Je suis née morte ou presque morte.
Je me plais à le croire. Je ne m’en souviens plus, ma mémoire tient à celle de ma mère.
Cette dernière raconte que je suis née, étouffée et bleue, le cordon ombilical noué autour du cou, et qu’il a fallu me ranimer avec des claques.
Cet événement a pris dans mon esprit la précision des choses non vues. Je peux ainsi revoir en détail le corps bleu et gluant, la chose l’enserrant, fascinante et étrange comme un serpent.
Le champ de ma vision est envahi par le cordon, ce lien mère à fille, corps à corps, ni tout à fait l’une, ni tout à fait l’autre ; il prend allure de chair monstrueuse, mise à jour, mise à mort, prête à tuer avant d’être tranchée.
L’évocation de cette menace, vaincue par mon premier cri, a une dimension quasi mythique dans ma petite histoire ; elle m’a toujours plu : celle, presque rassurante d’avoir touché la mort en préambule à la vie comme garantie de son aboutissement.
Je crois bien connaître cet épisode depuis toujours, comme si sa conscience n’attendait au fond de mon esprit que quelques bribes d’entendement d’enfant pour en crever la surface et pour me lier à ma naissance ; si bien qu’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fière de ce que je voyais comme une particularité qui me distinguait des autres mortels.
Est-ce l’événement lui-même ou la légende que j’ai construite autour, qui s’est imprimé dans mon destin ? Toujours est-il que j’ai toujours eu la conviction de ne pas avoir surmonté l’épreuve pour rien. La vie avait donc à découdre avec moi, et moi à découdre avec la mort.
Cette dernière a toujours été le point central de ma conscience ; bien à l’abri derrière la façade de la petite fille drôle (qui faisait rire tout le monde avec ses airs de garçon manqué) elle restait pourtant assise sur mon estomac et m’abîmait dans des océans de terreurs à l’idée de la disparition possible de mes proches, bien plus que la perspective de ma fin.
J’ai ainsi toujours eu le sentiment de vivre en sursis, de ne jamais profiter pleinement de l’instant présent, mais de me trouver toujours dans l’espace intermédiaire de l’attente d’une catastrophe imminente.
J’ai, parfois, pu me laisser envahir par ce sentiment au point de rentrer dans une forme de catatonie, une presque-mort, arrêt face à la chose à l’affût.
Depuis, j’ai élaboré quelques solutions à ce décalage, parfois handicapant en société, entre l’instant présent pas tout à fait vécu et l’anticipation du moment redouté, dans une forme de cloisonnement : Une partie de moi est présente à ce que je fait, l’autre, mise au secret, mène sa vie autonome, creuse son trou comme le moine trappiste creuse sa tombe, tout en respectant un certain pacte de silence avec ma raison, prête, cependant à hurler dans ma tête dès que ma vigilance défaille dans l’obscurité du sommeil.
Ainsi, je suis née dans un cri étranglé : Intermédiaire vacillant entre inconscience de la vie et perte de l’insouciance de son arrêt imminent.
La naissance est un traumatisme, dit-on ; est-ce celui de s’arracher du ventre et de l’horizon clos des perceptions pour se trouver face au vide? Ou simplement celui de tendre vers la conscience ? Autant de questions de ma naissance parvenues à ma co-naissance le jour, où, à mon tour, je fus mère.
Ce jour-là, l’apparition de l’être qui est soi et qui, de seconde en seconde, ne l’est déjà plus, prit le sens du miracle ; mais aussi de la catastrophe.
Je vis, à cet instant, toute l’architecture de mes petits murets protecteurs s’écrouler dans un chaos indescriptible, où mes pires terreurs libérées se mêlèrent aux jouissances les plus intenses.
La logique bien ordonnée de la vie, construction patiente de mes petits égoïsmes, fut balayée d’un coup dans la déchirure du ventre, et de sa dépendance illusoire à l’œuf de ses enveloppements merveilleux.
Ce petit être brutalement mis en dehors, en devenir de soi, me mit hors de moi.
Son corps et ses sensations, d’une imprévisibilité extrême, m’échappèrent d’emblée, tout en m’arrachant les entrailles.
Sa chair si présente, si vulnérable, si émouvante envahit l’espace de mon désir, mais ouvrit à nouveau le gouffre sous mes pieds incertains.
Survivre devint à jamais un vain mot dès lors que l’autre, né de ma chair, mourrait.
Gertrude
Gertrude Rose
voit la Vie en … Rrose
Gertrude Noire
plonge dans les marécages
JC, Le Cordon de Gertrude, divers tissus tressés, argile, longueur: environ 9m
Ma chère Gertrude, de la cuisine introspective (pour ne pas employer quelque autre terme culinaire freudlaté ou lacancanien), seriez vous donc le cordon bleu ?!
Non, ici aucun Sigmund sous cellophane, que du ressenti maison et une petite envie de le mitonner.
Le cordon est un morceau de choix, parait-il.
En Roumanie, on l’enterre, le cordon, sous les racines d’un arbre que l’on plante à la naissance… Ainsi prédispose-t-on à devenir fort comme un chêne…
Cette belle histoire animiste me laisse à penser sur le boites vides et leur contenu improbable…
Mais où donc at-on enterré le mien?
À bientôt,
cela me fait penser que mon frigo est vide….
À frigo frigide cordon sans air !
Gertrude ! Tu ne sortiras pas avant d’avoir rangé ta chambre !
Oui, Maman!
http://gertruderosecelavi.over-blog.com/article-n-etre-76674860.html
Attention de ne pas tomber dans le pas n’être ! (La concierge est dans l’esprit d’escalier).
Cela faisait longtemps!
Mon frigo frigide…? Non mais!
Net ou pas net, dit la concierge
http://gertruderosecelavi.over-blog.com/article-n-etre-76674860.html
Mais le Net, c’est aussi la Toile (tentaculaire araignée-poulpe). Voilà qui est tiré par le cordon (de la concierge).
Je suis muette…Je vous ai lue deux fois…
Je vais revenir ….
De ma naissance je n’ai que cette transmission ,la ville était paralysée par la neige ,le fleuve gelé pouvait se traverser à pieds …Ma mère ne m’a jamais pardonné d’avoir été fendue par le scalpel …
Le sang et la neige ….De force ,exterpipée ,tirée à la vie…Me toucher le nombril me met au bord de l’évanouissement ; les années n’y ont rien changé !….
Tant que ce n’est pas tiré par les cheveux! Ni par le cordon du poêle (ou du poil!)….
Enfin, à tout mal son bienfait : vous n’êtes pas nombriliste (quoiqu’à vous lire et contempler vos créations…)
Je crois que je vais installer un petit divan pourpre dans un coin à gauche (celui du coeur).
Excusez Hécate, je pensais m’adresser à la maîtresse de séance…
Attendez, j’ai quelque chose pour vous…. il faut que je fouille dans mes archives.
Voilà, j’assume:
http://gertruderosecelavi.over-blog.com/article-23788106.html
Dont acte. Mais à lire un peu rapidement l’intitulé de votre ‘fiente’, celle-ci, si elle ne manquait pas d’air (absent), avait, sous mon regard défaillant, perdu son ‘i’… Réminiscence de ‘La disparition’ ? Pérec ben qu’oui, Pérec ben qu’non ! Ou alors c’est une projection freuduleuse !
» Quel est pour l’homme le bien suprême ? » demandait Midas à Silène…
» Misérable race d’éphémères, enfants du hasard et de la peine, pourquoi m’obliger à te dire ce que tu as le moins intérêt à entendre ? Le bien suprême, il t’est absolument inaccessible : c’est de ne pas être né, de ne pas être, de n’être rien. »
Bon. Il y a plus léger…
Pesssimistement vôtre.
Z
Ah! La rapidité dans l’acte!
Il est vrai que le i peut faire figure d’épi phénomène dans la fiente, et on peut se questionner sur les formes possibles des dispositifs de sa disparition. Cependant Pérec a bon dos dans vos hallucinations au Culaire et vos histoire d’Oeil.
Je remarque au passage que vous ne dites rien du cure-dent taillé en pointe….
Oui, mais le problème revient au même néant: aussi bien dans la non-naissance que dans la mort, nous sommes dans une impossible visibilité.
Les cure-dents non taillés en pointe n’ont d’utilité que pour asticoter les caries en rapport avec leur diamètre (sont-ce d’ailleurs des cure-dents ? : vraie question lexicologique !)…, quant aux autres, ils peuvent servir à piquer les olives. Autres moeurs, autres symboles !
Voyez que mes petites réalisations sont plus complexes qu’il n’y parait quand on se donne le temps de les regarder et d’en comprendre toutes les références.
Dotés à l’une des extrémités d’une petite boule d’ouate, vos cure-dents non taillés en pointe deviennent d’élégants et pratiques coton-tiges permettant, une fois traversée la carie et l’os maxillaire – vous en connaissez plus que moi à cet égard -, de se curer les oreilles de l’intérieur. Comme quoi mon inventivité fleurette bien avec la vôtre !
Je crois , en nez fait, cher Vincent, que Gertrude est bien mieux placée (et conformée, si j’ose dire) pour se curer l’oreille de l’intérieur (en partant du trou de nez). Par contre le coton tige, c’est très mauvais pour la chair humaine, cela la tasse au fond, et on ne peut plus la récupérer; il ne manque plus que quelques complications et on se retrouve vite fait à l’état d’os.
Vous ouvrez là un champ nouveau à mes recherches et investigations : mes activités me menant par là, je vais pouvoir réexaminer plus scientifiquement l’image du visage christique, à la lumière éclairante et lumineuse de vos observations, du fameux Os-Suaire de Turin… Et enfin savoir si c’était la dentition ou le système auriculaire qui était en mauvais état. Car il semble que la célèbre et contestée crucifixion n’avait d’autre but que d’immobiliser le bougre tandis qu’on tentait de l’opérer.
« De l’inconvénient d’être né » comme disait Cioran ….
J’ai toujours cru qu’il s’agissait de l’appendicite…
Si, au moins, ils avaient eu des cotons TIG cela nous aurait épargné quelques plaies. (et quelques simagrés).
Décidément la vie est pleine d’inconvénients! 🙂
» La hantise de la naissance ,en nous transprtant avant notre passé,nous fait perdre le goût de l’avenir,du présent et du passé même « .
Pas seulement la vie : » Si la mort n’avait que des côtés négatifs ,mourir serait un acte impraticable » …
EEEEUUUUUUHHHHHH!
Non, rien de rien, je ne regrette rien!
Le problème c’est qu’on la pratique de toute façon, c’est un peu comme le boulot.
N.B. : Ne pas confondre l’Os-Suaire de Turin avec celui de Douaumont-des-Oliviers…
et on dit d’une femme qui accouche qu’elle est en travail …Quel boulot !!!!
Trou-au-mont-des oliviers ou mont-des-oliviers-les-bains-de-pieds? faut savoir…
Bon, je n’ai pas compris la vanne!
🙂
On le dit aussi d’un cheval qu’on ferre… Trouvez le rapport !
Vous allez nous expliquez ça, cher Vincent…. Je sens que vous êtes tout à fait à même de nous faire un cours sur le travail (sans être Sarkosiste)
Maréchal ferrant/Accoucheur, même combat!
Je suis plutôt du genre ‘Sarko-Résiste !’ Bon, passons, l’Histoire fera le tri…
Pour ce qui de ‘ferrer’, je descends – sur la rampe – d’une lignée de pêcheurs… et de maréchaux-ferrants, en effet. Et le ‘travail’ du maréchal-ferrant était quelque chose d’assez impressionnant à mes yeux d’enfant… Vous parlerai-je aussi de l’atelier de bourrelier-sellier de mon grand-père ? Vous voyez, je suis de ces chevaux centaurins que César a magnifié place du Québec…
Voyez comme mon article suscite les autobios…. Comme c’est émouvant! (je ne plaisante pas!)
Rassurez-vous, je suis également Sarko-résist, et même plus s’il y a affinité!
Sachez que je suis exigeant quant aux ‘affinités’…, autant d’ailleurs que pour ce qui des ‘affinés’…, bien sûr, je fais référence aux fromages… Goethe (Meinherr von Goethe) appréciait les ‘affinités’ électives… mais je ne connais rien, hélas, de ses goûts en la matière grasse…
J’ai pour ma part plus d’affinités pour les fromages que pour les huiles…. politiques
Oh, certes ! un rocamadour avec une goutte d’huile d’olive (de la bonne) et une dégoulinade de miel (du bon)… C’est ‘spermatique’, comme disait un vieil ami, prof de bozarts, mais mort vraiment beaucoup trop tôt… Et c’est ‘bonnard’, ajoutait-il, en bon grenoblois qu’il était…
Le rocamadour! Ah! vous parlez à mon âme dordognaise élevée aux produits du terroir noir! On peut rajouter quelques noix sarladaises (des bonnes), même grenobloises, je vous le concède!
Et là, au delà de Bonnard, on pourra se laisser aller à dire que ce sont les Couilles de Cézanne!
Comme ça, vous connaissez des profs de lard?……
Celles de Bonnard laissaient probablement beaucoup à désirer avec sa femme maniaco-dépressive, quand à Cézanne, il en faisait un salutaire provocation. J’aime beaucoup cette expression ‘couillard’ de P.C. Elle dit précisément ce qu’elle veut dire !
Je crois comprendre….Je n’ai pourtant pas les attributs, mais je me sens très proche de « l’être » cézannien, ce sauvage qui ne voulait pas qu’on lui « mette le grappin dessus ».
J’ai la même distance avec les autres; je ressens sa misanthropie jusque dans sa peinture et ses cafetières bleues.
Pour moi, Paul Cézanne est le plus grand.
Et pourtant, il disait: « Défiez-vous des maîtres »
Ni dieu, ni maître… mais Cézanne quand même ! Ce cagot ! Il est vrai que le ‘personnage’ dérange plus que Monet. Pas médiatique le bonhomme… Et son obstination, à en mourir, de peindre la Sainte-Victoire vue des Lauves 49 fois ! Finalement, plus théoricien qu’on ne le dit généralement. Avec lui, grâce à lui, et aussi contre lui, la peinture du 20e siècle va être chamboulée… Il faut relire les pages admirables de pertinence que Rilke lui a consacré.
Je ne sais plus si j’ai lu ce que Rilke a écrit, mais si je ne l’ai pas fait, je n’y manquerai pas… J’ai lu beaucoup de choses de et sur Cézanne; je me suis construite une légende sur le bonhomme (ça depuis mes débuts), j’ai peut-être parfois tiré la couverture vers moi; mais il me semble que son immense fierté en faisait le peintre le plus modeste qui soit et le plus insatisfait; sûrement le plus dingue.
Il y en a un autre un tout petit peu comme ça et plus proche de nous: Gérard Gasiorowski… Jusqu’au bout.
J’adhère – je n’adhère à rien, jamais ! – mais j’adhère à ce regard. Moi-même, je suis devenu un ‘mythomane’ de Cézanne. Quelque chose sur, à partir de lui, dans mon site, chose que je ne réécrirai(s) certainement pas, là : https://sites.google.com/a/excentric-news.info/sous-le-clavier/accueil/cezanne
Visitant, à poil et à rebrousse-poil (de brosse et de pinceau), la récente exposition Monet, je pensais à quand Cézanne, ici, et ainsi. Et je pensais aussi à Rilke et sa chance d’avoir vu, vu et revu, à satiété, celle de 1907, au Grand-Palais, suivi immédiatement d’un salon de l’automobile, écrivait-il. Décidément !
Vous m’aviez caché ça…. Heureusement que vous l’avez écrit, là, pour notre plus grand bonheur; je vais déguster. Vous ne réécrirez peut-être pas celui-là car chaque expérience cézanienne est unique (la dernière pour moi fut devant la petite Vanité qui étaient au Musée Maillol); mais vous en écrirez d’autres…
Je vais aussi lire Rilke.
Tiens, vous non plus vous n’adhérez à rien…
Mon dernier, grand, vrai, émouvant contact avec Cézanne fut, il y a deux ans, à la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny, des oeuvres de Courbet à Picasso venant du musée Pouchkine, à Moscou. Regarder la Sainte-Victoire (de et par Cézanne) à deux centimètres… Quant à Rilke, il s’agit de lettres à sa femme, Clara, d’octobre 1907.
Vous aussi vous êtes née avec le cordon autour du cou ?
J’ai toujours pensé que mes angoisses venaient de cette naissance refoulée par la sage-femme pour dégager ce cordon qui m’étouffait… Plus je naissais, plus je mourais.
Ne me dites pas que votre mère aussi a été agressée en sortant d’un bus alors qu’elle vous portait…
Au commencement était la mère
Un énorme ventre lascivement emmailloté
dans un imperméable rouge démodé.
En était-elle fière ?
C’était sa deuxième grossesse.
A la sortie du bus, une femme folle,
peut-être en mal d’enfant,
la prit pour un punching-ball.
Désarmée par cette violence, elle resta impuissante
Mais le bébé, aux amarres, lutta contre la tourmente.
Bravant roulis et tangage,
il garda son port d’attache,
ancré au ventre de la mère.
Ma chère Gertrude, avec votre ‘naître’ vous avez mis le doigt dans le mille… Voilà des cordons qui a force de nous avoir lié nous délient… Salutaire !
Voilà une belle oeuvre nombriliste qui m’a ému. Mais expliquez-nous cette dernière phrase : « Survivre devint à jamais un vain mot dès lors que l’autre, né de ma chair, mourrait. »
Merci de ce bel échange. Vous avez réveillé quelques démons au fond de mon crâne.
Cela vaut bien un futur petit bricolage!
Non, pas de bus dans les contrées sauvages où j’ai vu le jour; seuls le verglas (exceptionnel dans mon mois de naissance) et les virages nocturnes ont cru avoir raison de mon amarrage!
Mais j’attendais mon heure (de cadette moi aussi, ce qui sous-entend une certaine forme de lutte)!
Votre poésie est toujours là … à propos…
À croire que les cordons ont une langue…. bien pendue et déliée, pour nous amener à une telle délivrance.
Mon cher Émile, qu’est-ce qui vous pose problème dans cette phrase? (Au passage, vous n’aviez pas besoin d’afficher en si gros caractères ma piètre littérature!) Est-ce la syntaxe ou le sens?
En ce qui concerne la syntaxe et le choix des mots, j’ai longuement réfléchi à la tournure de ma phrase: j’aimais assez la répétition « devint » et « vain »; j’aime bien, également le mot « mot » qui s’entend phonétiquement comme « maux », j’aime le dialogue sonore entre « dès » et « né », j’aime enfin la proximité entre « chair » et « mourrait ».
En ce qui concerne le sens, j’entends par là que la naissance d’un enfant est comme une réalité que l’on prend en pleine figure: extension de sa propre chair, cet être d’une totale vulnérabilité va pourtant échapper totalement à notre controle et va commencer sa course vers la mort du moment qu’on lui a donné vie. Cela semble peut-être une banalité (rien de plus banal qu’une naissance, mais rien de plus extraordinaire) mais c’est à ce moment là que j’ai véritablement réalisé la perspective de la mort: celle de l’autre qui sortait de moi et la mienne, bien sûr… C’est à ce moment là que la vie a pris le sens d’une asurdité phénoménale, une incroyable farce…
Mais, vous savez, je rigole bien quand même, et plus que jamais!
Le caractère gras est dû au copier/coller, c’est involontaire, ce sont les mystères de l’informatique me direz-vous. Cette très belle phrase, que personne n’a commentée, valait une explication et je vous remercie d’avoir apporté cette explicite réponse. Ce qui m’a interpelé dans cette phrase, c’est le temps du verbe mourir, qui suppose dans cette situation, une mort immediate à une naissance, or, selon votre réponse, ce n’est pas le cas: le verbe mourir est au futur en fait …ha, la relativité du temps!
Ceci dit, j’ai rencontré aussi dans ma vie un cordon bleu qui m’a pris par le cou et bien j’ai pris dix kilos, on en sort pas indemne.
Bien à vous chère Juliette ( car ici c’est de Juliette qu’il s’agit n’est ce pas ? )
Certains cordons bleus sont bien plus dangereux et liants que d’autres… 🙂
Merci de votre lecture malicieuse; c’est toujours un immense plaisir.
Je crois que j’ai mis le verbe « mourir » au conditionnel qui serait là une sorte de futur mais vu depuis le passé…. Euh… Je ne sais pas si c’est très clair!
Sinon il n’y aurait eu qu’un seul « r »…
J’ai signé « Gertrude » 🙂
A l’imparfait: mourait ( avec 1 seul r), au futur: mourra ( avec 2 r) et au conditionnel: mourrait (avec 2 r). Ces petites révisions grammaticales ne sont pas du luxe. C’est peut être ça l’air du temps: mourir au conditionnel!
C’est vrai que maintenant on pourrrait bien mourir au conditionnel, vu comment le sujet est devenu délicat: cachez moi ce vain que je ne saurais voir!
Mais pour revenir à mes petits essais grammaticaux, comment dire le futur inéluctable quand le récit est au passé? Je m’en remets à vos lumières d’écrivain éclairé et facétieux.
Chère Juliette,
loin de moi la prétention de vous donner des leçons, que nenni, que nenni!
Ce concept paradigmatique de l’inéluctabilité de la mort, introduit de nouveaux critères de valorisation : la qualité et l’intensité de la vie deviennent plus importantes que sa durée. Vous le dîtes, La mort est inéluctable.
C’est l’aboutissement de la vie , pour tout le monde…, sans condition. Reste à savoir si vous voulez transcender la fatalité…
Mourir au conditionnel n’indique pas cette durée temporelle. A mon avis, (et cela ne concerne que ma propre opinion,) mourir, au futur, c’est l’espoir de vivre « une belle vie», c’est avoir un peu de temps pour s’accomplir dans une vie intense.
Est ce que nous sommes ici bas pour valoriser cette vie offerte? C’est un autre débat…
Bien à vous
Cher Émile, vous savez bien que votre réflexion est toujours d’une très grande pertinence et que nous dégustons sans nous lasser cette finesse dans vos récits.
La mort au conditionnel, en fait, n’est pas pour me déplaire, car au delà du constat factuel de l’inéluctabilité de cette dernière, le conditionnel remet en place l’irréductible doute humain et sa part d’irrationalité envers et contre toute évidence.
Car, s’il est bien quelque chose d’impossible à envisager dans la vie, c’est la mort. Et en parlant « d’envisager » c’est bien pour cette dernière raison que le crâne (de Gertrude) me fascine; c’est la physionnomie que nous aurons fatalement, mais qui ne nous sera jamais donnée à voir.
Quant au futur, il pose l’évidence de ce qui sera, comme un couperet à brève ou longue échéance; il présente la chose de façon irrévocable.
Chère Gertrude,
Quoi de plus mortuaire que des os?
je n’avais jusqu’à présent qu’un bref aperçu de mes os : quelques radios de ma mâchoire prises chez le dentiste, une fracture malencontreuse de l’annulaire faite avec un ballon de basket, bref, rien de très passionnant. Toujours est-il que ce fut la première prise de conscience d’une masse osseuse enfouie sous ma chair et puis il y a eu cet accident, où j’ai pu admirer les radios de mon radius, cubitus, homoplate, tibia, fémur, rotule, péroné…la découverte d’un autre moi invisible. Par la suite, j’ai eu l’occasion de faire quelques imageries par résonance magnétique (IRM), un autre aperçu de ma personne invisible: non seulement les os, mais tous ce qu’il y a autour, une découverte abyssale haute en couleurs et en mouvement. Ces découvertes successives de mon être, avec tout ce qu’elles offrent de captivant, m’amenèrent à cette conclusion : » la mort est définitive alors que la vie est l’ouverture de tous les possibles ».
Je vous laisse le dernier (très bon) mot…. 🙂
Pour vous ces paroles du grand Bashung:
J’ai longtemps contemplé
Tibias, péronés
Au ras des rez-de-chaussée
Ces cités immenses
Où je ne rutilais pas
J’arpentais des tapis de braise
Je suis pas libre
J’ai ma luzerne
Au self les elfes me sollicitent
Tire-moi ou tire-toi
Chacun pour soi poursuit sa nébuleuse
J’ai longtemps contemplé
Tibias, péronés
Et cette balle qui voyage dans ma tête
Cet éclat charnel
Parviendras-tu à l’extraire
Je meurs d’envie
De sauter la haie
De te prouver par a plus b
Que la flemme d’un énergumène
N’est qu’un dédale de simagrées
J’ai longtemps contemplé
Tibias, péronés
A la croisée des artères
L’étau se ressert un petit coup
Les rongeurs n’ont qu’un couloir
Pour seul objectif
Un raccourci
Quoi ma rétine
L’état de ma rétine n’a rien à voir
J’ai longtemps contemplé
Tibias, péronés
Demain dans l’arène
J’irai nu
A travers les cyclones
Envolées mes étrennes
Et tant pis si je braille
Je renouvelle le bail
Tout, je comprends tout
Je comprends tout
Fais-moi une fleur
Fais-moi éclore
Au bord d’un parterre
De cyclamens
Je ne sais pourquoi mais votre commentaire me touche particulièrement.
Merci…
Est-ce l’océan?
Un vrai poète ce Monsieur Gogol.
Merci pour la chanson. Ca me rappelle de bons souvenirs, j’étais allé voir Bashung pour 10 francs à l’époque dans une petite ville de Lorraine, et Gaby Ho Gaby nous faisait tourner la tête…
Les vrais poètes sont ceux qui croient alourdir le dictionnaire, mais qui en fait, donnent du poids aux mots en faisant décoller les maux de la triste réalité. Ajoutez en plus un zeste de gogolisme, et ça devient fou.
Bon j’arrête car l’autre auvergnat va plus pouvoir mettre ses gros sabots.
Ah! Le bon temps où la baguette était à 1 franc cinquante et le Bashung à 10 balles!
Faut mieux pas convertir!
Le problème c’est que nos salaires sont restés très francs, eux…. Ma bonne dame….
Même les topinambours sont hors de prix…
Le pire reste le rutabaga indexé: même cher, c’est infect.
Maintenant conscient de ce parfait vide de sens qui nous effraie autant qu’il nous fascine, il nous faut poursuivre, marcher au dessus de ce vide, et dominer le vertige.
N’est ce pas la conscience du non-sens qui donne du sens?
Regarder le vide en face… au lieu de l’ignorer.
Vivre dans l’inconscience est sûrement une pure illusion.
C’est vivre juste comme un organisme, un tube digestif, qui ingère et qui expulse; une vie intestinale, somme toute.
Alors que la conscience, c’est le triomphe de la vision sur l’illusion.
La conscience …et l’illusion . Être conscient d’être dans l’illusion ,ne permet pas nécessairement la conscience de la réalité …Limbes de la pensée ?
Héhé ! Hécate partage mes idées fixes ! En a-t-elle réellement conscience ou bien est-ce que je m’illusionne vaguement ?
Nébuleusement vôtre.
Z
C’est qu’il m’arrive de penser sans y songer cher Z
La conscience ne permet pas de se représenter l’irreprésentable, mais au contraire d’accepter que cela soit irreprésentable.
On peut aussi s’illusionner consciemment.
Ou conscientiser de façon illusoire.
Penser sans songer,c’est rêver qu’on pense sans y penser.
Et lorsqu’une pensée télescope une idée, en jaillit-il d’autres idées ou de nouvelles pensées ? En d’autres termes, la réflexion alimente-t-elle la création ou la création suscite-t-elle de nouvelles réflexions.
Circulairement vôtre.
Z
Je pencherais pour la deuxième solution, mais je changerais le terme « création » par « le faire », car faire amène à penser avant de devenir création; je dirais même que le faire qui peut se commencer dans une certaine inconscience (dans le domaine de la création) est une machine à réfléchir; à se réfléchir et à réfléchir le monde.
Mais vous avez raison, c’est bien une circularité, un système circulatoire…. Vital!
Et je suis piégée!
Il y a dans cette idée quelque chose du mouvement perpétuel.
Je suis enclin à penser que ce cercle est essentiellement vertueux en ce qu’on peut y rentrer à n’importe quel moment. N’est-il pas alors surprenant que, goûtant ce nectar divin, nous soyons encore enclins à aller nous encanailler avec d’autres breuvages dont nous connaissons l’insipidité ?
A moins que ce ne soit un besoin de contrastes…
A moins encore que nous ayons simplement besoin de moments de répit…
Bien à vous.
Z
C’est un cercle vicieux ……..si je laisse faire les idées qui s’enchaînent aux pensées ,la création s’en suit et d’y réfléchir faisant effet de miroir tout se multiplie et partie ainsi je ne serais point couchée ,à l’aube et encore …Je dois me faire violence ,je l’avoue pour être sage …
Follement votre
H
La sagesse et la folie sont toutes relatives.
Livré à moi-même, je puis me livrer aux plus fous des délires sans que cela soit remarqué – mes pensées ne regardent que moi : les seules limites qui s’imposent à moi sont celles de mon imagination et seul compte mon point de vue. Mais dès que l’Autre se manifeste, ma folie devient pour lui excentricité, c’est à dire centrée ailleurs que sur lui et il est alors nécessaire de s’assagir, de nuancer, de s’adapter.
Alors nous nous décentrons de fait sur les foyers d’une ellipse et nos deux points de vue peuvent se répondre – sans pour autant nécessairement correspondre – et s’alimenter l’un l’autre, faisant jaillir la « folie » de nos deux « sagesses »…
La folie, en définitive, seait-elle le plus petit commun multiple de toutes les sagesses ?
Sagement vôtre.
Z
Folie et sagesse …sont relatives ,tout à fait . Etre trop sage c’est frôler la folie ,faire des folies c’est insensé ! Un sage peut cacher un fou qui s’ignore …et inversement …à ce train là ,où allons -nous arriver ?
Retour à la case départ !
Poulement (ou oeufement) vôtre.
Z
Réponse pour le Maestro et la Magicienne:
Votre échange me laisse perplexe.
Vous dites tous les deux si bien les choses et je n’ai pas grand chose à rajouter; si ce n’est qu’il me semble, et cela n’engage que moi, que ce que l’on nomme pompeusement « création » relève souvent (et là je parle de ma propre expérience) de la case en moins, et de la necessité quasi pathologique de la combler; cela n’a rien de glorieux , cela serait plutôt une sorte de fuite en avant un peu désespérée voire pitoyable. En ce qui me concerne, cela vient de nulle part et cela ne va nulle part; quelque chose sans queue ni tête (hum…) qui n’a d’autre sens que celui de tourner en rond dans mon petit monde obsessionnel. En fait ce n’est pas mieux que de « s’encanailler avec d’autres breuvages »; ce n’est pas plus noble; d’ailleurs je ne pense pas qu’il y ait des activités humaines plus nobles que d’autres…et même nobles tout court.
Cela vaut même pas la coquille de l’oeuf de la poule.
Seulement il y a juste des choses, des sortes de guenilles merveilleuses comme des peintures ou des morceaux de musiques que l’on se prend en pleine poire et qui nous percent le coeur.
Allez savoir pourquoi… Ou alors c’est qu’il s’agit de lambeaux d’humanité, ou de ce que devrait toujours être l’humanité: quelques lumineux miracles.
C’est la seule chose qui nous garde vivants.
sans queue ni tête ….
( c’est le titre ,ou sous-titre d’un bouquin qui s’est trouvé ce jour même sur mon chemin ; un ouvrage historique sur le chevalier d’Eon )
Il y a des mystères non élucidés …
« Rien ne vaut rien, il ne se passe rien, et cependant tout arrive et cela est indifférent. »
J’aime bien cette idée de « guenilles merveilleuses qui nous percent le coeur » et j’entends le terme de « guenille » comme une manière de parure, de breloque divine dont on ne connait pas – dont il ne nous est pas donné de connaître – l’usage et que chaque individu tente d’interpréter avec sa sensibilité et son entendement, avec sa droite et sa gauche, avec son coeur et sa raison.
Mélancoliquement vôtre.
Z
Je suis décapitée (mais pas dépitée); il y a donc des mystères qui resteront pour moi entiers…
Une pincée de divin dans ce monde d’humains. Je suis athée, mais je veux bien y croire….. parfois.
N’être ?
Du beau texte, sur un sujet impressionnant pour la symbolique et sa réalité biologique.
Un port commun à tous duquel nous appareillons sur un océan dans l’espoir de trouver une ile tranquille….
Pas mal le coup du cordon….