve de Baccalauréat sur le Satyricon de Petrone une apothéose.

Le latin était un jeu en même temps littéraire et scientifique, les traductions relevaient du défi et de l’enquête policière. J’étais captée et fascinée par la polysémie des termes et des expressions, par les tournures et les nuances avec lesquelles les auteurs latins se jouaient de leurs lecteurs. Chaque mot trimballait son petit monde avec multiples chemins pour s’y perdre.
J’ai le grand bonheur et honneur d’avoir encore en ma possession le Gaffiot familial légué de sœur en sœur puis à mes enfants ; ouvrage tant aimé, consulté, annoté, reliquaire de petites fleurs séchées et de trèfles à quatre feuilles.
Le latin, que je maitrisais mieux que les langues vivantes, anglais et espagnol, de mon cursus, m’a fait découvrir l’univers passionnant de l’étymologie ; je ne peux plus aborder un mot sans me questionner sur son histoire. Non seulement les mots portent un héritage suivant des filiations parfois surprenantes voire tortueuses, mais il est possible de les dévier vers des directions absurdes pour leur faire prendre d’autres voies et d’autres sens. On s’aperçoit souvent dans l’expérience du calembour que le mot, sa sonorité, sa forme se plient très volontiers à l’absurdité en retrouvant cohérence et logique.

C’est bien plus tard que je découvris Marcel Duchamp et sa mécanique intellectuelle, merveilleuse Broyeuse à chocolat, bien après l’École des Beaux-Arts qui se situait entre un enseignement technique traditionnel et poussiéreux et le renouveau d’une contemporanéité picturale, à l’heure où, dans ce contexte, le surréalisme était gênant voire ringardisé, avec tout ce qui allait avec.

C’est bien par hasard, et cela doit être idéalement ainsi, que j’en fis la découverte au gré des visites de musées et d’études que je repris pour devenir enseignante. Après cela, je n’eus de cesse, pour moi et pour mes élèves, de creuser et creuser encore mes connaissances sur Duchamp et son œuvre qui symbolise pour moi l’aboutissement de toute recherche artistique au point qu’il serait inutile d’en rajouter. Je ne décrirai pas ici sa démarche ; chacun peut aller à sa recherche et y trouver son propre chemin.

Le jeu avec les mots est réellement rentré dans ma pratique artistique quand j’ai commencé à travailler à partir d’un crâne que j’ai prénommé Gertrude. Gertrude au vocable plein de R comme en contrepoint du « plople » de mon enfance.

Quand j’ai abordé cette pratique autour de Gertrude, il y a plus de treize ans, je ne me doutais pas à quel point ce simple motif (pas si simple), réceptacle vide (pas si vide) et sans histoire (mais à l’histoire de tous les possibles), se prêterait à l’infini au jeu avec les formes et les mots, que les mots comme « os » ou « crâne » joueraient ainsi les trublions dans le langage, aussi bien le mien que celui des interlocuteurs de ce blog ; à quel point également le jeu avec les mots pourraient générer des réalisations plastiques, et ces réalisations autant de spiritualité verbale.

Ainsi le Blog de GertrudeS persiste et signe uniquement grâce au plaisir que je retire de ce jeu. Aucune autre ambition.

 

Je choisis de ne pas associer d’images à ce texte car le blog entier en est l’illustration et la démonstration.

 

Juliette Charpentier
Turenne le 9 avril 2021 .
Le noeuf d’avril, le seul jour de l’année
où La Crâneuse raconte sa vie.