Naked Gertrude: Hommage à Lucian Freud


Cet article est bien sûr dédié à Marc L.

Gertrude et Albert

vont au Vernissage.

 

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    Gertrude et Albert se rendent ensemble au vernissage de l’exposition des peintures de Lucian Freud* au Centre Pompidou.

 

    Je tiens à préciser tout de suite que toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes serait fortuite et tomberait comme un poil de fesse sur un os à moelle.

    Il se trouve juste par le plus grand des hasards (mais le chemin de Gertrude est toujours semé de hasard, sinon il ne serait pas) que « Gertrude » est aussi le prénom d’une grande collectionneuse d’Art, et « Albert » celui  d’un très grand scientifique. La rumeur dit que la première était carrément (même cubiquement ) folle au point de miser sur des peintres tordus dont le nom commence par P, et que le deuxième était un surdoué autiste qui s’exprimait en un langage codé tout à fait relatif.

 

  Bon, je m’égare…

    Cela pour vous dire que Gertrude, que je ne vous présente plus, a rencontré Albert lors d’un vernissage de broderies vaniteuses en septembre 2009 et s’est adonnée depuis, avec lui, à quelques exercices d’anatomie comparée (aussi ici et ici).

 

    Albert, coutumier de ce genre de manifestations culturelles,  a donc invité Gertrude au Vernissage, et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit d’un vernissage pour V.I.P. (Vrais Impotents de la Peinture).

    Vous pensez bien que Gertrude est fière ; elle a même mis un peu de poudre pour se rosir l’os, tant elle n’a pas l’habitude de briller en société. Elle est d’ailleurs très impressionnée, non seulement de constater qu’Albert a réellement la carte ad hoc pour pénétrer dans ce cercle très fermé (avec portes blindées intégrées) mais aussi de se trouver en présence d’une foule de V.I. de la Presse ainsi que de V.I. de la Politique.

    Tout ce beau monde se bouscule en rangs serrés et Gertrude a beaucoup de difficultés à rassembler ses esprits animaux et à réemboîter  ses mandibules, pour ne pas sombrer dans une monomaniaquerie  ethnologique  délétère, si chère à ses vices de misanthrope mais susceptible de lui boucher les orbites et lui faire rater l’essentiel, à savoir la Peinture. Et ceci malgré son admiration inconditionnelle  pour Claude Levi-Strauss, le chantre du Bricolage et de l’observation de la Nature humaine.

 

    Mais la Peinture l’attend, terriblement présente, invraisemblablement  dégueulante,  puante de splendeur, terrifiante et magnifique.

    Elle est là, tout simplement partout, dans ces ventres abandonnés, dans ces cuisses endormies, ces mains sans complaisance, ses plantes pourrissantes ; elle rampe sous la peau des murs, dans les fleurs de la couverture, dans les tas de chiffons ; débordant des canapés défoncés et des lits naufragés, elle attire le regard dans une vertigineuse plongée, pour l’achever à coup de lattes abstraites tout en bas d’un parquet à la Caillebotte.  Puis comme une machine infernale, elle renvoie l’œil se désorbiter sur les sexes, rouges comme les engelures bouillantes des pieds turgescents de cette fille émouvante dans l’embrasure, centraux comme le messie d’un jugement dernier. Enfin, elle revient triomphante, dans l’autonomie totale de son épaisseur, dégoulinante, en chef-d’œuvre in-connu, former « muraille de peinture »1, et grignoter, dans une mise en abyme d’elle-même, aussi bien l’espace du tableau que l’espace de l’atelier.

    Car la Peinture, en ce lieu, est chair, « fonctionne  comme la chair »2, présente la réalité pathétique de la chair tout en la représentant, expose sans pudeur et sans détour la frontalité putrescible des viandes animales et végétales. Et cette peinture ne se contente pas de s’incarner dans des nus époustouflants, des corps à corps sans artifice, mais pousse la crudité à occuper le moindre pouce carré (unité de mesure anglo-saxonne) de chaque tableau, ce qui fait in fine un vrai territoire en pays conquis.

 

    Gertrude se sent elle aussi complètement  colonisée, aliénée ; elle ne s’appartient plus, elle n’a plus toute sa tête. Car la Peinture lui a volé sa tête : elle joue avec comme  avec un punching-ball, à grandes claques de chair, l’envoyant bouler d’un bout à l’autre de l’espace. Gertrude sent son os vaciller, se liquéfier, s’élastifier.

    Elle rebondit d’un mur à l’autre en hurlant « Naked ! Naked ! Naked ! », comme un nouveau cri de guerre faisant résonner ses pariétaux d’un écho charnel oublié, comme l’incantation désespérée d’un os qui ne s’est jamais senti aussi proche de redevenir corps.

    Si Gertrude n’était pas déjà tête nue, elle se mettrait à poil séance tenante.

 

    Gertrude est tellement emprisonnée dans les draps maculés de la peinture qu’elle en a complètement oublié le beau linge qui l’entoure. Heureusement, personne n’a remarqué son délire ; ce beau monde est, d’ailleurs, occupé à bien autre chose qu’à regarder la Peinture, lui. Ce qui est sûrement préférable car cela ferait  un beau désastre, certaines confrontations étant parfois d’une rare violence…

   Enfin, ces gens ne sont pas fous, eux : ils savent très bien que les vernissages n’ont jamais été faits pour regarder la Peinture, mais pour avoir l’occasion de se retrouver entre personnes utilisant les mêmes codes de représentation. Il est toujours rassurant et gratifiant de se sentir en famille. Il est donc inutile de vérifier que les tableaux  accrochés au mur ont toute l’innocuité requise à ce cocon préservé, puisqu’ils ont la bénédiction de l’Institution ; on ne peut que les aimer, cela tombe sous le sens. Et tout le monde s’aime, bien sûr ; quelle idée ! 

    Et le plaisir est à son comble quand l’artiste est là…

 

    Gertrude retombe brutalement  sur le parquet des réalités; elle a senti comme un souffle, comme le frôlement d’aile d’un grand oiseau… Le maelström se creuse dans la foule serrée des invités. Soudain, au centre de la tourmente, elle le voit, elle le reconnaît, le VIP (Very Inouï  Peintre), le seul… Avec son corps, sec comme un chien de ses peintures, son œil clair de faucon, dans lequel elle entrevoit,  l’espace d’un instant, une liberté océanique ; car le temps n’a plus d’importance face à ce magnifique vieillard dont la présence efface le bourdonnement excessif de ses admirateurs.

    Gertrude murmure tout bas « Lucian » comme un mot doux et tombe instantanément amoureuse.

 

    Peu importe que Gertrude ne fasse pas partie de cette camarilla, elle vient d’avoir sa minute de bonheur absolu, le miracle de l’incarnation, la Sainte Trinité Picturale, la Peinture, la Chair de la Peinture et le sourire du Peintre.

  

    Gertrude est fière.

En plus, elle est le seul crâne…

Mais quoi ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? Mais non, elle n’est pas le seul crâne, ici… Elle se rappelle qu’elle est venu avec Albert, le crâne scientifique. Mais, où est-il donc passé ? Elle est impatiente de lui raconter son expérience exceptionnelle, de partager avec lui ce moment inoubliable. Enfin, elle le voit. Heureusement Albert a mis pour l’occasion des lunettes de couleur rouge ; il a dû voir ça sur Internet, en surfant sur les blogs sur l’Art, et a voulu se donner un petit air branché. Cela permet au moins à Gertrude de le repérer dans cette foule (Gertrude, elle, a des lunettes à carreaux, mais c’est juste pour voir et non pour être vue).

    Albert, imperturbable, regarde chaque tableau, lit consciencieusement  chacun des textes écrits en gros sur les murs ; ces textes permettent au visiteur de ne pas repartir idiot et d’avoir le sentiment que la peinture leur a été expliquée (heureusement qu’ils ne connaissent pas tous les performances de Joseph Beuys).   

    Albert, en crâne sérieux et scientifique, prend des notes dans un petit carnet ; Gertrude constate que c’est le même que celui tout corné du Capitaine  qu’elle a en permanence dans son sac à main pour griffonner ses élucubrations de crâneuse quand elle s’ennuie dans le métro. Il paraît également que Hemingway et Picasso en avaient  un, mais je soupçonne là un argument marketing.

    Bref, Gertrude est toute contente de retrouver Albert, mais ce dernier semble bien trop occupé à rentrer toutes ces données et ces informations dans son cerveau scientifique pour perdre son temps à faire la conversation ou exprimer une quelconque émotion. Gertrude se sent bien bête et se souvient, qu’à son habitude, elle a encore laissé le peu d’entendement qu’elle possède à l’entrée de l’exposition pour ne garder en éveil que ses esprits animaux.

    Elle en ressent brusquement une énorme colère et une grande tristesse.

 

    Dans l’escalator qui les ramène au rez-de-chaussée, elle ne parvient même pas à contempler les toits de la capitale, spectacle qui lui est familier mais qui, comme l’océan de son enfance, est en permanente mutation.

    Un hurlement enfle au fond de son crâne, terrible, lancinant.

Elle a envie de crier :

    « Mais Albert, que ressentez-vous donc devant cette FUCKING NAKED PEINTURE ? »

Mais aucun son ne franchira sa mâchoire bloquée. Elle se raccroche désespérément à un faible espoir : Et si Albert, avant d’arriver en bas, brusquement, laissait s’exprimer son émotion , comme Jean-Pierre Marielle dans une œuvre cinématographique culte,  célèbre anthologie  de la Peinture :

    « Ah ! Nom de Dieu de bordel de merde ! Quel cul !3 ».

    Mais non, Gertrude et Albert sont déjà sur l’esplanade ; il fait froid, et Gertrude ne saura jamais si Albert est un crâne scientifique dénué de sentiment,  un surdoué autiste ou tout simplement un grand timide.

 

    Puisque c’est comme cela, Gertrude reviendra en compagnie  d’Hedgarallaan son défunt transi de l’espace. Il joueront à touche-occiput  devant les nus et se rouleront des pales os au cul de Freud, petit fils de.

 

Et Hedgarallaan  dira :

« Je vais le peindre en vert, en bleu, en rouge, en jaune…3 »

JC,

Paris le 13/03/2010

 

   

  1-  Le Chef-d’œuvre inconnu, Honoré de Balzac.   
     2-  Lucian Freud.
     3-  Les Galettes de Pont-Aven,  Joël Seria, 1975.

*Lucian Freud, Centre Georges Pompidou, 10 mars – 19 juillet 2010

 

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Mais tout ceci n’est qu’une fiction.

Bien heureusement il existe de vrais Amateurs d’Art :

 

  lunettesrouges.blog.lemonde.fr

 

Laissez-vous guider, vous aurez l’impression d’y être.

Vous économiserez le prix du billet d’entrée,

mais vous ne mourrez pas idiot.

 

img_0088.jpgJC,
Naked Gertrude ou Gertrude morte dans l’atelier du Capitaine,
huile sur toile,
33 x 41 cm

Pour l’occasion

Gertrude rose

enlève le haut

Gertrude noire

enlève le bas

 

47 réflexions sur « Naked Gertrude: Hommage à Lucian Freud »

  1. Je trouve que Gertrude a l’air bien énervée ce matin!
    Ahhhh la peinnnnnture!!
    C’est beau surtout quand c’est à l’eau! 
    Autrefois, j’aimais bien Lucian Freud. L’autre jour, J’ai regardé le catalogue  de l’expo de Beaubourg et aujourd’hui je trouve cela affreux, Lugubre et sinistre mais reflète bien ce goût que nos contemporains ont pour le « crad » le « trash » le « dégoulinant » etc et ce n’est sans doute pas un hasard. Jean Ferrat dans une de ses chansons parlait de « l’enfer moderne » ; qui disait-il de l’horreur contemporaine? je crois qu’il se taisait, consterné qu’il était.

  2. Ce qui me dérange le plus ,concernant Lucian Freud ,c’est le prix excessif de ses oeuvres …Si il avait porté un autre nom ,totalement obscure ,avec le même talent audacieux ,serait -il connu ,acheté ,exposé ?…
     Je pense à tous les artistes peintres qui galèrent dans l’ombre …
                                                                                                       votre Hécate

  3. Sachez que Gertrude est TOUJOURS énervée! Arrrggghhhh!
    Vous avez bien raison de trouver ça dégueu; vous êtes ici dans un blog dégueu et pourquoi pas contemporain. (Gertrude possédant l’éternité ).

    Quant à Ferrat, sa voix me faisait rêver quand j’avais quinze ans, Aragon un peu moins…
    Je crois malheureusement qu’il ne faut jamais se taire, c’est mauvais pour la liberté.
    Hélas nous sommes tous obligés de la fermer un jour, et notre chair de pourrir et… dégouliner…. Beeeuuuuhhhh!!!!!!!!

  4. La vie est injuste..
    Mais quel poncif!
    Les annonces d’ob déconnent et je viens de m’apercevoir que vous avez écrit un nouvel article vous aussi;
    OB est injuste aussi!
    C’est trop pinjuste!

  5. Nous pouvons toujours rêver d’un monde meilleur …
                                                                                                                     votre Hécate

  6. Une bonne raison pour que les cimetières restent ouverts ….
    A voir tant d’églises fermées en dehors des heures de messes , je m’inquiétais pour ces jardins d’après-vie…
    Souhaitons longue vie aux morts célèbres .
    L’humour permet de glisser quelques vérités.

    Beaucoup d’humour à voir un Crâne visiter un peintre de la chair …Il est vrai que la chair et l’os fûrent très unis .
                                          votre Hécate 

  7. La postérité est préférable de son vivant …
     » Gertrude »  vit bien la sienne ; elle est tombée entre de bonnes mains …
    Avec la crémation ,point de seconde vie prolongée éventuelle …
     Il y a bien les urnes contenant les cendres …
              Vous pensez ,que ,réduite en poussière le Crâne aurait vécu une pareille aventure ?

    Tout de même ,Docteur Gertrude …vous rencontrant Lucian Freud  !!!
     Faut le lire ,le voir ici pour y croire   ( vous n’avez pas eu envie de rire ,en y pensant ,car ,tout de même ,vous avez dû avoir l’esprit de ce côté ,un peu …? )

  8. En douteriez-vous? Gertrude n’est pas étrangère au choix de cette visite et croyez moi dans cette historiette (un peu longue) chaque détail a été pesé et compte… et a sa petite valeur incarnat!

    Lucian Freud est un des rares peintres actuels qui me bouleversent. Son regard: Magnifique!

  9. Ah! le reagard vous fait de l’effet…Il est vrai que Gertrude peut rêver ,ses orbites creuses cachent bien le sien

    Je ne doute point que chacun de vos mots ne soient  le reflet de vos minutieuses sensations maîtrisées !!!

    PS : hier ,passante fatiguée par la foule ,j’ai aperçu en vitrine des livres d’art sur Lucian Freud…J’aurais bien fait d’y entrer tout de même…:(

  10. Ahhhhhhh ! Ma Défundulcinée ! Ne pouvant clore l’orbite, c’est cette nuit que j’ai lu votre hommage à Lucian Freud et entre mes claquements de dents extatiques, j’ai sifflé ardemment votre cri de guerre. Naked ! Naked ! Naked !

    Je me suis ensuite longuement trucidé sur les œuvres du peintre aux yeux clairs délavés de tendre rapace. J’ai posé mes os sur diverses critiques, certaines positives, d’autres négatives, d’encore détachées, d’aussi dégoûtées ; toutes différentes… et pourtant avec toujours les mêmes termes récurrents.

    Cru, chair, morbide, exhibition, corps…

     

    J’ai voulu comprendre cette répétition, ces distinctions parentes, ce semblant d’universalité des sentiments.

    Alors j’ai cherché. Alors j’ai regardé. Alors j’ai vu.

    J’ai trouvé, pour moi, uniquement pour moi, sans union avec une totalité, où se nichaient les émotions humaines, les frayeurs, les douleurs, les questionnements, les troubles, les névroses, les obsessions, les détresses, les appels muets, les non-dits, tout ce que l’on sait mais que l’on tait, tout ce que l’on cache en montrant le tout, tout ce qui est secret mais qui se clame dans la parole stoppée, tout ce qui est tabou mais qui existe en chaque homme… La banalité que l’on dédrape, l’évidence que l’on déshabille, la laideur qui se décamoufle, l’obscénité d’un quotidien que l’on gratte cru-ellement du bout de l’ongle, la folie douce ou prête à rugir… Aussi.

    J’ai trouvé tout cela dans les regards capturés par Lucian Freud, ceux qui se détournent et ceux qui osent fixer notre âme.

    J’ai trouvé tout cela sous la peau imparfaite des hommes, sous l’enveloppe froissée des femmes, mises en scène par l’artiste.

     

    J’ai respiré à la surface des images les odeurs oppressantes de ce qui vit, de ce qui respire, de ce qui sue, de ce qui pue, de ce qui fatigue, de ce qui est né, de ce qui meurt, de ce qui pourrit depuis la conception.

    J’ai inhalé la putréfaction bleutée qui stagne sous l’eau claire.

    J’ai contemplé les dommages qui marchent sans ordre et les dégradations qui sourient dans les palpitations de dessus.

     

    J’ai compris une grasse, une charnue, une pendouillante, mais également une gâtée puis osseuse partie de ce qui compose l’être de chair pensante, l’animal debout, accompagné perpétuellement d’un environnement en éternel mouvement de délabrement.

     

    J’ai poussé alors encore le cri d’une chair à canon qui vous appartient, déséquilibré par de terribles douleurs bandées derrières les orbites.

    Sensations étranges venues de votre ailleurs.

    On m’a dit que ces maux tiraillés, distendus, tordus, étaient les signes annonciateurs pour les humains de perles aqueuses et salines…

     

    Je ne rêve que d’une chose à présent, me fondre quelques instants dans la paix qui fait si peur aux terrestres créatures, retrouver ces mortifications orbitales pour de vrai, en chair et en chair, en chair et en peinture… Avant de jouer à touche-occiput et à « pince-moi l’osselet si tu peux » avec ma Gertrude Adorée.

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  11. P.S.

    Plaie me demande de vous faire savoir que sa (merdique) peinture est achevée, qu’elle sèche sur le radiateur et qu’elle entreprendra son voyage mercredi… Quel crâneur ce type…

  12. Hedgarallaan, mon Transi, vous savez regarder ; car je fais une distinction, que dis-je j’élève une muraille de Chine entre le fait de se planter devant des tableaux et celui de regarder la peinture. Regarder la Peinture c’est accepter de se donner, s’adonner ; et la Peinture ne se donne pas à tout le monde.Comme la peinture est tout sauf une affaire de surface, il faut accepter l’interpénétration,  c’est une aventure physique, amoureuse. La plupart des gens ne voient qu’une image, et n’ont pas le pouvoir de la voir s’incarner. Cela semble peut-être terriblement prétentieux de ma part, mais je n’ai rien demandé : je sais simplement que la peinture quand elle se manifeste m’émeut jusqu’aux larmes, jusqu’au malaise, comme une empoignade tragique, comme un coup de foudre ; c’est une rencontre, une rencontre amoureuse ; j’en suis après obsédée longtemps après. Ce que je raconte ci-dessus, libre à vous de me croire, a beau être une fiction mais est réellement arrivé, est vrai point par point, y compris, et peut-être surtout, l’amertume. La peinture est une tragédie et une souffrance, provoque un constat d’impuissance devant cette ouverture de chair (car la peinture est toujours chair et bien souvent quand elle ne la représente pas) qui nous est en même temps accessible pour mieux s’interdire par son essentiel mystère.

    Lucian Freud est un peintre, et aimer ou pas aimer sa peinture est ici hors de propos ; c’est un peintre et puis c’est tout.

    Au retour, je n’avais qu’une chose en tête : cette douleur qui ne pouvait s’apaiser que les pinceaux à la main, même pour faire une peinture merdique ; mais j’ai pris un pied fou.

    J’aurais aimé être en votre compagnie ; il y a des choses que l’on aimerait partager avec certains plutôt que d’autres…

  13. A propos de la reconnaissance (vaine) de l’artiste (forcément obsessionnel), je suis allée voir le film de Takeshi Kitano : Achille et la tortue. Déjanté ! Connaissez pas Takeshi Kitano ? Il expose à la fondation Cartier…
    Allez bonne nuit ! 

  14. Anne, ma soeur Anne, je vois se profiler là quelque lacune dans mon champ poudroyant d’investigation; ainsi que quelque vaine friandise promise sous ma dent, car grâce à vous, chère Anne, j’irai voir.À vrai dire ce nom a quelque echo loufoque (qui vous va bien) au fond de mon crâne mais rien de très précis.
    Quand venez-vous à Paname que l’on programme un Jeu (télévisé et diffusé sur la chaine G9 qui monte, qui monte…) dans les jardins de la Fondation Cartier?

  15. Gertrude la Misanthrope ,la Maîtrise incarnée ,la Cynique ,l’Os à Moëlle Sorbet ,ne fond donc en pâmoison ,folle éprise que de la peinture !!!
    Là ,c’est la Passion Absolue …Je découvre que cette année ,l’emprise peinte est très puissante ,après Ensor …ou depuis…et même avant ..

    ( je puis un peu comprendre cette pulsion ravageuse ,j’ai perdu le sommeil avant certains certains spectacles à l’idée de ce que j’allais voir…J’ai fait des découpages frénétiques de photos de tableaux ( notamment ,les corps exangues et torturés du Greco ,chairs comme vidées de sang …)
    L’exposition de Delvaux,avec toutes ces femmes nues errantes, celle de Füsli hantée  de succubes ,d’incubes ,furent à leur période des chocs …

    Hécate …est à son carrefour de nuit ,d’ombre,ceci n’est qu’un murmure réveillé de sa vieille mémoire .Une pensée livrée au vent…

  16. Si c’est pendant les vacances de printemps, c’est à affiner en effet… Car le Capitaine met le cap au sud aussi sûrement qu’un crâne est attiré par un pot de cendre…

  17. Cruelle ! Votre Chicheu a bien failli me faire exploser la boîte de joie !

    Je ne comprends pas très bien le sens de votre question mon A-dorée.
    Lucian Freud est admirable et me fait remuer l’os dans la chair comme peu arrivent à le faire et Alfred… a de très belles lunettes.
    Et puis les autistes m’ont toujours beaucoup attiré.
    Donc, non, rien ne me dérange.

  18. Je retire donc ce que j’ai dit à ce sujet (un point pour lui) mais je garde le chapitre sur l’aliénation. Pourquoi croyez vous que j’ai cité Duras sur l’article précédent?

  19. …Bonsoir Gertrude, Grande Os parmi les osselets, je viens de rouler des yeux du côté de cette huile…trés joli travail dans la matière et les transparences…Je vous laisse à votre nuit peuplée d’ombre et de lumière…

  20. Merci du compliment, surtout venant d’un fieffé dessinateur comme vous!

    Là, la peinture n’est que prétexte ou pré-texte, histoire de mettre un peu d’huile sur le feu des mots.

  21. Ah! ces artistes !….

    PS : j’ai regardé de plus près le catalogue …hum…la chair …mes chairs Crânes ,voilà bien ce qui vous tentent ..(.un brin Hedgarallaan , de persil …)

                                                                     votre sorcière

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