Quinze ans ou la crise d’Acmé.


En pleine crise d’Acmé1
Gertrude la Belle2 Boutonneuse3
Os ingrat adulé mais pas adulte
fête ses quinze ans sur la Toile

JC, La Belle Boutonneuse, décembre 2022, boutons* cousus et image transfert sur toile, 47 x 30 cm.
(*Issus de la collection de boutons conservés depuis plus de quinze ans par JC, pour la plupart offerts en surplus de vêtements de prêt-à-porter maintenant donnés ou usés sans avoir perdu leurs boutons d’origine.)

  • 1-Je serais bien tentée en ce trois janvier 2023 de vous souhaiter une bonne acné mais…
  • 2-Sous ses appâts rances de jeune fille polie, bien rangée et organisée, Gertrude cache une personnalité cas os tique.
  • 3-Qui cherche toujours ses marques et sa boue d’ornière.

 

Les devoirs de vacances de la Crâneuse ou la collection maritime et coquillarde du Tatou fait de tout.

 

La Crâneuse en vacances ne manque jamais à ses devoirs. Cette fois la consigne est donnée par l’éminente Professeure H :

« À partir d’une coquille. »

Évidemment la consigne et la coquille valent pour un temps et un lieu donnés à savoir septembre 2022 au bord de l’amer bassin d’art cochon dont nous connaissons la richesse lit d’oral et l’inspiration lit et râle.

Chers interlocuteurs, vous trouverez ci-dessous les devoirs de vacances accomplis avec enthousiasme par votre Crâneuse collectionneuse ainsi que la grille de compétences élaborée par la Professeure H. en personne.
Vous avez ainsi tous les outils pour évaluer la pertinence du Tatou fait de tout.
(Même si vous ne comprenez pas tout du Tatou et de ce langage d’initiés bande de cancres-là.)

Les devoirs accomplis :

  • Mon premier est le tatou prêt en bulle en amorphe sphère contrôlée tapi dans son bul’eau à la laine chargée.

  • Mon deuxième est un tatou du tout trouvé et son bul’laine sur carapace.

  • Mon troisième est un tatou ready-mer à carapace tricotée et objet dard décoquilleur.

  • Mon quatrième et un tatou peint en coque dans la plus pure tradition du souvenir de l’os séant.

Mon tout est un tatou fait de tout et qui s’en tape le coquillard !

JC, septembre 2022, Le Tatou prêt en bulle, objets et matériaux divers trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon, laine feutrée à l’aiguille. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC, septembre 2022, Le Tatou du tout trouvé, objets et matériaux divers trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon, laine feutrée à l’aiguille. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC, septembre 2022, Le Tatou Ready-mer, Objet et coquillage percé trouvés sur le littoral du Bassin d’Arcachon. Dimensions approximatives. Collection particulière.

JC,septembre 2022, Le Tatou peint en coque, aquarelle sur os de seiche trouvé sur le littoral du Bassin d’Arcachon. Dimensions approximatives. Collection particulière.

 

La grille d’évaluation par compétences de Professeure H :
Grille universelle critique
ayant déjà fait ses preuves sur les étudiants en masse terre de la Professeure H.

Évaluations par compétences – Sujet Août 2022

COMPÉTENCES VISÉES, TRAVAILLÉES et ÉVALUÉES

 

DOMAINES DU SOCLE

 

-Choisir, organiser et mobiliser des trucs, des machins et de l’haleine iodée en fonction des effets qu’ils produisent sur le corps mou mais beau.

-S’en taper le coquillage.

 

 

Expérimenter, produire, créer du bon pied marin.

Domaines du socle : 1, 2, 4, 5

 

-Mettre les voiles et mener à bon port une production individuelle dans le cadre d’un projet accompagné par le Tatou Spirit, grand inspirateur maniable et sans fil.

-Mener à bon porc une production collective mijotée sous la conduite du capitaine au long cou.

-Mener à bon pore une production goutteuse sous l’œil humide mais averti de Gertrude, reine de la longue conservation (1).

 

 

Mettre en œuvre un projet de lard salé ou d’eau douce.

Domaines du socle : 2, 3, 4,7, 14

 

-Justifier des choix pour rendre compte du cheminement qui conduit de la coquille à l’ermitage, ou inversement.

 

S’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses paires (de chaussures à son pied) ; établir une relation avec celle des pagures, s’ouvrir à l’altérité crustacée.

Domaines du socle : 1, 3, 5, 26, 43, 25bis

 

 

-Identifier des caractéristiques (plastiques, culturelles, sémantiques, symboliques) inscrivant une œuvre dans une aire géographique de la côte aquitaine à la banlieue parisienne par l’entremise du livreur Chronopost et dans un temps historique du Quaternaire à l’Anthropocène.

 

Se repérer dans les domaines liés aux arts place Tic, être sensible aux questions agitées du beau cal et de la vulgaire croûte.

Domaines du socle : 1, 3, 92, 132ter alinéa 4, 368C (voir nouveaux programmes – réforme du collège 2023-2024), 3652a, 441702a et b.

 

Note (1) : Gertrude est aussi la reine de la longue conversation, voir http://juliettecharpentier.fr/gertrudes/ 2008 – 2022.

Cela fait exactement quatorze ans et neuf mois que Gertrude la bien conservée et grande conservatrice des collections du n’importe quoi, converse de ses droits et de ses devoirs.

À corps ou en dés à corps. Exception au Capitaine N°15.

 

J’ai toujours été en désaccord avec mon corps .
Carrément pas raccord avec ce corps qui pourtant n’était ni handicapé, ni malade, ni tordu, ni en surcharge mais doté d’une géométrie spatiale incertaine et encombrante, d’une gaucherie évidente.
Combien de pieds de table, de coins de meuble, de chambranles de porte sont-ils entrés en collision avec ma personne ? Combien d’escaliers ont-ils eu raison de mon équilibre ? Combien d’assiettes, de tasses et autre objets fragiles se sont-ils échappés de mes mains ?
Mon corps a bien souvent fait défaut aux calculs de mon esprit comme le jour où j’avais cru lancer mon lourd cartable en bas de l’escalier du collège. Mon corps avait suivi le mouvement à l’insu de mon plein gré et ma tête avait amorti le choc un étage plus bas, démonstration du manque d’entente entre ces deux protagonistes de mon individu. Ce fut un souvenir percutant et, somme toute, assez drôle de mon bref passage à l’école.
À la même époque (j’avais dans les onze-douze ans), mes parents me voyant si gauche, ont cru bon m’inscrire à un cours de danse classique que j’ai fréquenté deux longues années durant.
Le professeur se nommait Courtois (c’est dire…), et les valses de Chopin, dont, au piano, il accompagnait les exercices, m’évoqueront à jamais ces séances pénibles où j’étais surnommée « l’éléphant ».
Pourtant mon corps n’avait sûrement rien d’éléphantesque : j’étais plutôt petite, maigre et noiraude , les cheveux bruns et coupés court. Incapable de coordonner mes mouvements et de maitriser correctement les bases de la danse classique, je ne faisais que retomber lourdement sur le parquet . Je contrastais avec la grâce de mes petites camarades blondes aux chignons serrés impeccables sur le haut du crâne, fières de leurs chaussons à pointe qu’elles cassaient dans les charnières des portes.
Je n’ai, pour ma part, jamais dépassé le stade du chausson mou.
Mes parents comprirent que je ne serais jamais un petit rat de l’Opéra ; je fus donc inscrite dans un centre d’équitation.
La durée de l’expérience fut fonction de la rigidité dénuée d’indulgence de l’ancien militaire qui dirigeait les cours et de l’animal qui vite comprit à qui il avait à faire : au vu du peu de contrôle que j’avais de mon propre corps, je ne risquais pas de lui imposer ma volonté, dessein qui, quand j’y réfléchis à présent, n’a jamais été le mien.
J’abandonnai donc ; et plus j’avançais dans l’adolescence, plus mon corps se repliait sur lui-même, adoptant une voussure permanente qui me valut d’incessants « Tiens-toi droite ! » de la part de mes parents.
Je suppose que cela les inquiétait plus que moi qui, dans cette posture, renonçais simplement à maitriser mon image. Un vrai soulagement.
J’ai accepté, depuis, le décalage, voire même l’incohérence entre ma tête et mon corps. Le regard des autres quand il était bienveillant et surtout le regard amoureux m’ont permise, à défaut d’être complètement en harmonie, de vivre mon corps au mieux.
Avec le temps, j’ai également cultivé l’autodérision par rapport à ma maladresse, à ma géométrie improbable, à ma légendaire incapacité à m’orienter dans l’espace, à mon manque d’équilibre postural.
Ces caractéristiques font partie intégrante de ma personne. Mais j’aurai toujours ce sursaut et un sentiment de perplexité en surprenant mon reflet de profil ou de dos dans un redoublement de miroirs.
J’aurais pu m’épancher davantage sur ce p… de corps qui n’en mérite pas tant ; je ne voudrais surtout pas donner raison à l’arthrose qui me rappelle quotidiennement son existence.

Gertrude n’a-t-elle pas prouvé que la tête pouvait tout à fait se passer des contingences du corps ?
Aurais-je pour autant imaginé que moi Crâneuse, Capitaine de ce blog exclusivement dédié à un crâne sans chair ni corps, je réaliserai une sculpture ? Vous savez le truc en trois dimensions qu’il faut concevoir dans l’espace et autour duquel il faut pouvoir tourner, ou au pire le machin dans lequel on se prend les pieds en regardant la peinture… Et une sculpture en vrai bois, sur le corps en plus ! À partir d’un défi lancé par un psychomotricien, qui plus est !
« Le mouvement révèle le corps. » a-t-il dit.

Pfffffff……. C’était juste un jeu.

Article dédié à B. et à la psychomotricité.


Juliette Charpentier, Capitaine de ce blog.
9 avril 2022

JC,Décembre 2021- Mars 2022,  Le Corps en Jeu ou le Je du Corps. Bois de tilleul sculpté. Dimension variable.
Photographie montrant la « sculpture »  ainsi que son mode d’emploi et les dessins  préparatoires ayant permis sa réalisation.

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En mains « ploples » ou le Je des mots : L’exception au Capitaine n°14.

 

« Juliette, comment sont tes mains ? »
À la question que mon entourage ne se lassait pas de me poser, je répondais inlassablement : « Elles sont ploples. »
J’avais environ quatre ans et je savais très bien dire le mot « propre » proprement. Mais remplacer les R par des L tellement plus liquides, plus bizarres, plus informes, plus intéressants à prononcer me procurait une satisfaction certaine ; les réactions d’hilarité que produisait l’effet comique de répétition m’amusaient beaucoup et m’encourageaient à poursuivre.

J’ai toujours aimé les mots, jouer avec eux, leur sens, leur plasticité, leurs possibles polysémies. Créer des associations entre eux, des collisions, des collusions, construire des phrases ou pas, ou carrément produire de la confusion grâce à eux.

Enfant, des jours entiers, je répétais intérieurement des mots ou des termes que j’avais attrapés comme des papillons sans forcément en connaître le sens, tout simplement parce que leurs sons me plaisaient ou que je leur conférais une autre signification.

J’étais une enfant sauvage et solitaire dont l’esprit était peuplé d’histoires, de conversations, de bricolages divers qui m’occupaient. Je ne m’ennuyais jamais et avec du recul, je m’aperçois que les mots jouaient un rôle certain dans cet univers personnel qui me suffisait amplement. À tel point que loin de briller, je devais renvoyer une image quelque peu demeurée en société au grand désespoir de mes parents.

Mon père n’était pas en reste pour jouer l’idiot à répéter à l’envi bons mots et calembours qui par usure ne faisaient plus rire que lui. Il adorait également modifier les noms propres, au point parfois d’oublier la version originale face à des personnes qui s’en trouvaient contrariées.
Chaque semaine il recevait Le Canard Enchainé et se délectait de sa lecture d’un bout à l’autre ; nous avions droit à tous les bons mots de l’hebdomadaire, titres succulents avec dessins ad hoc, contrepèteries croustillantes qu’on nous disait ne pas être pour nos oreilles d’enfants.
Ma mère, elle, faisaient les mots croisés du Canard, réputés des plus difficiles. Passionnée de littérature, elle recevait, au fond de la brousse malgache, la revue « Avant-scène » qui retranscrivait toutes les nouveautés théâtrales. Je les lisais après elle, je ne comprenais pas tout mais m’appropriais quelques tirades à déclamer pour moi seule.

La lecture était une de mes plus grandes occupations, celle bien sûr de livres accessibles à mon âge, j’avais entre huit et dix ans ; je m’intéressais également fortement aux ouvrages que mes parents laissaient sur leurs tables de nuit, à la recherche, quand ils avaient le dos tourné, de je ne sais quels mystères réservés aux adultes. C’est ainsi que vers neuf ans j’ai lu, terrifiée, « La Métamorphose » de Kafka, et été longtemps hantée par un corps de cafard incrusté de pommes pourries.

De la lecture à l’écriture il y a une logique. Je prenais beaucoup de plaisir à écrire, des lettres particulièrement destinées à ma tante ou à mes grands-parents. Je faisais également partie d’une chaine d’enfants de part le monde qui s’envoyaient des cartes postales ; j’écrivais à des inconnus et recevais des réponses en retour ; cela allait du petit mot aux vrais récits, j’aimais l’idée de raconter ce qui me passait par la tête à des personnes que je ne rencontrerais jamais.
J’avais environ huit ans et n’allais pas à l’école. Je suivais des cours à distance par le CNTE, ancêtre du CNED. J’avais par exemple écrit une rédaction fleuve où je faisais le parallèle entre mon grand-père que j’admirais et la momie de Ramsès II vue au Musée du Caire lors de notre dernier retour à Madagascar. Le professeur que je n’ai jamais rencontré avait été visiblement très impressionné.
Plus tard en classe de troisième, cette fois scolarisée durant une année en Gironde, je rédigeai une nouvelle sur une histoire atroce se déroulant dans les camps de la mort, récit qui m’avait été relaté par un de mes oncles et qu’il me semblait important de retranscrire. Cette écriture parmi d’autres que je réalisai en cours de français fut un moment particulièrement fort de ma scolarité. C’était en même temps un acte sérieux et une vraie satisfaction.

Mais ma plus grande révélation d’élève reste le latin. Mes sept années de latin furent une pure jouissance intellectuelle, l’épreuve de Baccalauréat sur le Satyricon de Petrone une apothéose.

Le latin était un jeu en même temps littéraire et scientifique, les traductions relevaient du défi et de l’enquête policière. J’étais captée et fascinée par la polysémie des termes et des expressions, par les tournures et les nuances avec lesquelles les auteurs latins se jouaient de leurs lecteurs. Chaque mot trimballait son petit monde avec multiples chemins pour s’y perdre.
J’ai le grand bonheur et honneur d’avoir encore en ma possession le Gaffiot familial légué de sœur en sœur puis à mes enfants ; ouvrage tant aimé, consulté, annoté, reliquaire de petites fleurs séchées et de trèfles à quatre feuilles.
Le latin, que je maitrisais mieux que les langues vivantes, anglais et espagnol, de mon cursus, m’a fait découvrir l’univers passionnant de l’étymologie ; je ne peux plus aborder un mot sans me questionner sur son histoire. Non seulement les mots portent un héritage suivant des filiations parfois surprenantes voire tortueuses, mais il est possible de les dévier vers des directions absurdes pour leur faire prendre d’autres voies et d’autres sens. On s’aperçoit souvent dans l’expérience du calembour que le mot, sa sonorité, sa forme se plient très volontiers à l’absurdité en retrouvant cohérence et logique.

C’est bien plus tard que je découvris Marcel Duchamp et sa mécanique intellectuelle, merveilleuse Broyeuse à chocolat, bien après l’École des Beaux-Arts qui se situait entre un enseignement technique traditionnel et poussiéreux et le renouveau d’une contemporanéité picturale, à l’heure où, dans ce contexte, le surréalisme était gênant voire ringardisé, avec tout ce qui allait avec.

C’est bien par hasard, et cela doit être idéalement ainsi, que j’en fis la découverte au gré des visites de musées et d’études que je repris pour devenir enseignante. Après cela, je n’eus de cesse, pour moi et pour mes élèves, de creuser et creuser encore mes connaissances sur Duchamp et son œuvre qui symbolise pour moi l’aboutissement de toute recherche artistique au point qu’il serait inutile d’en rajouter. Je ne décrirai pas ici sa démarche ; chacun peut aller à sa recherche et y trouver son propre chemin.

Le jeu avec les mots est réellement rentré dans ma pratique artistique quand j’ai commencé à travailler à partir d’un crâne que j’ai prénommé Gertrude. Gertrude au vocable plein de R comme en contrepoint du « plople » de mon enfance.

Quand j’ai abordé cette pratique autour de Gertrude, il y a plus de treize ans, je ne me doutais pas à quel point ce simple motif (pas si simple), réceptacle vide (pas si vide) et sans histoire (mais à l’histoire de tous les possibles), se prêterait à l’infini au jeu avec les formes et les mots, que les mots comme « os » ou « crâne » joueraient ainsi les trublions dans le langage, aussi bien le mien que celui des interlocuteurs de ce blog ; à quel point également le jeu avec les mots pourraient générer des réalisations plastiques, et ces réalisations autant de spiritualité verbale.

Ainsi le Blog de GertrudeS persiste et signe uniquement grâce au plaisir que je retire de ce jeu. Aucune autre ambition.

 

Je choisis de ne pas associer d’images à ce texte car le blog entier en est l’illustration et la démonstration.

 

Juliette Charpentier
Turenne le 9 avril 2021 .
Le noeuf d’avril, le seul jour de l’année
où La Crâneuse raconte sa vie.

13 ans ou bilan de « blogounette ».

 

JC, 2020, Remplissage de Gertrude,
fil de coton écru, provenant d’une filature en faillite et trouvé dans une brocante, sur suédine ( fausse peau) écrue, 25 x 34 cm.
Broderie inachevée, work in progress, mise en scène sur une nappe blanche ancienne ajourée à l’aide d’un appareil photographique numérique installé sur un trépied.

Chers interlocuteurs passés, présents et futurs,
voici treize ans exactement, je créai ce blog dont l’objet central est un crâne, Gertrude, que j’ai acquis lors de mes études à l’école des Beaux-Arts, il y a une quarantaine d’année.
Jeudi 3 janvier 2008 était sûrement un jour un peu vide et la mise en ligne de Gertrude un peu fortuite histoire de combler un petit sentiment d’ennui et de rêverie ; pas véritablement un projet, juste une expérience.

L’entreprise « gertrudienne » sur Internet, improbable à ses débuts, s’est très vite avérée pour moi passionnante et indispensable ; se sont imposés rapidement des protocoles, des rites et des obligations comme la scansion du temps, le jeu avec les mots, l’interaction entre les textes et les objets (dérivés de Gertrude), la mise en scène photographique de ces objets (petites réalisations plastiques), un ancrage plus ou moins étroit dans des références artistiques ou dans des évènements autobiographiques.

Le Blog de Gertrude, malgré son apparence décousue et hasardeuse, répond à une véritable construction structurée et pensée; une solidité qui l’a probablement sauvé du naufrage qu’auraient pu provoquer toutes les turbulences qu’il a traversé entre ramifications et fusions diverses, traversées du désert, changements de plate-forme et c…

J’ai, par ailleurs, renoncé à ranger ou remettre en place les quelques 986 articles et 19829 commentaires mis en vrac par ces péripéties, ou télécharger à nouveau les vidéos devenues inopérantes.
J’ai même attribué à ce désordre, générateur d’une perte de lisibilité des premiers temps du blog, une correspondance avec les mécanismes mémoriels de mon propre cerveau : j’ai, ainsi, de ces treize années de blog, des souvenirs précis de parutions ou de conversations au détriment d’autres quasiment oubliées.

Maintenant, le Blog de Gertrude, bien loin d’être fragilisé par ses errances, est d’autant plus policé, rythmé, structuré par des protocoles précis et identifiables.

Mais l’expérience du Blog de Gertrude n’aurait strictement aucun sens sans interlocuteurs: vous, qui me suivez parfois depuis plusieurs années de près ou de loin et qui n’avez jamais interrompu la conversation.

L’aventure qui dure à présent depuis treize ans, un chiffre à la fois vertigineux et dérisoire au même titre que son objet vaniteux, serait très vite tombée dans une impasse sans les discussions passionnées et passionnantes instaurées dès ses débuts autour de Gertrude, et s’est vite révélée un incroyable medium d’échanges, souvent restés virtuels, parfois aboutissant à des rencontres dans la vie réelle.

Via Gertrude, vous avez joué avec moi, avec les mots, les concepts, les références. Ce fut l’occasion de maintes joutes rhétoriques réjouissantes, de plaisanteries, de calembours et surtout d’un nombre impressionnant de « blagounettes » voire de brèves de comptoir jusqu’à parfois mettre en danger le caractère spirituel et intelligent que j’ambitionnais dans ma démarche.

Car démarche il y a, même si peu ont reconnu ici un dessein artistique (risquons le mot) à cette construction virtuelle toujours sur le fil entre ridicule et effrayant, entre idiotie et autobiographie.

En effet la création du blog de Gertrude survient en 2008 dans ma pratique, à un moment où je suis un peu enlisée dans une recherche picturale qui tourne en rond sans aboutir.

Gertrude, plutôt la réactivation de ce crâne sur Internet, est pour moi une expérience inédite, un moteur incroyable pour mes activités plastiques et ma motivation intellectuelle, une performance aux inventions infinies, le réceptacle (vide !) de toutes les possibilités créatives.

L’expérience Gertrude ,vue en perspective, n’est pas pour autant déconnectée de mon parcours artistique (risquons encore le mot) jamais interrompu depuis plus de quarante ans ; elle est l’issue logique et nécessaire des recherches picturales que je menais depuis des années. Maintenant, avec du recul, j’en prends conscience.

Au bout de ces treize années, il est possible que Gertrude ait perdu un peu de son essentialité dans mes activités : le partage « magique » du virtuel s’est un peu étiolé dans votre probable lassitude d’interlocuteurs gertrudiens, dans l’obsolescence du concept de « blog » au profit des réseaux sociaux qui m’intéressent moins.
Et il est possible que mon travail plastique se déploie à présent davantage dans le réel plutôt que dans le virtuel, plaçant ainsi le blog en arrière plan de ma pratique.

Je me suis interrogée bien des fois sur l’opportunité d’arrêter le blog de Gertrude mais j’ai toujours trouvé de bonnes et mauvaises raisons de poursuivre.

Je n’ai encore rien décidé pour la suite, je pense peut-être à de nouvelles modalités ou protocoles, par exemple à une nouvelle catégorie qui s’intitulerait « Une toute autre histoire »…
Et m’en remets toujours à ma chère devise : rien n’était prévu mais rien ne sera laissé au hasard.

 

Le 03/01/2021
Juliette Charpentier,
plasticienne, créatrice et administratrice du Blog de Gertrude.

 

VAIN c’est bien, RIEN c’est mieux.

 

Aujourd’hui
trois septembre deux mille vingt
La Crâneuse
décide
de ne
RIEN
faire

Cela fait exactement
douze ans et huit mois
que Gertrude
c’est
du Vain
du BON
du BONNET
(d’âne)

Gertrude avant Gertrude: L’exception au Capitaine n°12

 

Et si Gertrude était
une machine à remonter le temps ?

« … Arrivée à mon âge, on se dit finalement qu’on a plus de passé que de futur, bien plus à raconter à rebours qu’en avant… »

En attendant que
la Capitaine Crâneuse
concrétise un tel projet
qu’elle procrastine un peu
bulle de temps en temps
reporte au lendemain
quelques rétropédalages dans l’os
vous pouvez toujours
lire ou relire le texte
« La princesse Gertrude »

Dix ans: Le calendrier de l’après.

Gertrude en dix ans, c’est 947 articles et 19518 commentaires.

(Cliquez sur les images pour remonter le temps.)

Et pourtant cela pourrait se résumer en une phrase :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Voici dix ans que Le Capitaine sous son chapeau crâne dans son bocal posé sur l’étagère encombrée pour laisser son empreinte sur la Toile en écoutant le bruit du monde et en brodant ses rêves de médaille en chocolat sous forme de monogramme tatoué dans la peau de l’os pastel, et après ?… »

 

Soi dix ans en passant: Les @-Vaintures de Os l’éponge.

Ou dix ans de performances absorbatives d’une Crâneuse-éponge qui n’amasse pas mousse face à ses admirateurs virtuels absorbés:

La performance absorvative d’Os l’éponge face à ses nombreux admirateurs absorbés.

Cela fait dix ans que Gertrude gratte, frotte, étrille, lave, récure, lessive, absorbe, essore, essuie, éponge en direct sur la Toile…

Et pourtant si elle nettoie, elle est Moi.

JC, décembre 2017, Os l’éponge, mousse polyuréthane de récupération découpée, dimensions variables.